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EAN : 9782757892411
256 pages
Points (14/10/2021)
4.52/5   366 notes
Résumé :
Qu’est-ce que ça veut dire d’être un homme, en France, au xxie siècle ? Qu’est-ce que ça implique ? Pour dépasser les querelles d’opinion et ne pas laisser la réponse aux masculinistes qui prétendent que “le masculin est en crise”, Victoire Tuaillon s’est emparée frontalement de la question, en s’appuyant sur les travaux les plus récents de chercheuses et de chercheurs en sciences sociales. Ensemble, au fil des épisodes de son podcast au titre percutant, elles et i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
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En quelques lignes j'ai plongé. L'autrice sait s'adresser au lecteur et démontre ses propos avec conviction et simplicité.
Elle met des mots corrects sur des choses qui provoquent parfois des émotions difficiles à verbaliser, en tout cas pour les gens comme moi qui ont du mal à canaliser.
Colère, frustration, sentiment d'injustice, d'incompréhension, ce livre est une mine d'arguments (synthèse de nombreux travaux) quand on se lance dans un débat.

La suite correspond à ma prise de note habituelle :
Elle fait la distinction entre masculinité et virilité :
* La virilité est un attribut "Idéal de performance, d'autorité, de dépassement de soi et d'endurance qui trouve son expression à travers les démonstrations corporelles et/ou verbales" en somme, la virilité se définit par elle-même et les femmes peuvent l'être aussi (virile)
* La masculinité en revanche, ne se définit que par son opposition à la féminité. Dès lors que l'on pense "êtres vivants" elles disparaissent, c'est donc une construction sociale, culturelle et historique.

Elle évoque la construction genrée des individus dès la naissance : par le prénom, un code couleur, des réactions, des adjectifs. En soi, on pourrait se demander où est le problème si ce n'était que "à la différenciation des genres se superpose une hiérarchisation : "être un garçon", ce 'est pas juste "ne pas être une fille" : c'est être "mieux" qu'une fille"
Cette hiérarchisation se voit à travers les activités, les valeurs (émotions, raisons...), le langage (à noter qu' "autrice" existe depuis des siècles, c'est le français qui a été masculinisé, cf également les accords de proximité)

Des études comportementales à l'écoles ont démontré que les garçons sont davantage stimulés, on valorise des qualités différentes : intelligence et originalité pour les garçons, sérieux et propreté pour les filles.

Longue explication sur le fait qu'il n'existe pas de genre "naturel"

Elle aborde le fameux argument physiologique (j'ai tout de suite pensé à notre ami Kaufmann, de sinistre mémoire), elle démonte très bien l'argument mais oublie de préciser que les femmes éjaculent aussi.
Elle démontre également que la science ne peut pas être utilisé comme un argument parce que la science constate, elle ne dit pas ce qui est mieux ou moins bien, ça, ça relève de notre interprétation.

Je suis page 46 et il me parait évident que je ne pourrais pas tout prendre en note, tout est trop intéressant, indispensable même pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce militantisme et tenir un échange avec des masculinistes.

Elle parle d'ailleurs de la crise de la masculinité (p.47 & 48 à lire et relire)
81% des victimes d'homicides sont des hommes
90% des auteurs sont des hommes
Conclusion : le masculinisme tue les hommes aussi bien que les femmes.
92% des conducteurs impliqués dans des accidents mortels avec taux d'alcool positif sont des hommes

P.54 présentation des différentes masculinités : hégémoniques ; complices ; subordonnées ; marginalisées

Les privilèges à vivre dans un monde d'homme : (petit échantillon d'arguments)
* La clim, automatiquement mis pour les hommes, 5°C de moins que ce qu'il faudrait pour les femmes
* Les objets pour les mains d'hommes (téléphones, outils, clavier de piano) 1.2 fois plus grandes que celles des femmes
* En 2011, Siri savait trouver du viagra et des prostituées mais pas les centres d'IVG
* Les voitures : 47% de chances d'être blessées plus sérieusement, 17% de chances supplémentaire de mourir à accident équivalent
* La recherche médicale : les symptômes d'infarctus chez une femme sont différents (nausées, douleurs dorsales), vous le saviez, vous ? Il existe 5 fois plus d'essais pour les troubles érectiles que pour les douleurs des femmes (c'est tout de même 1/7 femmes qui souffre d'endométriose et on n'a toujours pas de solutions ! Il faut 7 à 9 ans pour établir un diagnostic !)

