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EAN : 9782070363711
448 pages
Gallimard (13/04/1973)
3.83/5   58 notes
Résumé :
Le titre de ce livre est une des phrases mystérieuses que l'on entendait à la radio de Londres, pendant l'Occupation, un message chiffré destiné à la Résistance. Des quatre nouvelles qui le composent, la première, Les Amants d'Avignon, avait paru clandestinement aux Editions de Minuit. Les manuscrits des trois autres, enterrés près de la maison habitée par Elsa Triolet, n'ont vu le jour qu'après la Libération. Dans ces quatre nouvelles, les personnages ne peuvent éc... >Voir plus
Que lire après Le premier accroc coûte deux cent francsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Écrites de 1942 à 1944, ces quatre nouvelles sont réunies dans un recueil paru à la libération sous le titre symbolique d'un message annonçant sur la radio de Londres, le débarquement en Normandie de juin 44 : » le premier accroc coûte deux cent francs »
A l'exception de la dernière nouvelle qu'elle écrit à Paris en automne 1944, Elsa Triolet écrit ses textes dans la clandestinité, le premier d'entre eux : « Les amants d'Avignon » sera publié par les Éditions de Minuit en 1943 sous un pseudonyme.
Il est émouvant de lire dans ces histoires qu'elle raconte, le lien très fort qui existe entre la fiction et l'expérience qu'elle a vécue. En introduction au récit, elle évoque d'ailleurs dans une préface, comment elle a traversé ces années, et on retrouve dans ses lignes le terreau de son récit, écrit dans une langue d'une poésie solaire et d'un réalisme acéré.
Elle met en scène des personnages qu'elle connaît bien, ils sont majoritairement de son monde, artistes, journalistes, ils ont quitté Paris et se retrouvent en fuite, de villages en campagnes, de logement meublé en pensions de famille, ils sont perdus :
« Dans le salon où tout le monde se réfugiait parce que c'était le seul endroit chauffé, Alexis se sentait comme un bateau par gros temps. »
Pour eux, le quotidien, c'est la chaleur étouffante l'été, le froid mordant l'hiver, la difficulté de s'approvisionner et surtout le ballotement de leurs vies, suspendues à la peur, à l'incertitude. Ils font contraste avec ceux qui s'engagent : des femmes comme Juliette qui cherche des planques dans la montagne, comme Louise qui se cache, déjà arrêtée une fois, des hommes comme Célestin, comme tous ces villageois qui aident le maquis. Pas de manichéisme toutefois, la réalité est toute en nuances, Henriette et Alexis applaudissent aux bonnes nouvelles du front et la part de rêve est forte chez Juliette ou Louise. C'est le rêve qui fait écrire à Louise ses souvenirs d'enfance en Russie dans la neige immaculée de Moscou, une enfance qui ressemble à celle d'Elsa, et Louise cache ses cahiers sous un pêcher tout comme Elsa le fait de ses écrits. le rêve et la poésie ont raison de tout, ils transfigurent la réalité : Juliette cachée dans la maison perdue oublie les rats au spectacle de la neige, elle oublie la solitude et demande à Célestin de faire comme si, et les messages d'amour qu'ils voient gravés sur les murs du fort Saint André se prennent à une nouvelle vie. le miroir est partout dans ces histoires, dans la description de Lyon en ville laide et détestée à l'image de ce que ressentait l'auteur elle-même, dans la description de la petite ville refuge au bord du Rhône avec son « café de la poste et du sauvage » qui plante son décor dans les deux nouvelles qui se suivent. D'une nouvelle à l'autre, il y a des rencontres, Alexis et Louise se croisent, se reconnaissent, elle aide Alexis à se remettre à la peinture, il l'aide sans le savoir à inventer des histoires. A leurs côtés, il y a tous ces personnages, croqués sur le vif, la logeuse envahissante, l'industriel généreux, et deux mondes qui coexistent, ceux qui « sont en dehors de tout » et ceux qui sont dans l'action même modeste, ceux qui cachent, ceux qui savent, ceux de la plaine et ceux du maquis. Pas d'héroïsme grandiloquent dans ces lignes, juste la réalité fragile de l'occupation, Juliette est arrêtée en allant aux Galeries Lafayette. La réalité de la guerre est toutefois bien là et elle déchaine sa violence alors que tout semble promis à finir, la dernière nouvelle met en scène dans l'été 44, les massacres et la fureur que la défaite annoncée de l'Allemagne voit décupler.
