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Anne Plantagenet (Traducteur)
EAN : 9782081222809
448 pages
Flammarion (18/08/2010)
3.46/5   40 notes
Résumé :
À Madrid aujourd'hui, une adolescente, un cadre au chômage, un vieux professeur de piano et un footballeur argentin vont tour à tour éprouver le désir de gagner et la douleur de perdre.

Nourri d'une foule de personnages, toutes générations et classes sociales confondues, ce grand roman choral, sublimé par la prose charnelle et incisive de David Trueba, brosse un portrait décapant, lucide et désenchanté de notre époque, de ses rêves de victoire et de s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Dans la petite famille madrilène mise en scène par David Trueba dans Savoir perdre, je demande:


-La mère, Pilar! Elle s'est lassée d'une vie sans saveur et a quitté Madrid avec son patron et amant, avant que rattrapée par l'âge, son avenir soit derrière elle.


-Le père, Lorenzo! Quitté par sa femme, ruiné par son ami et associé, il est au bout du rouleau. Il pète les plombs, commet un geste irréparable, se dépatouille avec sa culpabilité, sa peur d'être arrêté par la police, fantasme sur une vieille poupée Barbie de sa fille, entame une relation avec une sans-papier, tente de se remettre sur les rails malgré le chaos de sa vie.

-Le grand-père, Léandro! Professeur de piano digne et respectable, il est totalement déboussolé depuis que sa femme Aurora est tombée malade. Après 73 ans d'une vie irréprochable, il pète lui aussi les plombs. Ses errements le conduisent dans une maison close où il s'éprend d'une jeune prostituée d'origine africaine. Cette passion le conduit aux pires extrémités et lui fait dépenser des sommes folles.


-La fille, Silvia! Elle a 16 ans et comme toutes les adolescentes de son âge, elle rêve de grand amour, s'interroge sur le sexe, pense à l'avenir. Sa route va croiser celle d'Ariel, une gloire montante du football argentin racheté par un grand club de Madrid. Privé de ses repères, de sa famille, Ariel peine à convaincre sur le terrain et se fait détester des supporters. Entre eux, l'amour naît mais sera soumis à rude épreuve par la presse à scandales.


Leurs destins à tous vont s'entrecroiser, se mêler à d'autres et faire surgir une grande leçon de la vie : pour gagner, il faut savoir perdre.
Perdre sa virginité, ses repères, son autonomie, sa dignité, ses illusions, perdre sa femme, perdre un ami, tout perdre parfois, mais pour gagner en maturité, en expérience, en lucidité. Ces destins ballottés par une vie jamais facile où ce que l'on croit acquis peut se désagréger du jour au lendemain dévoilent des sentiments, des peurs, des pudeurs, des hésitations mais aussi des raisons d'exister, de se battre, de continuer tout simplement. L'écriture de TRUEBA est riche, prolixe, ciselée. Il aime à décortiquer les sentiments, les actes et leurs conséquences. Il n'a pas son pareil pour mettre ses personnages face à eux-mêmes, à leurs faiblesses. Au final, il nous livre un roman plutôt sombre et désenchanté à l'image de la vraie vie qu'il faut parfois affronter en laissant ses rêves sur le bord du chemin....
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Si la sublime mais vétuste première de couverture de Savoir Perdre n'est absolument pas représentative de ses enjeux – qui sont, eux, éminemment contemporains – son résumé en revanche laisse entrapercevoir avec justesse l'atmosphère qui y règne.

"Sous le soleil madrilène, une adolescente tombe amoureuse d'une jeune étoile du football [...] Un vieux professeur de piano, secoué par l'hospitalisation de sa femme [...] se console clans les bras d'une prostituée pendant que son fils espère oublier le meurtre de son ancien associé" Suis-je la seule à entendre une voix-off particulièrement désobligeante prononcer ces quelques phrases ? À craindre que ne s'en suive le générique de Santa Barbara ?

Argent, vieillesse, crime, immigration, addiction... L'auteur n'occulte aucun sujet. À l'inverse toutefois des feuilletons qui polluent nos écrans, David Trueba dépeint ces tranches de vie avec une habile sensibilité et crée ainsi ce que je n'espérais plus : un soap de qualité.