Elle précise pour la première fois (et elle le fera souvent tout le long) que ce n'est pas un complot, les hommes n'agissent pas en pleine conscience mais c'est l'idée de souligner l'importance d'avoir des femmes à tous les niveaux décisionnels pour apporter un autre éclairage.

La rue est conçue, prévue pour eux aussi : sur 65 000 rues de 111 communes, 30% ont des noms de personnalités, 94% sont des hommes. Au total, 2% des rues en France portent le nom d'une femme. Nous n'avons pas d'Histoire, personne à qui nous identifier, voilà ce que nous dit la rue. Et pour la majeur partie des cas, tout est à la gloire du soldat, du sacrifice, des combats (Masculins)
Les statues : des hommes majestueux ou des femmes sexualisées. Ne parlons même pas des pubs où la tête des femmes est parfois coupée : tout est fait pour plaire au "male gaze"
Les infrastructures sportives d'extérieur : toutes destinées aux hommes (reprendre l'étude faite sur les skateparks de Bordeaux p.77)

Dans le monde du travail, le schéma se répète, le bon travailleur, celui qui obtient les augmentations, c'est celui qui ne compte pas son temps, n'a pas d'imprévus, pas d'enfants quoi : syndrome de l'épouse formidable. Et à comportement égal, c'est à dire quand la femme imite l'homme ou inversement, la réaction n'est pas la même (p.90) + principe du "boy's club" p.95
Le harcèlement sexuel au travail : 93% des plaintes sont classées sans suite ou ne donnent pas lieu à une condamnation. Elle donne des pistes AUX HOMMES pour changer la donne et ça change un peu, il s'agit de leur combat aussi.

Elle compare judicieusement le harcèlement de rue et le comportement des hommes au travail : il s'agit du même regard porté sur les femmes, objet de désir, sexualisation, condescendance... mais deux castes d'hommes différentes. On s'en prend à la première et on laisse faire les seconds, qui s'offusquent du comportement des premiers. Normal.

La question domestique est également abordée : comment les femmes en sont venues à gérer les tâches domestiques dans les faits et dans l'imaginaire collectif ?
La question de la charge émotionnelle est très intéressante. J'ai souvent considéré qu'on bridait les hommes et que ça expliquait leur difficulté à exprimer leurs émotions.
Mais l'autrice remarque qu'il y a des émotions qu'ils savent très bien exprimer, ce n'est que ce qui est de l'ordre sentimental qui est compliqué parce que c'est censé être le "domaine des filles" et, comme pour les tâches domestiques, c'est dévalorisé, et pourtant essentiel, mais alors, quelle est la solution ? Pour l'instant, la réponse ne se devine pas vraiment, car dans l'état actuel des choses, les exprimer un peu renforcerait la sollicitude des femmes envers les hommes, elle en sortiraient encore perdante.

La contraception : sujet que je maitrise déjà pour des raisons très personnelles, mais elle le développe très bien et, surtout, elle point le gros problème très français du paternalisme médicale.
Le choix de l'homme quand à une grossesse éventuelle se fait au moment de l'acte, pas après

Le sujet de la soumission est abordée p.150

La violence :
En 2018,
* 121 femmes tuées par leurs conjoints
* 28 hommes tués par leurs compagnes (et la moitié d'entre eux étaient violents avec elles)
Pourquoi "féminicide" et non "drame" ou "crime passionnel" ? Parce qu'on ne tue pas par amour, on tue pour posséder. Parce qu'on considère que la femme nous appartient.