Un récit sincère qui n'exclue pas les aveuglements (sur l'URSS notamment) mais qui apporte un témoignage historique fort tout en hissant le récit historique au rang d'une superbe création littéraire.
Une lecture émouvante.
Ce livre a obtenu le prix Goncourt en 1945, premier Goncourt attribué à une femme.
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C'est la critique de Chestakova ici, belle et intelligente, qui m'a donné envie de lire « le 1er accroc.... ». Je suis un fou d'Aragon et pour moi Elsa Triolet n'était que la femme de...
J'ai découvert une vraie autrice. Ses belles phrases précises et vives décrivent admirablement villes, paysages, sentiments et ambiances. (Je me suis régalé avec les descriptions de Lyon, tellement pertinentes et avec celles de Moscou sous la neige, propres à faire rêver).
Les personnages sont campés avec justesse au moyen d'images originales qui font mouche. (« ...ce beau garçon méridional a la loyauté des terrains de sport... »)
Le récit est bien construit et nous tient en haleine : je n'ai pas pu lâcher ma lecture avant de savoir ce qu'il adviendrait d'Alexis, d'Henriette ou de Louise.
Il exclut tout manichéisme ce qui lui confère profondeur et densité.
Un bémol tout de même peut-être : les épilogues, à mon sens un peu bébêtes, ne sont pas à la hauteur des récits. Mais la petite déception finale est bien peu de chose comparée au plaisir de la lecture. Après tout il existe des voyages où l'itinéraire est bien plus beau et enrichissant que la destination.
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C'est un livre qui parle d'une autre époque, mais c'est aussi une écriture qui parle d'une autre époque : où l'on écrivait comme l'on peignait, où l'on peaufinait à merveille portraits et paysages, où le récit n'était pas encore imbibée de télévision et de série télé. Ni de cinéma pourtant déjà bien présent dans la vie culturelle de l'époque.... Où l'on prenait le temps d'écrire, de décrire... et de lire. Sans que son cerveau réclame à chaque fin de page sa dose de rebondissements.
Ce sont bien des tableaux que l'on découvre ici, comme l'on visiterait en s'attardant une galerie. Et Elsa Triolet excelle dans ces deux exercices (paysages et portraits) même si cette autre écriture "best seller" existait déjà, notamment du côté des anglo-saxons (je range par exemple dans cette catégorie un autre recueil de nouvelles de Daphné du Maurier (Les oiseaux et autres nouvelles) de presque la même époque)
Certaines de ces nouvelles (de 100 voir 200 pages) ne sont pas pour autant de petits romans. Car il s'agit bien de toiles réalisées à un moment donné, des "instantanées", aussi bien côté paysages que portraits. Des tableaux "pris sur le vif", ou plutôt qui ont imprégnés la rétine de l'artiste et qu'il restitue plus tard. Comme certaines de ses pensées, notamment sur l'écriture : " (...)vouloir fixer un souvenir par écrit, d'en fixer de pauvres brides au lieu de rester à rêver, richement. Etrange besoin que d'écrire"

Contrairement à ce que dit l'une des critiques ci dessus, on ne lira pas ici l'aveuglement dont a put faire preuve, comme une majorité de personnes ayant embrassées la cause communiste en ces années là, Elsa Triolet vis à vis de l'Urss. Dans la préface, l'auteur évoque par contre toute l'animosité dont elle a souffert, de fait de ses choix politiques, de la grande méfiance qui l'entourait, elle et l'amour de sa vie.

Ce que j'ai particulièrement apprécié ici, c'est le fait de n'avoir pas de suite compris les liens entre certaines nouvelles, de me rendre compte que la journaliste dont le peintre parle d'une façon peu amène dans une nouvelle, est l'héroïne que l'on suit ailleurs. Et dont alors on sait la fin tragique, alors qu'elle même ne se doute de rien... Savoir le futur sombre d'une femme qui a choisi en ces années le camp de la résistance, comme un double d'Elsa Triolet et de ce qu'aurait pu être sa fin, sans doute le tableau de ses angoisses quotidiennes d'être découvertes et promis aux pires représailles...
