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Pap Ndiaye (Autre)Françoise Bouillot (Traducteur)
EAN : 9782228928632
144 pages
Payot et Rivages (08/09/2021)
3.96/5   14 notes
Résumé :
Au premier mot qu’elle prononça, un grand silence se fit. Elle parlait d’une voix profonde, pas très forte, mais qui atteignait chaque oreille. "Mais c’est quoi tout ce bavardage qu’on entend ici ? Ce petit homme, là-bas, dit qu’une femme a besoin qu’on l’aide à monter en voiture, et qu’il faut la soulever pour sauter les flaques, et qu’il faut lui offrir la meilleure place partout. Personne ne m’aide jamais à monter en voiture ou à sauter les flaques, et personne n... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Sojourner Truth, ancienne esclave, rappelait avec aplomb aux audiences noires les difficultés des femmes, et aux féministes celles des Noirs. Il n'est donc pas étonnant qu'aient reconnu en elle un modèle les militants des luttes intersectionnelles.
Et il est vrai que ces retranscriptions de discours laissent voir un personnage admirable. Sojourner Truth était analphabète, et ses discours sont d'autant plus efficaces qu'ils sont d'une grande simplicité, créant un contraste frappant avec le sentimentalisme très rhétorique et romantique avec lequel ils sont relatés (du genre, pour pasticher : « à entendre ces paroles, il eût fallu bien peu de coeur pour ne pas avoir les yeux embués de larmes, et l'auditoire manifesta pendant de longues minutes encore son enthousiasme. »). Il ne faut donc pas chercher dans ces discours des trésors d'éloquence : après quelques expressions frappantes, le propos, faute de composition, devient assez filandreux, et les discours sont vite assez répétitifs. Néanmoins, elle fait entendre une voix courageuse, avec un message profondément ancré dans la religion, et non dénuée d'humour. La façon dont elle raconte sans fard les cruautés de l'esclavage est frappante, notamment quand elle mentionne, presque en passant, qu'elle ne pouvait vraiment appeler « siens » ses propres enfants, et qu'ils lui ont été arrachés sans qu'elle puisse jamais rien savoir de ce qu'ils sont devenus. Et l'on ne peut qu'admirer la détermination de l'oratrice à faire entendre sa voix quand tout dans la société de l'époque la poussait à se taire.
Mais l'écoutait-on vraiment ? On a l'impression que ceux qui transcrivent ses discours insistent sur sa singularité, son altérité : faisait-on alors attention à son message, c'est-à-dire l'affirmation d'une commune humanité ? On la surnommait la Sybille lybienne : façon d'en faire symboliquement une Autre, une Africaine, et non une authentique Américaine ? D'ailleurs, elle est notamment devenue célèbre grâce à un article que lui a consacré Harriet Beecher Stowe, l'autrice de la Case de l'Oncle Tom. Mais celle-ci transcrit les paroles de Truth avec des marques idiomatiques des Noirs du Sud que n'auraient jamais utilisées une ancienne esclave de New York. Comme s'il était inacceptable de se rappeler que les braves Yankees avaient aussi trempé dans les crimes de l'esclavage. Comme si Truth, trop vite assimilée à un stéréotype, ne pouvait jamais faire entendre vraiment sa vérité.

L'édition Penguin fait figurer également d'autres discours ou tribunes de militantes afro-américaines de la deuxième moitié du XIXe siècle. La plupart abordent une question cruciale qui se posait aux populations noires des Etats-Unis après la Guerre de Sécession, et plus particulièrement aux femmes noires : comment sortir de la marginalisation et de la pauvreté au sein d'une société dont on ne peut guère attendre de soutien ? Comment articuler la réussite personnelle et l'avancement de tous ? On voit une sorte d'aporie : comme les Noirs bénéficient désormais, nominalement du moins, des mêmes droits, on attend qu'ils prouvent qu'ils sont réellement les égaux des Blancs ; mais les séquelles de la servitude, l'absence d'éducation et les discriminations pèsent d'un tel poids qu'il est impossible ou presque de répondre à ces attentes, ce qui conforte les oppresseurs dans leurs préjugés. Ces discours présentent une éloquence plus traditionnelle, plus travaillée que celle de Sojourner Truth, mais aussi d'un style plus lourd.