Savoir perdre dépeint le quotidien dans ce qu'il a de plus intime et universel à la fois : le libre-arbitre. Qu'est-ce qui fait que l'on dissimule certains de nos choix voire certains pans de nos vies aux autres ? À nous-mêmes ? Voilà ce auquel David Trueba tente, sinon de répondre, du moins de méditer. Pour ce faire, il s'appuie sur des personnages de plusieurs générations (septuagénaires, adolescents et adultes) mais aussi de divers horizons (chômeur, célébrité, expatrié, retraité). Au gré de ces portraits disparates se distingue un sentiment commun : la solitude de tout un chacun face à ce va-et-vient constant entre souffrance et félicité qu'est la vie, cette cohabitation bancale entre aspirations et désillusions, cette oscillation trouble enfin entre bassesses et magnanimités...

Savoir perdre est donc un roman introspectif où chaque personnage est confronté à son implacable conscience. David Trueba y dissèque chaque sentiment et chaque acte. Son écriture est donc majoritairement descriptive (avec un sens du détail hors du commun et, bien souvent, au ressort comique) ce qui, je pense, agacera puissamment les esprits les plus synthétiques. Dense mais incroyablement fluide, il mêle qui plus est brillamment passé et présent, récit et dialogue – sans guillemets ce qui tend à revitaliser le texte à mon sens mais contrariera peut-être là encore certains lecteurs. Souple enfin, sa plume s'adapte sans cesse à la maturité, au statut social et enfin au caractère de ses protagonistes – c'est ce que j'appelle plus communément le style caméléon.

Bien que les chapitres soient agencés de manière à déjouer toute lassitude (un chapitre = un personnage), l'auteur échoue nécessairement et malheureusement dans sa tâche. Difficile en effet de captiver son lecteur qui, nous le savons désormais grâce à moult études, dispose d'une faculté de concentration limitée, au moyen d'une intrigue qui reflète le quotidien madrilène et, à travers lui, une réalité sociale et familiale. Si pour ma part je ne me suis pas ennuyée, je n'ai pas pour autant été électrisée par Savoir perdre – qui compte tout de même quelques beaux moments. Ainsi, je pense qu'un roman d'une moindre épaisseur aurait été plus percutant ou du moins, qu'il aurait anesthésié dans une moindre mesure les propos de l'auteur.

Propos pourtant – si l'on occulte les quelques clichés (l'enfance d'Osembe notamment) – ô combien intéressants. David Trueba traite en effet des sujets tant politiques et économiques (la différence entre la corruption espagnole et argentine, les attentats de Madrid) que sociaux (la prostitution, le chômage, l'immigration) et philosophico-moraux (l'infidélité, l'individualisme). Il évoque également la géographie madrilène et, pour mon plus grand plaisir (car je vous rappelle que je suis une grande amatrice), le football de manière très approfondie (dilemmes, pressions, fugacité d'un contrat, transfert de joueurs, passeport de complaisance, relations avec la presse et les supporters, tout y passe). Savoir perdre est donc un roman résolument documenté et moderne.

On peut regretter toutefois que ces (nombreux) sujets de société occultent la problématique du roman, malheureusement uniquement effleurée par l'auteur. À la fin du roman, on comprend en effet ce qu'on savait déjà – savoir perdre, c'est gagner (en lucidité, maturité, expérience...) – mais on reste sur notre faim. Un tel titre aurait assurément gagné à être approfondi. de même pour la thématique du meurtre qui, peut-être cela dit car je lis en parallèle Crime et Châtiment, aurait mérité d'être davantage analysée à mon sens. Dans son ensemble toutefois, le roman de David Trueba propose une réflexion sinon originale du moins intéressante sur la crise des valeurs et du vivre-ensemble.

En résumé, un roman choral lucide et sensible qui fait la part belle aux femmes (peut-être un peu trop d'ailleurs !) et un portrait méticuleux de l'Espagne en ce début de siècle que seule la longueur pourra desservir.

Plus de détails (mes rubriques "n'hésitez pas si ; fuyez si ; le petit plus ; le conseil (in)utile, en savoir plus sur l'auteur") en cliquant sur le lien ci-dessous.
Lien : http://blopblopblopblopblopb..
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Qu'il est difficile d'être heureux et de n'être pas seul. Ce roman choral, un peu long mais aux chapitres courts, nous plonge dans les désarrois de quatre personnes d'une même famille, le grand père, le père, la petite fille et le footballeur célèbre dont elle est amoureuse.

