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Critique de Malaura


Dernier écrit de Marina Tsvetaïeva, « Mon Pouchkine » a été rédigé en l'honneur du centenaire de la mort du grand poète russe en 1937.
« Mon Pouchkine »…Ce n'est pas un essai, ce n'est pas un récit, ce n'est pas un poème, c'est tout cela à la fois, l'essai dans le récit, enrobé de poésie, tout cela mêlé, emmêlé, torsadé en une longue corde de mots qui traiterait, de façon très orale, comme un long poème en prose et rimes alternées et dans une fusion ardente, du grand poète russe ainsi que de l'enfance de Marina Tsvetaïeva dans le giron fantasmagorique du grand homme.

Un texte dont on a l'impression, non pas qu'il a été écrit mais plutôt qu'il a jailli, d'un seul jet, comme poussé sous une dictée intérieure, dans une sorte d'obligation impérieuse de faire sourdre les mots du plus profond de soi en les laissant émerger sans liens et sans contrainte.
On sent comme une fièvre, comme une effervescence dans ces lignes animées ; c'est le feu dévorant de la passion pour la poésie, et avant cela, pour Pouchkine. Un feu qui brûle et qui attise Marina depuis l'enfance, depuis le tableau représentant le duel de Pouchkine avec D'Anthès dans la chambre maternelle, depuis la grande armoire où était caché le gros livre de poèmes, depuis la statue-Pouchkine des promenades au parc…Depuis toute la vie en fait ! Pouchkine n'a cessé d'accompagner Marina Tsvetaïeva. Tout, dans sa vision de petite fille - les gens, la cour de la maison, le traineau bleu en hiver - tout renvoie aux mots du poète.
Pouchkine est également le Guide dont les oeuvres contiennent les principes qui forgeront la personnalité de Marina adulte : antiracisme, goût des amours malheureuses, « leçon de courage. Leçon de fierté. Leçon de fidélité. Leçon de destin. – Leçon de solitude. »

Dans « Mon Pouchkine » il y a aussi le côté fou-fou, qui dénote l'enfance et ses manifestations, la légèreté, l'immaturité, l'espièglerie… Ce n'est plus Marina l'adulte se souvenant de Marina l'enfant, c'est, au fil des mots, Marina qui redevient l'enfant qu'elle était, Marina enfant écrivant, ressuscitant l'engouement éprouvé pour le poète, retrouvant avec ses mots d'enfant, avec sa compréhension instinctive d'enfant, avec ses joies d'enfant, les mots qui faisaient vibrer la corde sensible de tout son petit être ingénu et naïf.
Tout le texte est empreint de cet enthousiasme ressenti dès le plus jeune âge, est baigné de cette excitation, de ce saisissement qu'inspirent les mots tressés entre eux et qui provoquent une commotion extatique, un bouleversement de l'âme et des sens, un trouble inaltérable, inoubliable.
Et c'est dans une sorte de transe que Marina libère les pensées et les souvenirs d'enfance que lui inspire l'homme Pouchkine, le poète Pouchkine, celui des mots qui troublent et aiguillonnent.

L'ensemble offre ainsi un texte étonnamment juvénile, agité, vif, sémillant, plein d'ardeur, d'admiration, et pénétré d'un lyrisme enjoué et rieur. C'est un hommage fougueux au « géant noir », à la poésie et à l'enfance.
Marina s'accapare le poète ; il devient sien. Il n'est plus le Pouchkine que se disputent les Russes blancs et les Russes rouges, les orthodoxes et les tchékistes, il est son Pouchkine, le sien, celui de ses années d'enfance, il est celui qui trône dans le parc du boulevard Tverski, immense et noir cavalier de bronze, il est statue-Pouchkine !

Il n'est pas toujours évident de maîtriser l'excentricité des mots de la poétesse et de les faire siens, car ce sont des mots qui refusent d'être domptés ou contenus ; des mots si libres qu'ils s'envolent, stimulés, galvanisés par une Marina Tsvetaïeva qui verse parfois dans une sorte de surréalisme où le vers est sans entraves, devient un espace ouvert dans lequel il est parfois ardu de se projeter.
Mais qu'importe, il y a une telle vie, une telle intensité dans ces lignes d'enfant amoureuse qu'on s'y laisse porter comme sur une mer, la mer si chère à Pouchkine
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