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'Et ne suis-je pas une femme ?' est un recueil de compte-rendu d'interventions de Sojourner Truth. Ancienne esclave, analphabète (d'où des traces indirectes de ses inteventions), une fois affranchie, elle a milité pendant près de 40 ans pour l'abolition de l'esclavage - qu'elle verra mais trouvera (à raison) incomplète (au-delà de l'abolition elle milite pour l'égalité raciale) - et pour le droit de vote des femmes (ce qu'elle ne connaîtra pas).
Ses interventions s'appuient sur son vécu, ce n'est pas une théoricienne, même si elle s'appuie aussi beaucoup sur la bible pour donner une portée plus large à ses propos qu'un simple témoignage. Elle y articule finement les enjeux de sexe et de race.
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Ce petit recueil nous résume la vie de Sojourner Truth, esclave puis militante anti-esclavagiste et féministe. Puis différentes retranscriptions de ses discours nous sont donnés à lire. Je ne connaissais pas cette femme emblématique du mouvement anti-esclavagiste, c'est donc une bonne découverte.
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La note perd 2 étoiles à cause de l'édition. J'ai choisi le livre pour le contenu et cette partie-là ne déçoit pas. Mais une édition bilingue qui n'est pas une juxta, c'est une plaie! Au lieu de regarder la page en regard pour vérifier une subtilité dans le texte source ou le texte cible selon ce qu'on a choisi de lire en "principal", il faut passer son temps à faire des aller-retour. Chez soi, dans son fauteuil ou dans son lit, c'est pas folichon mais à l'arrêt du bus ou dans le train, cela devient infernal.
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
la femme. Nous avons été tellement rabaissées que personne ne pensait que nous pourrions relever la tête ; mais à présent nous avons été piétinées assez longtemps ; nous allons nous relever et me voici. Je me disais, quand je voyais des femmes lutter pour leurs droits, je me disais quelle différence entre aujourd’hui et autrefois ! Je n’ai que quelques minutes pour vous parler ; mais autrefois, les rois de la terre étaient disposés à écouter une femme. Il y avait un roi dans le vieux temps, dans les Écritures ; à l’époque, on avait l’air de penser que les rois de la terre tueraient une femme si elle venait en leur présence ; mais la reine Esther 2 s’avança parce qu’elle était opprimée, et elle estimait qu’on lui faisait un grand tort, et elle dit : “Je porterai ma plainte devant le roi ou je mourrai.” Le roi des États-Unis serait-il plus grand, ou plus m





Les femmes veulent leurs droits, comme Esther. Elle voulait seulement exposer ses droits. Et lui était si généreux qu’il lui a dit : “Je te donnerai la moitié de mon royaume”, sans attendre qu’elle le demande, tant il était généreux avec elle. Mais les femmes ne réclament pas la moitié d’un royaume : elles réclament leurs droits et elles ne les obtiennent pas. Quand elles se lèvent pour les demander, est-ce qu’on n’entend pas les fils siffler sur leurs mères comme des serpents, parce qu’elles réclament leurs droits ; et peuvent-elles demander moins ?
