La trilogie se déroule de 1888 à la veille de la Première Guerre mondiale qui marque la fin du troisième tome. La famille Arapoff vit à Ekaterinodar en Russie. Une famille traditionnelle fondée sur l'amour, le respect, le travail bien fait, une éducation basée sur des principes essentiels à la réussite sociale, un père et une mère chaleureux.
Faire le résumé des trois tomes risque de dévoiler l'histoire. Je préfère donc m'attacher aux personnages pour donner l'envie ou pas de les lire.
Constantin Kirillovitch Arapoff, le chef de famille, est médecin municipal d'Ekaterinodar, dévoué à ses patients, responsable de l'état sanitaire de son territoire. Sa clientèle est nombreuse, elle a triplé en dix ans. Il aime la vie, comblé par son activité, sa femme et ses enfants. de temps en temps, il s'accorde quelques petites aventures passagères sans lendemain, il aime sa femme. Son métier est difficile, absorbant, marqué par une épidémie de choléra en 1892 qui démarre dans la Doubinka, un quartier miséreux et violent. Son assistant vient d'être assassiné parce qu'il voulait, en réunion publique, inculquer à la population des principes d'hygiène pour que l'épidémie se propage moins vite. À chaque fois qu'il entre dans ce quartier, Constantin risque sa vie. Son épouse, Zénaïde Vassilievna, s'épouvante d'un malheur possible. Elle est d'origine allemande et modeste. Elle est douce et apaisante avec un visage avenant.
Nicolas est l'aîné de leurs enfants. Après de brillantes études au lycée, il entre à la faculté de droit de Moscou pour devenir avocat. Mais son parcours sera complètement différent. Il rêve d'un monde plus juste, sans classes sociales. Pour cela il n'y a pas d'autre solution que de déclencher une révolution où les riches disparaîtraient (la classe à laquelle il appartient de par sa naissance), mais une révolution pacifique. Il veut que soit amélioré le sort des ouvriers et des paysans. Il se heurte à ses amis socialistes révolutionnaires dont le plus proche est Zagouliaïeff aux intentions terroristes. Les activités de Nicolas sont secrètes, il vit dans une grande pauvreté. Constantin est très inquiet à son sujet.
Puis vient ensuite Lioubov jugée par son père comme une jeune fille frivole, coquette et paresseuse. Elle aime jouer à la grande dame, être admirée dans les salons, elle passe de nombreuses heures à ses toilettes et devant son miroir. Elle se marie avec Ivan Ivanovitch Kisiakoff, un personnage obèse, vulgaire et sale, et fainéant, mais elle peut acheter de magnifiques robes pour briller en société. Je trouve que ce personnage présenté comme grotesque physiquement et moralement est à la fois plein de laideur et de bon sens dans ses propos. Lioubov le quitte quelques années après leur mariage pour se mettre en ménage avec un acteur, Sacha Prychkine.
Tania, sa cadette de trois ans, est romantique. Elle lit des livres français. Elle épouse Michel. Nous voyons ce couple évoluer avec ses joies, ses difficultés, ses états d'âme. Tania, femme moderne, gaie et positive ; Michel, taciturne et grincheux.
Nina, la dernière fille, recueille les chats et les chiens malades ou blessés. Elle les soigne et les remet dans la nature. Elle voudrait épouser un vétérinaire. Elle est fragile psychologiquement, indifférente aux événements.
Akim, le dernier fils, a besoin d'éprouver la souffrance pour s'habituer à elle. Il entre à l'école de cavalerie. Il participe à la guerre contre le Japon, est promu lieutenant.
Les Arapoff sont amis avec les Bourine qui ont un fils unique prénommé Volodia. Un cousin lointain de l'âge de Volodia entre en scène : Michel Danoff. Il habite à Armavir sur les rives de l'Ouroup. Ses parents, Alexandre Lvovitch Danoff et Marie Ossipovna, possèdent un domaine où courent une centaine de bêtes, chevaux et vaches. Ils gèrent aussi des Comptoirs de draps fondés par le grand-père de Michel, le commerce est florissant. Les parents de Volodia et de Michel les envoient en internat à l'Académie d'études commerciales pratiques à Moscou au grand désespoir de Michel qui préfère vivre dans la nature auprès d'Artem, l'intendant du domaine. À la fin de sa scolarité, Michel revient à Armavir, son père l'associe aux affaires des Comptoirs Danoff. Michel est un homme insatisfait, aux principes rigides. Il s'investit à fond dans son entreprise et dans la compagnie privée des chemins de fer dont il est président du conseil d'administration, il ne vit que pour le travail, la réussite professionnelle, néglige sa famille et passe à côté des menus plaisirs de l'existence. Il imagine toujours la catastrophe possible, il se prépare au pire. Tania le lui reproche souvent. Volodia Bourine travaillera en dilettante pour les Comptoirs Danoff. C'est un séducteur paresseux. Ses conquêtes amoureuses se soldent par une lassitude et des souffrances chez ses partenaires.
Philippe Savitch Bourine n'aime pas son fils. le couple ne s'entend pas, la maison est glaciale. le père affectionne le jeu et l'alcool. Il a une maîtresse qui le trompe. Volodia passe la plupart de ses vacances scolaires chez Michel, ses parents ne voulant pas qu'il assiste à leurs disputes. Volodia veut devenir acteur. Pour lui, vivre c'est s'amuser. Son père se suicide après une altercation avec Constantin qui refuse de lui prêter de l'argent pour rembourser ses pertes au jeu. Olga Lvovna, sa veuve, femme jusqu'alors effacée, soumise au joug de son mari, prend les rênes des finances pour redresser la situation. Elle devient une femme d'affaires intransigeante. L'auteur nous fait découvrir sa véritable personnalité.
Henri Troyat nous fait partager la vie de chacun des membres des familles Arapoff et Danoff au cours des vingt-six années de ces trois premiers tomes. Nous voyons les enfants grandir, évoluer selon leur personnalité, aimer, batailler en face de l'adversité. Nous assistons au mariage de Tania et Michel, j'ai eu l'impression d'être parmi les invités tant l'auteur nous décrit bien les journées qui précèdent et celles qui le suivent. Mais ne soyez pas trop pressées de vous marier, il voit le mariage comme un esclavage pour la femme. La Russie de cette époque-là traverse des périodes de troubles.
Henri Troyat nous invite à la découvrir avec force détails et descriptions qui ne me laissent pas indifférente. Nous assistons à la catastrophe de la Khodynka le jour du couronnement de
Nicolas II à Moscou. Nicolas Arapoff et son ami Zagouliaïeff s'y sont rendus pour distribuer des tracts contre le tsar. Nous suivons les révoltes qui agitent la classe laborieuse faisant de nombreuses victimes, les grèves qui se multiplient, les manifestations d'étudiants, les attentats contre les dirigeants, les répressions souvent sanglantes et les emprisonnements arbitraires qui s'ensuivent, la guerre avec le Japon… Nicolas Arapoff participe aux attentats, il fabrique la poudre qui va tuer, il a du sang sur les mains.