Henri Troyat, auteur prolifique s'il en fut, s'est fait une spécialité de la suite romanesque : qu'elle soit sur fond historique (« Tant que la terre durera », «
La Lumière des justes »), ou plus intimiste («
Les Semailles et les moissons », « Les Eygletière »). Il excelle à rendre compte des destinées particulières, que ce soit dans le grand vent de l'Histoire, ou dans le tourbillon de tous les jours.
«
Les Semailles et les moissons » est directement lié à la saga précédente « Tant que la terre durera » : « ... je ressentais la nécessité impérieuse tyrannique, de donner un pendant français à la saga russe. le titre de ce deuxième cycle romanesque ne pouvait être que la suite de la citation biblique dont j'avais extrait le titre du premier : « Tant que la terre durera,
les semailles et les moissons, le froid et le chaud, l'hiver et l'été ne cesseront point de s'entresuivre ». le lien se concrétise à la fin du dernier volume quand Elisabeth, un des personnages principaux dans «
Les Semailles et les Moissons » rencontre Boris un des personnages de « Tant que la terre durera ».
De 1912 à 1945,
Henri Troyat nous raconte le destin de trois femmes, depuis un petit village de Corrèze jusqu'à la capitale, qui traversent la première moitié du siècle, dont deux guerres mondiales, et un nombre considérable de péripéties tantôt tragiques, tantôt plus légères, mais toujours palpitantes. L'auteur s'en est expliqué dans une préface postérieure (1989) :
« Ce n'est pas le portrait d'une femme que j'ai voulu tracer dans « Les Semailles et le moissons », mais celui de trois femmes différentes et pourtant mystérieusement apparentées. Certains traits de caractère se retrouvent chez elles, de mère en fille. Chacune à sa façon illustre l'ascension d'une famille partie de rien et qui, à force de travail, de renoncement, de courage, se taille une place au soleil. Qu'il s'agisse de Maria, d'Amélie, d'Elisabeth, je leur voue la même tendresse et le même respect. Elles incarnent pour moi l'admirable opiniâtreté féminine dans la construction du bonheur ».
Dans un petit village de Corrèze, La Chapelle-aux-bois, Jérôme, le père est forgeron. Maria, sa femme, tient une petite épicerie à côté de la forge. Ils ont deux enfants Amélie, 17 ans et Denis, 12 ans. Amélie « fréquente » un jeune du village et s'apprête à l'épouser mais sa mère meurt et ce deuil retarde la noce. Amélie peu à peu se détache de son fiancé et se tourne vers un autre garçon, Pierre, qu'elle finit par épouser. Tous deux partent à Paris où ils tiennent un café. Amélie accouche d'une petite Elisabeth, alors que Pierre vient de partir à la guerre. Pendant le conflit Amélie tient tant bien que mal le café avec son frère Denis. Pierre gravement blessé est rapatrié. Elisabeth a grandi et est envoyée dans un couvent où elle se fait une amie, Françoise, qui malheureusement meurt d'une pneumonie. de déceptions sentimentales en drames familiaux la vie s'écoule, une autre guerre arrive qui scellera le destin d'Elisabeth.
Henri Troyat est un conteur-né. «
Les Semailles et les moissons » nous font partager le destin de ces femmes exceptionnelles (toutes les femmes sont exceptionnelles, me direz-vous), avec justesse, émotion et beaucoup d'admiration devant ces caractères bien trempés et pleins de courage, de confiance et de volonté.
Une des grandes sagas de
Troyat, avec «
La Lumière des Justes » (entre autres)
Une bonne adaptation en 2001, signée Christian François, avec Elsa Kikoïne (Elisabeth) et Sophie de la Rochefoucauld (Amélie)