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Ils ont obtenu leur liberté – quelle chance formidable de voir l’esclavage détruit en partie ; pas complètement. Je veux qu’il soit détruit jusqu’à la racine. Alors vraiment nous serons tous libres. J’estime que, si je dois répondre pour les actions accomplies par mon propre corps tout comme un homme, j’ai le droit d’avoir autant qu’un homme. On fait beaucoup de raffut autour du fait que les hommes de couleur obtiennent leurs droits, mais pas un mot sur les femmes de On fait beaucoup de raffut autour du fait que les hommes de couleur obtiennent leurs droits, mais pas un mot sur les femmes de couleur ; et si les hommes de couleur obtiennent leurs droits alors que les femmes de couleur n’obtiennent pas les leurs, vous verrez que les hommes de couleur seront les maîtres des femmes, et ça n’ira pas mieux qu’avant. Je suis donc d’avis de faire avancer les choses pendant que tout est encore en ébullition ; parce que si on attend que l’agitation soit retombée, il nous faudra beaucoup de temps pour remettre les choses en route. Les femmes blanches sont beaucoup plus malignes, et elles savent plus de choses que les femmes de couleur, alors que les femmes de couleur ne savent quasi rien.
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Les enfants, dit-elle, qui vous a fait la peau blanche ? N’était-ce pas Dieu ? Qui a fait la mienne noire ? N’était-ce pas le même Dieu ? Suis-je donc à blâmer parce que ma peau est noire ? N’est-ce pas faire un reproche à notre Créateur que de mépriser une partie de ses enfants parce qu’il lui a plu de leur donner une peau noire ? Il en va bien ainsi, mes enfants ; et vos professeurs devraient vous le dire et si possible éradiquer de votre esprit le grand péché du préjugé contre la couleur. Alors que les professeurs de l’école du dimanche connaissent ce grand péché, alors que non seulement ils n’enseignent pas à leurs élèves que c’est un péché, mais qu’ils y tombent trop souvent eux-mêmes, comment peuvent-ils espérer que Dieu les bénisse, eux ou les enfants ? Dieu n’aime-t-il pas les enfants de couleur autant que les enfants blancs ? Et n’est-ce pas le même Sauveur qui est mort pour sauver les uns et les autres ? Si c’est la vérité, les enfants blancs doivent savoir que s’ils vont au Ciel, ils doivent y aller sans le préjugé contre la couleur, parce qu’au Ciel les Noirs et les Blancs sont unis dans l’amour de Jésus.
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Je vois que certains d’entre vous ont l’âme d’une oie, et d’autres ont une âme de serpent. Je me sens chez moi ici. Je viens à vous, citoyens de New York – je suppose que c’est ce que vous êtes. Je suis une citoyenne de l’État de New York ; je suis née ici et j’ai été esclave dans l’État de New York ; et à présent, je suis une bonne citoyenne de cet État. Je suis née ici, et je peux vous dire que je m’y sens chez moi. J’ai été ici et là, un peu partout, pour regarder et observer, et je connais aussi deux ou trois petites choses sur les droits de la femme. Je suis venue parler des droits de la femme, et je veux jeter ces petites choses dans le débat pour que ça continue à bouger. Je sais que ça fait un drôle d’effet et que ça donne la chair de poule de voir une femme de couleur se lever pour vous parler de différentes choses et des droits de la femme.
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I want to know what has become of the love I ought to have for my children? I did have love for them but what has become of it, I cannot tell you. I have had two husbands yet I never possessed one of my own. I have had five children and never could take any one of them up and say "my child" or "my children", unless it was when no one could see me.
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Video de Sojourner Truth (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sojourner Truth
intervenants : Pap NDIAYE, directeur général duPalais de la Porte Dorée - Musée national de l'histoire de l'Immigration, Catherine COQUERY-VIDROVITCH, professeure émérite à l'Université Paris Diderot Modération : Yasmine YOUSSI, rédactrice en chef Culture au journal Télérama
Une enfance clandestine pour échapper aux persécutions antisémites des nazis et de leurs sbires. Une vie consacrée aux « terres africaines » dont elle a remonté le fil de l'histoire pour l'inscrire dans celle du monde, révélant au passage la réalité coloniale. Pionnière en la matière, Catherine Coquery-Vidrovitch a tant à raconter. Ce qu'elle fera ici en dialogue avec Pap Ndiaye, auteur d'une préface accompagnant la publication des discours de l'afro-américaine Sojourner Truth (1797-1883), fille d'esclaves, abolitionniste et militante du droit de vote des femmes.
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