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Patrick Charbonneau (Traducteur)
EAN : 9782742792160
191 pages
Actes Sud (01/09/2010)
4.5/5   2 notes
Résumé :
La romancière et juriste Juli Zeh et l'écrivain Ilija Trojanow nous mettent en garde : depuis le 11 septembre 2001, aux Etats-Unis mais aussi en Europe, les droits fondamentaux pour lesquels nos ancêtres se sont battus ont souvent été bafoués, et l'arbitraire s'installe. Intrusions dans nos vies privées, contrôle de nos opinions, de nos correspondances, de nos déplacements... Les auteurs tirent la sonnette d'alarme et posent les questions cruciales : Pourquoi laisso... >Voir plus
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Après la guerre froide, on enregistrait dans le monde entier un recul des dépenses militaires – mais cette tendance prit fin dès l'année 1998. Depuis elles ont de nouveau augmenté – de 45%. En 2004, l'ensemble des dépenses militaires dans le monde s'est élevé à presque 1 000 milliards de dollars, dont près de la moitié pour les USA. L'Allemagne, qui pour les dépenses d'armements arrive « seulement » en sixième position, est toutefois le troisième exportateur d'armes au niveau mondial.
[…]
En dépit de cette remilitarisation, plus d'un espoir s'est réalisé après 1989-1990 ; d'autres pourraient encore l'être. La mondialisation tant décriée porte en elle les perspectives technologiques et culturelles d'une meilleur entente sur le globe. Internet est une plate-forme de structure décentralisée possédant un énorme potentiel d'échange et d'organisation susceptible de soutenir également ceux qui jusqu'ici étaient défavorisés. Les tensions politiques sont déjouées par les relations commerciales internationales et le chantage à la guerre a fait place à un subtil jeu du chat et de la souris dans les conférences internationales. A y regarder de plus près, nous vivons, en Europe centrale, une période de paix inédite dans l'histoire. Nous aurions toutes les raisons d'apprécier cette paix et de nous servir de nos expériences pour la sauvegarder. Les dernières décennies de l'histoire européenne nous incitent à faire une constatation simple, mais vitale : la sécurité ne naît pas de la confrontation, mais de la coopération.
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Un État qui pratique l'autodéfense se débarrasse de ses adversaires indésirables en les faisant liquider ; c'est ce qui s'est par exemple passé entre le 30 juin et le 2 juillet 1934, lorsque Adolf Hitler a fait fusiller tous les chefs de la SA, y compris Ernst Röhm. Dans ces circonstances s'est déjà manifesté ce genre de dérive : Carl Schmitt a aussitôt justifié les assassinats de sang-froid en parlant de « légitime défense de l'État ».
La référence à l'époque nazie n'est pas tirée par les cheveux. Les théoriciens sécuritaires sortent de l'oubli et réhabilitent Carl Schmitt, penseur influent dans les années 1930. A l'époque, par ses publications juridiques, Schmitt apporte son soutien à la théorie raciale national-socialiste ; aujourd'hui, il sert de caution aux professeurs de droit qui consacrent leurs réflexions à la lutte antiterroriste. Sur ces brisées, on exige de nouveau que, politiquement et juridiquement, une distinction nette soit opérée entre « ami » et « ennemi ».
L'un des disciples les plus fervents de Schmitt est actuellement Otto Depenheuer, professeur de droit public à Cologne. Sa prédilection pour l'état d'exception le conduit à qualifier les principes démocratiques de simples « drapés » qui, en temps de paix, recouvrent le corps d'un État en armes. Pour masquer le caractère belliqueux, il recourt à l'euphémisme « d'affirmation de l'État de droit » - titre de son livre sur le sujet. Les thèses de cet ouvrage ont pour visée de dissocier l'ennemi islamiste de l'ordre juridique et de le traiter comme un cas à part, une non-personne, autrement dit un hors-la-loi. Selon cette interprétation, il est possible en droit public de qualifier ainsi d'ennemi, sur la base de l'ordre juridique, l'ennemi de l'État de droit, et de le placer en dehors du droit. L'ennemi ne peut alors plus prétendre à être traiter conformément à l'ordre juridique. Comme nous l'avons déjà vu, cela reviendrait à reconnaître une dignité au terrorisme : un terroriste pur et dur ne peut être qu'offensé quand on lui demande s'il veut téléphoner à son avocat.
