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EAN : 9782020261302
765 pages
Seuil (03/10/1995)
3.95/5   20 notes
Résumé :
Écrite entre 1929 et 1932, cette histoire de la révolution russe, oeuvre monumentale, comprend deux tomes, l'un consacré àla révolution de février, l'autre consacré à la révolution d'octobre. Rédigé à la demande de son éditeur américain, Charles Boni, cet ouvrage intervient alors que Trotsky avait à peine terminé de rédiger son autobiographie, Ma vie après avoir été exilé à Prinkipo au début de l'année 1929. Contrôlant la documentation, immense, nécessaire à un tel ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Trotski, l'un des grands artisans de la Révolution d'octobre, livre dans ces deux tomes au style époustouflant un récit qui ne perd jamais en qualité. Il donne, à qui a la curiosité de comprendre l'état d'esprit des acteurs de premier rang, l'état d'esprit sous toute ses facettes de ceux qui ont participé à écrire une des pages de l'histoire les plus extraordinaires. Non pas parce qu'ils étaient hommes meilleurs, mais parce qu'ils ont su donner une voie à l'élan général de leurs semblables, en route vers la justice. Entre développement théoriques et précisions quasi journalistique, l'oeuvre de Trotski est indéniablement un monument de la littérature sur le sujet.
« Pas à pas, nous avons essayé d'instruire, dans ce livre, la préparation du soulèvement d'octobre : mécontentement croissant des masses ouvrières, les soviets se plaçant sous les drapeaux du bolchevisme, irritation de l'armée, marche des paysans contre les propriétaires nobles, débordement du mouvement national, appréhension et troubles croissants chez les possédants et les dirigeants, enfin lutte à l'intérieur du parti bolcheviste pour le soulèvement. L'insurrection qui achève le tout semble, après cela trop courte, trop sèche, trop pratique, comme si elle ne répondait pas à l'envergure historique des événements. le lecteur éprouve une sorte de désillusion. Il ressemble à un touriste en montagne qui, s'attendant à trouver encore les plus grosses difficultés devant lui, découvre tout à coup qu'il est déjà parvenu au sommet ou à peu prés. Où est l'insurrection ? le tableau n'est pas fait. Les événements ne font pas tableau. de petites opérations, calculées et préparées d'avance, restent distinctes entre elles dans l'espace et dans le temps. Elles sont liées par l'unité de but et de conception, mais non point par la fusion même de la lutte. Les grandes masses ne sont pas en action. Il n'y a point de collisions dramatiques avec les troupes. Rien de tout ce qu'une imagination éduquée d'après les faits de l'Histoire rattache au concept d'une insurrection.
Le caractère général de l'insurrection dans la capitale donne plus tard motif à Masaryk, après plusieurs autres, d'écrire : « le soulèvement d'octobre… ne fut nullement un mouvement populaire de masses. Il fut l'oeuvre de leaders qui travaillaient d'en haut, dans la coulisse. » En réalité, ce fut le plus grand soulèvement de masses de toute l'Histoire. Les ouvriers n'avaient pas besoin de sortir sur la place pour fusionner : ils constituaient sans cela politiquement et moralement, un ensemble. Il fut même interdit aux soldats de sortir des casernes sans autorisation : à cet égard, l'ordre du Comité militaire révolutionnaire coïncidait avec celui de Polkovnikov. Mais ces masses invisibles marchaient plus que jamais au pas des événements. Les usines et les casernes ne perdent pas un instant la liaison avec les États-majors de district, les districts avec Smolny. Les détachements de gardes rouges se sentent appuyés par les usines. Les équipes de soldats, en rentrant à la caserne, trouvent une relève toute prête. C'est seulement ayant de grosses réserves derrière eux que les contingents révolutionnaires pouvaient marcher avec tant d'assurance pour parvenir à leurs fins. Par contre, des postes gouvernementaux disséminés, vaincus d'avance par leur propre isolement, renonçaient à l'idée même d'opposer une résistance. Les classes bourgeoises s'attendaient à des barricades, aux lueurs des incendies, à des pillages, à des flots de sang. En réalité, il régnait un calme plus effrayant que tous les grondements du monde. Sans bruit se mouvait le terrain social, comme une scène tournante, amenant les masses populaires au premier plan et emportant les maîtres de la veille dans un autre monde.