Les viols, c'est 16% des femmes (sur les chiffres CONNUS), 94% des violeurs sont des hommes.
Définition de la "culture du viol" p.159 (et en citation)
On casse les clichés :
* 70% des viols se font sans armes, c'est la sidération qui fait tout le travail
* en Europe, 7% des violeurs condamnés ont une maladie mentale (seulement 7% sur les 1% de condamnation)
* 25 à 43% des hommes admettent avoir perpétré au moins une fois dans leur vie une agression sexuelle ou une pénétration par la contrainte.
* 80% des femmes violées l'ont été par quelqu'un qu'elles connaissaient
(il faut s'accrocher à certains passages du livre là, des témoignages et des chiffres très durs)
* 10 à 15% des victimes seulement portent plainte.

Erotisation de la violence : (porno !) Pourquoi ça fonctionne ? Pourquoi la souffrance et l'humiliation des femmes est-elle excitante ?
18% des français pensent qu'une femme peut prendre du plaisir à être forcée, et ce chiffre a été évalué APRES #metoo : dans le cinéma, la littérature, on retrouve cette idée partout

p.170 stratégie de l'insistance, dire "non" ne changer rien, il n'est pas plus entendu que le reste (exemple du refus à diner en comparaison) + témoignages d'hommes qui admettent voir le "non" comme un challenge
Il existe également les violences graduelles, demander le consentement pour chaque nouvel acte est NORMAL et peut être excitant. le consentement ne dois pas être considéré comme global et définitif dès le début du rapport.
Par quoi peut-on commencer en tant qu'homme ? L'émergence d'un nouveau groupe qui va désavouer ce type de comportement. Et en tant que femme ? Pourquoi pas la violence ? (Cf Despentes)

Comment changer les choses de façon plus globale ?
-> verbaliser les actes sexuels / changer de vocabulaire
-> érotiser différemment à travers les mots, le jeu
-> changer "l'objectif pénétration à tout prix"
-> orienter les hommes vers l'orgasme prostatique


UNE PEPITE ! tout le monde devrait l'avoir dans sa bibliothèque !
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On ne naît pas homme, on le devient…

« Ce livre est une tentative de synthèse des centaines de travaux – articles, thèses, essais, documentaires – concernant la masculinité, les hommes et la virilité, que j'ai eu la chance de lire dans le cadre de mon travail ».

Dans son introduction, Victorine Tuaillon, parle de son émission diffusée en podcast, des entretiens d'une quarantaine de minutes avec des universitaires, artistes ou chercheur·es.

Elle évoque son parcours, son féminisme, « je crois à cette idée révolutionnaire que les femmes sont des êtres humains », les rapports de genre, la masculinité, « la masculinité en tant que telle avait été toujours le point aveugle de la domination », la violence de genre ordinaire et le sens de cette violence, l'enfermement dans des rôles, « sommées de ravaler notre rage, d'être plus douces, plus arrangeantes », les stéréotypes et les injonctions viriles, l'ordre du genre, « personne ne grandit en dehors de l'ordre du genre », la culture, « Nous en sommes les produits et nous la produisons par nos pratiques et nos existences », l'égalité, « aucune société n'a encore atteint l'égalité entre femmes et hommes », les privilèges et leur invisibilisation, l'importance de penser ensemble « toutes les logiques de domination – le genre, la classe, ce qu'on appelle en sociologie la race mais aussi l'âge ou la sexualité », les normes et leur changement « selon le contexte, selon l'époque, les pays », les questions de genre comme « questions politiques », le travail des femmes et sa non-reconnaissance…

« Je crois que le féminisme n'est pas une guerre contre les hommes, mais une lutte contre ces structures qui permettent à la domination masculine de perdurer. Et donc contre ce qui, dans la construction de la masculinité (première partie) en fait un privilège (deuxième partie), une exploitation (troisième partie), une violence (quatrième partie)… Il n'y a aucune fatalité ; ce sont des questions structurelles, et les structures, on peut les défaire ou les esquiver (cinquième partie) »

L'autrice discute de concepts, de faits, de statistiques, de témoignages, des couilles et de table, de témoins, « je me suis dit que cette table sur laquelle il était valorisé de les poser, on pouvait la transformer en table d'examen, de discussion, de dissection de la masculinité »…

Voyage subjectif dans les pages d'un livre particulièrement réjouissant.