Alors que sa femme est mourante le vieux Léandro ne peut plus se passer des services d'une prostituée pour laquelle il sacrifiera ses économies et même sa maison. Son fils, Lorenzo, chômeur, tue son ancien ami qui l'a floué et ne réussit pas son histoire d'amour.

Sylvia et Ariel ne peuvent vivre leur histoire d'amour en plein jour et elle est vouée à l'échec. Ce livre laisse une large part à la description du monde du football, monde dur et "glamoureux" en surface. Les personnages sont fragiles et se débattent contre la déroute de leurs rêves.

Le livre terminé on se prend à espérer que cette mauvaise passe ne sera que passagère et que, comme dit le dicton, après la pluie viendra le beau temps.
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Savoir perdre,
David Trueba,

Flammarion, trad. de l'espagnol par Anne Plantagenet, 2010


C'est un livre long, qui prend le temps de conter trois histoires mêlées, dont les trois protagonistes appartiennent à la même famille, et nouent des rapports amoureux avec des étrangers, formant des couples mixtes. Ces relations nous mènent dans trois milieux très différents, celui de la prostitution, celui de l'immigration clandestine, celui du football. Les protagonistes sont le grand-père, Leandro, ancien professeur de piano, le père, Lorenzo, assassin d'un ex-associé qui l'a trahi, la fille, Silvia, une adolescente qui découvre enfin ! complexée qu'elle est par ses gros seins, l'amour.
La longueur du livre permet au lecteur de suivre les personnages dans Madrid où ils habitent, et de s'y attacher petit à petit. Leandro est en train de perdre sa femme, Aurora, qui meurt -discrètement- d'un cancer, et dont le prénom indique que c'est un personnage lumineux. Leandro se rend dans un bordel, sans qu'il sache véritablement pourquoi, sans qu'il éprouve un excitant plaisir charnel, et y noie tous ses biens. Il s'éprend d'affection pour une jeune Nigériane. Lorenzo, séparé de sa femme qui a trouvé le bonheur avec son patron, un homme qui donne le goût de la lecture à Silvia, se débat avec son crime pour lequel il est inquiété mollement, une recherche de boulot, sa solitude, et finalement son désespoir, que décèle son père. Il rencontre une Equatorienne, baby-sitter dans son immeuble, et fait connaissance par son intermédiaire de Wilson, Equatorien lui aussi qui aide d'autres Equatoriens en se faisant marchand de sommeil, Silvia est renversée par la voiture d'un jeune footballeur argentin très prometteur, Ariel, et qui pourtant ne convainc pas le public espagnol, pas plus que son père. Ariel visite Silvia à l'hôpital, et les deux jeunes gens qui sont seuls tissent une relation difficile, d'abord parce que Silvia est mineure.
le lecteur pénètre les différents milieux, le premier sordide, dont le seul but est de soutirer de l'argent, le deuxième, plus complexe, avec ses bars latinos, l'appel de la danse, les hommes macho, les filles aux vêtements moulants, l'église qui aide les pauvres, et la bande à Wilson, aux yeux tors mais sympathique, qui organise un trafic mi-honteux, mi-fraternel, le troisième faisant voir le monde du football quand les joueurs ne sont pas sur la pelouse mais dans des bars où on leur offre des filles, au club où on parle fric et commentaires du public, dans les hôtels luxueux, un monde en fin de compte de solitude, sans vrais rapports de solidarité, d'amitié, un monde éphémère dans lequel le joueur subit des pressions de toutes sortes. Toutes ces rencontres se font à Madrid, un Madrid qui change, qui s'enlaidit, où les gens ne sont pas mieux qu'ailleurs, un pianiste célèbre et narcissique, des photographes véreux, des chauffeurs de taxi vengeurs, des banquiers cupides, et des taureaux de corrida fatigués .
le ton de ce livre est plutôt désabusé, dont le désenchantement est masqué par des propos parfois rieurs. Les personnages d'Aurora, qui vise des valeurs essentielles, l'amour, le bonheur, et de Silvia, dont la jeunesse choisit sa route, apportent de la lumière dans ce paysage très sombre. le rythme est allègre, les histoires se lisent très facilement et sont si prenantes que le lecteur est anxieux du sort des personnages et veut connaître la fin , présentent des personnages secondaires très vivants, bien observés , s'installent dans une durée qui donne son épaisseur au tableau d'une capitale qui déçoit sur les plans politique et économique. Récit et dialogues, dont l'auteur ne précise pas le locuteur, et dont le vocabulaire appartient à l'âge de celui qui parle, sont bien partagés.
C'est un roman qui parle de la vie qu'on vit, mais qui l'élargit, parce que le lecteur, lui, reste dans son quartier, parce qu'il voit moins bien, d'une façon plus dispersée. de prendre des personnages d'une même famille sur trois générations permet aussi de regarder la ville et la vie de manière différente. Les personnages hochent souvent la tête, ils ne veulent dire ni oui ni non, mais ils avancent, font des essais, les transforment ou pas, ils vivent, quoi, ils savent perdre, le titre serait-il une définition possible de la vie?- et nous renvoient à la nôtre. Pour gagner, a dit le docteur à Ariel, il faut de la chance et de l'arbitraire.
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Voici un livre que l'on m'a offert pour son titre, titre qui résume joliment ce à quoi se confrontent les personnages de ce roman puisqu'ils "vont tour à tour éprouver le désir de gagner et la douleur de perdre".