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Au bout du compte, Reinhard Merkel en arrive à la conclusion que l'Allemagne n'a pas pu ratifier la Convention européenne des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques, parce que ces traités internationaux contiennent une interdiction catégorique de la torture. Il ne le griffonne pas seulement en écriture runique dans son journal secret ; il le publie dans un article de Die Zeit. Pourquoi cela ne déclenche-t-il pas un scandale quand des professeurs de droit, en Allemagne, exigent publiquement qu'on dilue l'interdiction catégorique de la torture pour obtenir une sorte de torture light ? Pourquoi ne soulève t-on pas un tollé quand on met en doute la légalité de conventions internationales qui sont la quintessence des acquis de notre civilisation ? La raison en est aussi simple qu'effroyable : une partie des valeurs qu'on nous exhorte constamment à défendre est d'ores et déjà abandonnée. Une fraction de la société a déjà versé dans la barbarie. Et dire que les terroristes en seraient la cause est une affirmation pitoyable. Car qu'est-ce qu'une morale qui se dissout au premier obstacle qu'elle rencontre ?
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Cependant, une fois de plus, c'est vers l'Amérique qu'on se tourne pour trouver l'exemple d'un maniement flexible de la protection juridique dans la lutte antiterroriste – y compris en dehors du « principe de Guantánamo » avec lequel sympathise chez nous le ministre fédéral de l'intérieur Schäuble (« Ceux qui disent que Guantánamo n'est pas la bonne solution doivent être prêts à réfléchir sur ce qu'est la meilleur solution »). Après que le New York Times a révélé que le président Bush avait chargé la NSA de mettre sur écoute sans ordonnance judiciaire les téléphones des citoyens, le gouvernement américain a statué en un tournemain que tout le programme était secret d'État et que toutes les plaintes déposées contre lui devaient être rejetées en raison du droit de l'exécutif à la confidentialité. Les tribunaux américains ont également procédé de la sorte avec la plainte du citoyen allemand Khaled al-Masri, qui, au cours d'un voyage d'affaire en Macédoine, a été enlevé par des agents américains et conduit en Afghanistan pour y être torturé, jusqu'à ce qu'on l'abandonne quelque part, en Albanie, après que les agents eurent constaté qu'ils n'avaient pas appréhendé la bonne personne. Une fois encore, le gouvernement a argumenté en disant qu'une procédure judiciaire n'était pas possible, car il s'agissait de ne pas divulguer des informations secrètes. La Cour suprême de justice n'a même pas estimé nécessaire d'examiner si le secret d'État primait sur les droits fondamentaux et les droits de l'homme – et elle a ainsi répondu indirectement à la question.
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Aussi effroyables que soient les conséquences pour les personnes touchées individuellement, si l'on compare les statistiques des victimes d'attentats avec celles des accidents de la circulation (à peu près 5 000 par an), celles de la canicule (9 000 morts pour le seul été 2003) ou de la grippe (15 000 annuellement), ainsi que celles des erreurs de traitements médicamenteux dans les hôpitaux (pas moins de 50 000 depuis 2001), on a du mal à imaginer que le terrorisme constitue pour notre sécurité la plus grande menace qui soit.
Le plus effroyable avec le terrorisme, c'est qu'il a recours, dans le sens le plus large du terme, à une violence motivée politiquement. Autrement dit : le crime terroriste a une signification intrinsèque. L'attentat du World Trade Center n'a pas été seulement l'assassinat de quelques trois mille personnes, il est aussi la métaphore du déclin souhaité des USA ou même de l'ensemble du « monde occidental ».
C'est là que réside un fatal malentendu. Le message de tels attentats n'est pas : « Nous allons vous détruire », mais « Nous vous appelons à vous détruire vous-mêmes. »
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L E S I T E ?? http://www.actes-sud.fr/brandebourg/
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