Que je sais, depuis le premier jour où je t’ai vue, que tu n’aspirais qu’à semblable comédie ! Tu es de ces femmes insatisfaites qui s’inventent mille malheurs. Ce n’est pas l’amour qui te hante, mais le désir.
Nous nous passionnons parce que nous doutons de l’éternité de l’amour —qui néanmoins, nous paraît être le seul sentiment digne de l’éternel. Et il est vrai que la passion est, par là, une souffrance et, plus que cela, un apprentissage minutieux de la douleur.
Irritante beauté, tu ne réponds à aucune de nos questions ; tu nous plonges plus avant dans le chaos ; loin de les apaiser, tu décèles nos blessures les plus secrètes et tu y verses du poivre !
Désirer davantage est une erreur que je ne cesse de commettre et qui m’accuse, dont je souffre ensuite, que je passerai le reste de mes songes à me faire pardonner.
Je croyais parvenir à dompter ta nature par de simples exhortations à la vertu, mais il est possible que ce corps ait besoin de menus plaisirs de temps à autre et, s’il en est réellement ainsi, je ne vois aucun inconvénient à cet accouplement que tu me parais désirer, si, toutefois, cela ne dérange point trop Emmanuel…
Né en 1931 dans les Ardennes, sous le nom de Jean-Paul Baron, Frédérick Tristan, auteur de plus de trente livres en soixante ans d'écriture, aime brouiller les pistes. Comme Fernando Pessoa, il a créé des hétéronymes qui écrivent à sa place, dont celui de Danielle Serréra, jeune poétesse suicidée à 17 ans. En 1983 il obtient le prix Goncourt avec « Les Égarés ». Membre éminent du courant littéraire de la Nouvelle Fiction identifié par Jean-Luc Moreau, il a notamment publié « le Dernier des hommes » (1993), « L'Énigme du Vatican » (1995), « Stéphanie Phanistée » (1997), ainsi que des romans policiers sous le nom de Mary London. En 2000, il reçoit le Grand Prix de littérature de la Société des Gens de Lettres pour l'ensemble de son oeuvre, rééditée par Fayard depuis 1997. Il a publié ses mémoires en 2010 : « Réfugié de nulle part » (Fayard, 470 p.).
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