Le cadre de ce roman ne m'aurait pas spontanément attirée, contrairement à la très belle couverture. Quand je vous aurai dit qu'il y est pas mal question de football, vous comprendrez mon scepticisme...

Sylvia, jeune ado de 16 ans, vit à Madrid chez son père Lorenzo. Plutôt mature, tout en continuant le lycée, elle s'occupe du quotidien face à ce père qui, au chômage et dépressif depuis que sa femme l'a quitté, peine à donner le change. Elle n'en garde pas moins les préoccupations de son âge. Pendant que sa fille se demande qui lui ravira sa virginité et l'enverra au septième ciel, pour Lorenzo c'est la descente aux enfers quand il tue son ancien ami et patron lors d'un cambriolage vengeur qui tourne mal.

Tout ne va pas pour le mieux non plus pour les parents de Lorenzo. Alors que la santé de la mère se dégrade, le père, Léandro, ancien professeur de piano respectable, est saisi du démon de midi à 73 ans et dilapide les biens familiaux auprès de prostituées.

Une nuit, Sylvia se fait renverser par un bolide conduit par un jeune et séduisant joueur de foot argentin, Ariel, recruté depuis peu par le club madrilène pour son talentueux coup de pied. Elle s'en sort avec une jambe cassée et une idylle improbable naît entre les deux jeunes gens.

Si j'ai douté pouvoir arriver au terme de ce livre de 445 pages, mes craintes se sont envolées à mon insu malgré les intrusions fréquentes sur les terrains de foot et les tribulations sexuelles d'un Leandro souvent pathétique. C'était sans compter sur le talent de l'auteur qui distille subtilement la progression de son intrigue, donnant alternativement voix aux quatre protagonistes, et sur laquelle vient se greffer une multitude de personnages secondaires à la fragilité émouvante. Il nous sert sur un plateau un roman social et réaliste où un modernisme plutôt noir se dispute à une nostalgie sépia.

Exit le mélo, la jeunesse des uns fait la nique à la solitude des autres mais les générations en devenir font preuve d'une lucidité que préfèrent estomper leurs aînés, tout occupés qu'ils sont à colmater les désillusions de leurs vies. Roman du désir et de l'argent qui mènent les personnages par le bout du nez entre nécessité et culpabilité, les hommes n'y ont pas le beau rôle. Déboussolés, ils tentent maladroitement de s'adapter à la force des femmes. le footballeur Ariel est à l'opposé des clichés habituels et réussit même à s'attirer la sympathie du lecteur (en l'occurrence la mienne, un exploit...), l'auteur dénonçant la marchandisation des sportifs.

Au final un grand brassage sociétal balayant large, du sport ultra médiatisé à la prostitution (la frontière est parfois ténue), de l'émigration clandestine au chômage en passant par le luxe et la précarité érigés en art de vivre, tout nous parle de la fugacité des choses, de la fatalité et du hasard, de l'amour et de la mort. Un brillant instantané de l'Espagne de ce début de siècle où chacun, les nantis comme les moins bien lotis, perd sa vie à la gagner, à moins que ce ne soit l'inverse... N'attendez pas de happy end, la réalité tout simplement.