Dès dix heures du matin, le 25, Smolny jugea possible de diffuser dans la capitale et dans le pays un bulletin de victoire : « le gouvernement provisoire est déposé. le pouvoir d'État est passé aux mains du Comité militaire révolutionnaire. » (…)
Le palais ne s'était pas rendu, il avait été pris d'assaut, mais à un moment où la force de résistance des assiégés avait eu le temps de s'épuiser définitivement. Dans un corridor s'introduisit, non plus déjà par une entrée secrète, mais par une cour barrée, une centaine d'ennemis que la garde démoralisée prit pour une députation de la Douma. On eut néanmoins encore le temps de les désarmer. Dans un grand désordre, un groupe de junkers quitta les lieux. Les autres, du moins en partie, continuaient à monter la garde. Mais la cloison des baïonnettes et du tir entre las assiégeants et les assiégés était définitivement brisée.
Une partie du palais, attenante à l'Ermitage, est déjà pleine d'ennemis. Les junkers essayent de la prendre par l'arrière. Dans les couloirs ont lieu des rencontres et des conflits fantastiques. Tous sont armés : aux poings des revolvers, aux ceintures des grenades. Mais personne ne tire, personne ne percute ses grenades, car tous, ici, font une telle cohue qu'ils ne peuvent se distinguer les uns des autres. Qu'importe ! le sort du palais d'Hiver est déjà réglé.
Les ouvriers, les matelots, les soldats poussent du dehors, par lignes, par groupes, rejettent les junkers des barricades, s'introduisent dans la cour, se heurtent dans les escaliers aux junkers, les refoulent, les renversent, les chassent devant eux. de l'arrière survient, pressant, un nouveau flux. La place inonde la cour. La cour inonde le palais et se déverse dans les escaliers et les corridors. Sur les parquets soufflés, couverts de matelas et de croûtes de pain, des hommes sont allongés, gardant auprès d'eux des fusils, des grenades. Les vainqueurs apprennent que Kerensky n'est pas là et, à leur allégresse tumultueuse, se mêle l'amertume et la déception. Antonov et Tchoudnovsky sont dans le palais. Où est le gouvernement ? Voici la porte devant laquelle les junkers s'étaient figés dans la dernière attitude de la résistance. le chef du poste de garde se précipite chez les ministres pour leur demander s'ils ordonnent que l'on se défende jusqu'au bout. Non, non, les ministres n'ordonnent pas ça. Mais de toute façon le palais est occupé. Pas de sang. Il faut céder à la force. Les ministres veulent se rendre d'une façon digne et ils s'assoient devant une table pour que cela ait l'air d'une séance. le commandant de la défense a déjà trouvé le temps de rendre le palais en demandant, dans ses clauses, sauvegarde pour la vie des junkers, à laquelle personne ne voulait attenter. Au sujet du sort du gouvernement, Antonov refusa tous pourparlers. Les junkers, devant les dernières portes gardées, sont désarmés. Les vainqueurs envahissent la salle des ministres. « En tête de la foule marchait, essayant de retenir les rangs qui se pressaient à lui, un petit homme d'apparence misérable ; vêtements en désordre ; chapeau à larges bords penché sur le côté. Sur son nez, un pince-nez qui tenait à peine. Mais de petits yeux brillaient du triomphe de la victoire et de haine contre les vaincus. » C'est en ces termes désobligeants que les vaincus dessinèrent Antonov. Il n'est pas difficile de croire que ses vêtements et son chapeau se présentaient mal : il suffit de se rappeler comment il avait marché la nuit dans les flaques de la forteresse Pierre-et-Paul. Indubitablement, le triomphe devait se lire dans son regard ; mais il est bien douteux qu'il ait exprimé de la haine à l'égard des vaincus. « Je vous déclare, à vous, membres du gouvernement provisoire, que vous êtes en état d'arrestation », proclama Antonov au nom du Comité militaire révolutionnaire. L'horloge marquait 2 h 10 dans la nuit du 25 au 26 octobre. « Les membres du gouvernement provisoire se soumettent à l'acte de violence et se rendent pour éviter une effusion de sang », répond Konovalov. L'inévitable rite a été scrupuleusement observé (…)
À la forteresse, dans l'étroit local du club de la garnison, éclairé par une puante lampe à pétrole — l'électricité, ce jour-là refusait de servir — s'entassent quelques dizaines d'hommes. Antonov procède, en présence du commissaire de la forteresse, à l'appel des ministres. Ils sont au nombre de dix-huit, en comptant les sous-secrétaires d'État. Les dernières formalités sont accomplies, les prisonniers sont conduits dans les cellules de l'historique bastion Troubetskoï. de la défense, personne n'est arrêté : les officiers et les junkers sont relaxés sur parole qu'ils n'agiront point contre le pouvoir soviétique. Peu nombreux, parmi eux, furent ceux qui tinrent leur promesse.
