Nous sommes fin 1835. M. Thorpe, un sympathique vieil homme dont l'unique fils est décédé aux Indes, invite tous ses neveux et nièces à venir séjourner chez lui pendant une quinzaine de jours. Il ne connaît aucun d'entre eux et souhaite étudier leurs caractères et leurs mérites afin de désigner celui ou celle qui héritera de son agréable domaine et de ses très confortables rentes...
La pupille, publié en 1842, est un roman parfaitement désuet, farci de clichés, peuplé de personnages caricaturaux et dépourvu de tout suspense (le lecteur voit venir tout ce qui doit arriver plusieurs chapitres avant que cela n'arrive effectivement). Bref, c'est à priori d'une facture plutôt médiocre. Imaginez du
Jane Austen dont on aurait retranché l'inimitable verve et l'impétueuse vivacité…
Mais, curieusement, c'est absolument délicieux tant la poussière dont ce roman est recouvert s'est chargée de noblesse au fil des décennies. Aucun des ingrédients nécessaires à toute bonne histoire sur la gentry anglaise du 19ème siècle (manoir dans la campagne, chaleureuses flambées dans la cheminée, high teas, honorables gentlemen, hobereaux ruinés, demoiselles vertueuses, demoiselles ingénues, demoiselles arrogantes, fidèles domestiques, héritage, hypocrisie, loyauté, cupidité, mariages, etc.) ne manque à l'appel. Ils sont même présents en telles quantités que l'on en viendrait presque, au fil de la lecture, à se demander si
La pupille est une parodie du roman sur la gentry terrienne ou sa quintessence. Son caractère suranné et ses innombrables stéréotypes, loin d'être des repoussoirs, participent au contraire de manière essentielle à son charme : dès les premières pages, le lecteur se retrouve projeté dans un monde qui n'est plus sans même avoir véritablement jamais été. Et, pour peu qu'il soit un amoureux de la littérature anglaise d'antan, il se laisse docilement emporter. Bien vite, il est persuadé qu'il n'a que rarement fait un séjour aussi agréable dans la campagne anglaise. Il se prend d'une amitié indéfectible pour les gentils. Il rit des (très rares) personnages malveillants plus qu'il ne les déteste. Ah, qu'il aimerait vivre dans ce voisinage exquis où les choses sont si simples et les gens, si transparents, si peu compliqués. Et où tout, of course, se finit aussi bien que possible.
À noter que
La pupille (qui est bien évidemment dans le domaine public depuis belle lurette) est disponible gratuitement sur Wikisource aux formats ePub, PDF et mobi.