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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Leandro se souvient en détail d’un soir, de nombreuses années auparavant : il était rentré du conservatoire et Aurora lui avait demandé comment s’était passée sa journée. Bien, avait-il répondu laconiquement. Un léger gémissement de sa femme avait alors brisé le silence et Leandro avait découvert qu’elle pleurait. Il lui avait demandé pourquoi. Elle avait mis du temps à le lui dire. Lorsqu’elle s’intéressait à sa journée, elle attendait un peu plus qu’un « bien » pour toute réponse, avait simplement avoué Aurora. Elle s’était retirée dans leur chambre et n’avait jamais reformulé ce reproche de manière si explicite. Leandro sait que le compte à rebours instauré par la maladie ne compensera pas une vie entière. Il espère que tous les bons moments additionnés constitueront pour Aurora un bilan positif de leur vie en commun, mais personne ne pourra jamais lui pardonner ce qu’il en a soustrait, l’épargne stupide de ses émotions. Elle ne le méritait pas, elle avait oeuvré pour bâtir quelque chose de plus ardent, de plus riche.
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Regarder était admirer. Regarder était aimer. Jamais auparavant le sexe n'avait pris un caractère aussi obsessionnel pour Leandro. Jamais il ne s'était senti dominé par l'instinct, incapable de contrôler son désir. Jamais il n'avait senti sa pulsion sexuelle matin, midi et soir. Le sexe à toute heure. Le scintillement d'un objet suffisait pour rappeler l'éclat de la peau d'Osembe ou une forme quelconque ses cuisses musclées. Un léger balancement le renvoyait à ses seins et la couleur rose intense suggérait les paumes de ses mains. Tout accident était sexe. Tout geste était sexe. Toute oscillation était sexe. L'arrondi d'une simple casserole, la forme d'une bouteille posée sur la table, l'envers d'une cuiller. Sexe. Sexe quand il se réveillait excité, seul dans son lit. Dans la douche le matin, qui lui rappelait la douche rapide du pavillon avant et après l'amour. Sexe l'après-midi quand approchait l'heure habituelle du rendez-vous. Sexe le soir quand il retrouvait son lit, plein de remords, alors que le contact des draps l'excitait de nouveau.
La peur était également sexe. L'absence de contrôle de soi. L'obsession. La honte était sexe. La chute l'excitait. Le précipice qu'il devinait derrière sa poursuite incompréhensible d'un plaisir qui ne lui correspondait pas et dont cependant il jouissait tous les après-midi.
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Le désir travaille comme le vent. Sans effort apparent. Voiles déployées, il file à une vitesse folle. Portes et volets clos, il cogne en quête de brèches ou de rainures pour s'infiltrer. Le désir associé à un objet nous condamne à lui. Mais il peut prendre une autre forme, abstraite, déconcertante, qui nous enveloppe comme un état d'âme et annonce que nous sommes prêts. Il nous reste alors juste à attendre, toutes voiles dehors, qu'il souffle vers nous. C'est le désir de désirer.
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Bien avant que tout ceci arrive, entre ton père et moi il ne restait que l'habitude pratique de vivre ensemble, de t'élever, de nous réunir avec des amis et pas grand-chose d'autre ; regarder passer la vie, avoua t-elle à Sylvia. Les mères n'abandonnent pas les pères et encore moins leur fille, pensa Sylvia. À cette occasion, traumatisante et édifiante, Sylvia posa un autre regard sur sa mère : c'était aussi une femme, plus seulement une mère, cette espèce électrodomestique sentimentale.
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Il faudra qu'elle empêche Ariel de se faufiler par toutes les fentes de ses fantasmes, de son imagination. Il faudra lui interdire d'envahir ses rêves, les moments ou ses pensées s'évadent. Qu'il ne s’introduise pas dans ses lectures, dans les musiques qu'elle écoute. Que ces temps morts ne soient pas nourris du désir ardent d'un appel de lui, d'un contact qui n'arrive pas. Elle sait que le seul plaisir venant de lui dont elle peut jouir, c'est celui que provoque cette piqûre de douleur, cette sorte de conformisme désolé. Elle est triste, mais au moins cette tristesse est à elle, elle l'a fabriquée avec ses attentes, personne ne l'a provoquée, elle n'est victime de personne. Elle se sent bien dans cette souffrance, qui ne la gène pas. Elle se détend. En attendant. Elle ne sait pas quoi.
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