Aussitôt après la prise du palais d'Hiver, des bruits se répandent dans les cercles bourgeois au sujet d'exécutions de junkers, de viols de combattantes des bataillons de choc, de pillage des richesses du palais. Tous ces racontars étaient depuis longtemps démentis lorsque Milioukov écrivait dans son Histoire « Celles des femmes du bataillon de choc qui ne périrent pas sous les balles et qui furent prises par les bolcheviks subirent, ce soir-là, et dans la nuit, les épouvantables outrages des soldats, le viol et les exécutions. » En réalité, il n'y eut aucune exécution et, d'après l'état des deux parties, en cette période, il ne pouvait y en avoir. Encore moins concevables étaient les violences, particulièrement dans le palais où, à côté de certains éléments fortuitement provenus de la rue, s'étaient introduits, par centaines, des ouvriers révolutionnaires, le fusil à la main.
Des tentatives de pillage eurent effectivement lieu, mais elles manifestaient précisément la discipline des vainqueurs. John Reed, qui n'a pas laissé échapper un seul des épisodes dramatiques de la révolution et qui est entré dans le palais d'Hiver sur les traces toutes chaudes des premières lignes, raconte comment, dans un sous-sol, un groupe de soldats démolissait à coups de crosse des couvercles de caisses et tirait de là des tapis, du linge, des porcelaines, de la verrerie. Il est possible que, sous l'aspect de soldats, aient ici manoeuvré de véritables pillards qui, dans la dernière année de la guerre, se déguisaient toujours sous la capote grise du soldat et le bonnet à poil. le pillage avait à peine commencé que quelqu'un cria : « Camarades, ne touchez à rien, c'est la propriété du peuple. » Devant une table, à la sortie, s'assit un soldat, avec une plume et du papier ; deux gardes rouges, revolver en main, se placèrent près de lui. Quiconque sortait subissait la fouille, et tout objet volé était repris et noté (…)
S'étant emparé du palais d'Hiver, le Comité militaire révolutionnaire fut entièrement maître de la capitale. Mais de même que les ongles et les cheveux d'un mort continuent à pousser, des apparences de vie se manifestèrent, pour le gouvernement déposé, à travers la presse officielle. le Vestnik Vrénwnnovo Pravitelstva (le Messager du Gouvernement provisoire), qui annonçait encore le 24 la mise à la retraite de conseillers secrets, avec le droit de porter l'uniforme et avec pension, se tut tout à coup le 25, et, à vrai dire, personne ne s'en aperçut. En revanche, le 26, il reparut de nouveau, comme si rien n'était arrivé. En première page il était dit : « Par suite d'une panne d'électricité, le numéro du 25 octobre n'est pas sorti. » Pour le reste, exception faite du courant coupé, la vie de l'État allait toujours son train et le Messager du Gouvernement — lequel était enfermé déjà dans le bastion Troubetskoï — annonçait la nomination d'une dizaine de nouveaux sénateurs. Dans la rubrique des informations administratives, une circulaire du ministre de l'Intérieur, Nikitine, recommandait aux commissaires provinciaux « de ne pas se laisser influencer par de fausses nouvelles sur les événements de Petrograd, où tout était tranquille ». le ministre n'avait pu tellement tort : les journées de l'insurrection se passèrent dans un calme suffisant, si l'on ne tient pas compte d'une canonnade qui, d'ailleurs, se limitait à des effets d'acoustique. Et pourtant l'historien ne se trompera point s'il dit que, pendant la journée du 25 octobre, non seulement le courant d'électricité fut coupé dans l'imprimerie gouvernementale, mais qu'aussi s'ouvrit une page importante dans l'histoire de l'humanité. »
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Ce qui effrayait plus que tout les classes possédantes, c’étaient les symptômes de décomposition de la cosaquerie : là, il y avait menace d’un écroulement du dernier rempart. Les régiments de Cosaques à Pétrograd, en février, avaient abandonné la monarchie sans résistance.
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Vidéo de Léon Trotsky
Zina, Un film (1985) anglais de Ken McMullen L'histoire d'une Antigone moderne, celle de Zina Bronstein, fille de Léon Trotski. Elle s'est suicidée en 1931, juste avant l'avènement du National Socialisme. Avant sa mort, Zina suivait des séances de psychanalyse et d'hypnose, séances au cours desquelles elle se rappelle des incidents de sa vie et de celle de son père. Extrait
>Europe de l'est, Russie, URSS, CEI : histoire>Europe de l'Esr, Russie : 1855...>20e siècle et régime communiste (43)
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