L'étincelle, c'est l'incarnation furtive de la puissance de la transmission du savoir dans le regard de celui qui le reçoit.
Elle possède une propriété d’altération de ce qui l'environne qui laisse penser qu'après elle rien ne sera jamais plus comme avant. (...) Si elle est presque impossible à déceler pour qui n'a jamais enseigné, elle fait partie des moments qu'un "prof en banlieue" n'oublie pas. C'est une décharge élèctrique, transmise en l'espace de quelques milliseconde, du blanc des yeux d'un élève à celui de son prof. Elle n'a jamais d'autre cible que les deux protagonistes.
Georg Simmel indique que ‘la vie dans un cercle élargi et l’action réciproque avec celui-ci produit en soi et pour soi davantage de conscience et de personnalité’
L’entrée dans la vie active est l’aboutissement d’une recherche inconsciente de stabilité, de sociabilité et de dignité visant à consolider son identité et à s’asseoir avec confort sur le cheval à bascule.
Il crée toujours plus l’illusion que les diplômés sont des êtres d’exception alors que ce qui est exceptionnel, c’est d’avoir réussi à monter le cheval à bascule sans tomber, pour donner sens à une somme de microdifférences individuelles dont ils sont désormais les hérauts.
Elle n’est pas « hors jeu » et ne peut suivre ses études comme si elle était sans attaches. Son père joue contre son ascension scolaire qu’il vit comme une trahison alors qu’il l’a pourtant initiée, découvrant les tensions que l’école fait naître au sein des familles immigrées quand les parents prennent conscience que leurs enfants ne leur ressemblent plus véritablement et que ce qu’ils avaient projeté sur eux devient une chimère.
Pendant qu’Aysha est en vacances dans la villa familiale, son père découvre qu’elle a séché les cours. Il refuse qu’elle revienne en France. Sa carte de séjour est périmée et Aysha se sent piégée. Elle entame un bras-de-fer qui dure plusieurs mois – elle refuse de sortir de sa chambre et fait des crises d’angoisse à répétition. Son père finit par céder. Elle retourne en France en novembre.
Alors que « tout le monde sniffe » et qu’elle s’abstient, le rapport dealer/consommateur lui fait apparaître la relation d’interdépendance entre Parisiens et banlieusards sous un jour nouveau, démythifiant l’image de supériorité écrasante du Parisien de par son besoin du banlieusard.
Pour une fille de banlieue, tu en sais des choses.’ Prononcée sur le ton du compliment et de la confidence, elle exprime à mots couverts un mépris de classe et un sexisme latents.
Cette expérience ambivalente du temps – très contrainte et poussant en même temps à l’autonomie – s’exprime de façon particulière en classe prépa ECE. Muriel Darmon observe que, contrairement à l’élève de prépa scientifique, l’élève de prépa économique est incité à devenir un « élève séculier » plutôt que « régulier ».
L’« élève séculier » respecte le temps de la prépa tout en s’écartant des normes et des contraintes de l’institution, développant un rapport plus « relâché » à celles-ci. Il reste un individu de ce monde en même temps qu’un élève de la prépa. Savoir s’amuser, être parfois en retard, s’habiller pour un entretien ou une virée nocturne font partie des attendus implicites de la formation.
Elle s’habille comme une ‘fresher/hipster’ (elle me détaille avec soin l’art d’apparaître faussement négligée, des chaussures à la doudoune en passant par la coupe de cheveux).