Le livre d'une survivante.
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Autant le dire : j'ai été happée par ces quatre nouvelles (surtout les 3 premières). Il me semble que Triolet raconte beaucoup de la vie en France durant l'Occupation : résistants taiseux et invisibles, soif d'en découdre, méfiance vis-à-vis de tout le monde, longues heures passées à attendre, difficultés matérielles, union dans la lutte contre l'occupant, méfiance réciproque, espoir, attente d'une déception inévitable…
La ville de Lyon figure comme un décor indispensable. Plaque tournante des maquis et de la Résistance, refuge des Parisiens, importante population ouvrière, riche bourgeoisie, et surtout les traboules, les rues, les passages, les escaliers, les boîtes aux lettres, qui sont arpentés, surveillés, jour et nuit. La ville est mal-aimée, grise et froide, humide et peu accueillante, mais les Résistants les plus divers s'approprient le moindre de ses pavés et de ses recoins.
Sont très bien rendues également les discussions entre inconnus, dans le train ou dans une file d'attente, quand on sent que l'on partage des préoccupations communes, mais que l'on se méfie, que l'on prend part à la conversation pour être comme tout le monde, mais pas trop, pour surveiller ses mots.
De temps en temps, le « je » ou le « nous » de l'autrice fait irruption dans la fiction, rappelant les conditions d'écriture de ces textes. e suis très impressionnée par le fait qu'elle ne dispose d'aucun recul et écrit sur le vif tout en rendant toute sa complexité aux personnages et aux événements. Les personnages de fiction racontent son histoire et celle de ceux qu'elle a connus, mieux qu'une série de reportage. Et de temps en temps, des tracs sont insérés en plein milieu du récit.
Ces quatre récits sont dans l'ensemble assez sombre. Même si la fin de la guerre ne cesse de se rapprocher, les amis continuent d'être arrêtés et tués et l'esprit de collaboration, de méfiance et de trahison semble avoir durablement atteint le pays. L'horizon est bouché. Et pourtant, j'aime beaucoup le récit de l'agitation qui s'empare de tous à la réception du message donnant le signal du débarquement.
Et puis la langue est si belle, c'est elle qui porte la lumière.
Lien : https://chezmarketmarcel.blo..
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"Le premier accroc coûte deux cents francs" m'a fait découvrir l'écriture d'Elsa Triolet.
Avec ces nouvelles écrites pendant la guerre, Elsa Triolet nous fait vivre des moments de résistance et connaitre des personnages pris dans les évenements. Ces mots sur Lyon sont d'une force picturale réelle, les sentiments, les peurs, le courage imprègnent les pages.
J'avoue piteusement que je ne connaissais Elsa Triolet qu'en tant que muse de Louis Aragon. Et je dois dire que c'était fort injuste...
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Si Mme Loiseau avait été méchante, cela aurait été facile, mais comme elle était pleine de bonne volonté, il n'y avait aucun recours contre elle. Comment faire pour ne pas manger avec elle, quand malgré les habitudes de toute une vie, elle déplaçait ses heures de repas pour ne pas contrarier ses locataires, et que l'idée de manger séparément ne lui venait même pas ? Les premiers jours, dans l'espoir qu'elle se fatiguerait d'attendre, les Slavsky déjeunèrent à trois heures, mais rien n'y fit, et Mme Loiseau essaya même de cacher le mal d'estomac que cela lui avait donné. Il ne fallait pas songer à prendre leur repas dans la salle à manger de chêne clair ; jamais Henriette n'aurait osé mettre le couvert sur cette table immaculée, devant laquelle personne ne s'était jamais assis pour manger. Pas plus qu'elle n'osait se servir de la vaisselle qu'il y avait dans le buffet, les mains lui tremblaient lorsqu'elle touchait à une de ces assiettes à filet d'or, à un de ces verres à fond rouge, et qu'elle voyait les yeux anxieux de Mme Loiseau surveillant chacun de ses mouvements. Elle n'utilisait plus que la vaisselle dépareillée de la cuisine.

(La Vie privée ou Alexis Slavsky, artiste peintre)
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Juliette eut chaud avant même d'avoir allumé le feu. Les flammes sortirent du bois, crépitantes, déchiquetées, de belles guenilles de luxe. Cela vous tient compagnie, le feu, son mouvement, le bruit meublent la solitude... On le regarde vivre, se démener... Se sautes d'humeur, ses trépignements, ses jaillissements, sa perfidie, et comme il se fait tout petit, comme il se tapit sous une bûche, on le croirait mourant, mais c'est alors qu'il se lève haut et clair ! Sa gaieté cascadeuse, ses débordements, ses appétits illimités et le calme brûlant des braises...

(Les Amants d'Avignon)
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L'importance de l'art dans la vie d'un artiste dépasse l'entendement de la plupart des gens. On comprend la passion chez un savant, chez un révolutionnaire, dans le monde social, mais on l'admet mal chez l'artiste. Vivre et se battre à mort pour la poésie, la peinture, la musique, le théâtre, voilà qui dépasse l'entendement ! Et pourtant je n'ai pas besoin de citer des exemples pour affirmer la réalité de ce combat. Le thème de la gravité de l'art qui ne plaisante pas avec l'artiste, ce qui lui demande sa vie, morale et physique. Ce thème est celui de mes romans.
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Qu’aurais-tu écrit s’il n’y avait pas eu la guerre ? Qu’aurais-je écrit ? Autre chose, voilà qui est certain. J’ai toujours écrit librement, comme les Parisiens traversent la rue, sans me préoccuper des clous ni des voitures. Mais le sens, l’itinéraire, dépendent de ce qu’on a à faire dans la vie. [...] La littérature de la Résistance aura été une littérature dictée par l’obsession et non par une décision froide. Elle était le contraire de ce qu’on décrit d’habitude par le terme d’engagement, elle était la libre et difficile expression d’un seul et unique souci : se libérer d’un intolérable état de choses.
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Les « gens de la plaine », pour employer l’expression qui oppose la population de la France aux maquis, ne sont souvent pas à la hauteur, bien que je ne sois pas d’accord avec l’orgueil et la morgue de certains jeunes combattants, héros d’aujourd’hui et de demain… Imagine-t-on un front sans arrière ? Qui donc fournira aux combattants tout ce qui leur est nécessaire ? Enfin, ça ne se discute même pas. Le peuple de France n’a pas à émigrer dans son entier vers les maquis...
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Vidéo de Elsa Triolet
Paulette Éditrice (Noémi Schaub et Guy Chevalley) a répondu au décalé et intimiste Questionnaire de Trousp, autant inspiré par celui de Proust que des questions de Bernard Pivot. Site Internet: https://trousp.ch/
0:00 Introduction 0:10 Que pensez-vous de cette citation? «Un bon éditeur, c'est un éditeur qui médite.» Philippe Geluck 0:57 de quel auteur suisse aimeriez-vous offrir un livre à un ami vivant à l'étranger? 1:56 Quelle est la ligne éditoriale des éditions Paulette et comment travaillent-elles éthiquement parlant? 4:36 Que pensez-vous de cette citation? «Le lecteur peut être considéré comme le personnage principal du roman, à égalité avec l'auteur, sans lui, rien ne se fait.» Elsa Triolet 9:11 Pouvez-vous choisir deux mots chacun pour qualifier au mieux votre travail éditorial en binôme? 9:37 Quel métier n'auriez-vous pas aimé faire? 15:05 Est-ce que trop de livres tue le livre? 18:36 C'est quoi, pour vous, le métier d'éditeur? 23:03 Comment imaginez-vous la maison d'édition des années 2050? 24:55 Avec quel écrivain décédé, ressuscité pour une soirée, aimeriez-vous boire une bière au coin du feu? 26:09 L'impression à la demande se développe de plus en plus, qu'en pensez-vous? 29:05 Si votre maison brûle, qu'aimeriez-vous laisser brûler? 31:25 Remerciements
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