En introduction les éducations viriles sont interrogées. « Etre un homme, c'est d'abord et avant tout ne pas être une femme » (Olivia Gazalé). Avec beaucoup d'humour sont abordés, en en soulignant l'historicité et les contradictions, le dressage des corps masculins pour accéder aux privilèges, le rôle de l'obéissance, les rituels initiatiques, la peur de l'indifférenciation… Il me semble important de souligner contre l'individualisation néolibérale le possible développement des singularités par l'émancipation de toustes et de chacun·e…

(En complémentent possible, je rappelle la préface de Jules Falquet au livre de Pinar Selek : Devenir homme en rampant).

Les textes sont regroupés en grandes rubriques : Construction ; Privilège ; Exploitation ; Violence ; Esquives.

« la masculinité, tout comme la féminité, est avant tout une construction – sociale, culturelle, historique », Victorine Tuaillon aborde, entre autres, les modes de socialisation, les normes et leur intériorisation, les comportements différenciés des parents, les hiérarchisations y compris dans la langue (masculinisée volontairement), l'apprentissage des sentiments, l'hétéro-normalité, la justification d'un ordre social pas l'invention d'un ordre naturel, la réduction des êtres humains à leurs gamètes, les hypothèses biaisées de la vie sociale « préhistorique », la complexité et la plasticité cérébrale (sur ces points, Rebecca M. Jordan-Young : Hormones, sexe et cerveau et Catherine Vidal : Nos cerveaux, tous pareils tous différents !), la soi-disant crise de la masculinité (lire par exemple, Francis Dupuis-Déri : La crise de la masculinité. Autopsie d'un mythe tenace), les mouvements masculinistes, l'adoption de comportements dangereux, les dynamiques du pouvoir, les gars du coin et leurs discours dans l'entre-soi…

« la masculinité s'accompagne de nombreux privilèges, que l'on peut qualifier de systémiques », L'autrice discute de ce monde construit au « masculin-neutre », des critères prétendus universels, des femmes comme « simple variation au standard », des biais anthropocentriques de la recherche, du privilège de grandir dans un monde construit pour les hommes, des villes au masculin (Yves Raibaud : La ville faite par et pour les hommes), du genre de la ville et des ses aménagements, de l'occupation genrée des espaces, des maisons des hommes, « Ils se construisent à la fois sur l'éviction des femmes, et leur mythification comme objets sexuels », des privilèges des hommes au travail, du genre des organisations, « ce sont ses modes d'organisation, ses normes, ses attentes impensées qui ont pour effet de favoriser encore et toujours les hommes », du sexe de la disponibilité, de la « culture viriliste qui imprègne jusqu'aux interactions les plus anodines », des boy's club (voir le récent ouvrage de Martine Delvaux : le boys Club), de l'humour et des défouloirs « sexiste, raciste et homophobe », des mescplications (Rebecca Solnit : Ces hommes qui m'expliquent la vie), du harcèlement sexuel « favorisé par certaines organisations du travail », de l'ampleur et de la banalité des violences sexuelles et de monsieur Tout-le-monde, de l'apparence physique, du privilège d'être la norme…

« Année après année, les statistiques le montrent : si l'on additionne les heures de « travail » rémunéré et non rémunéré, les femmes travaillent plus que les hommes. On peut le dire sans colère, juste en regardant les faits : dans l'ensemble, les hommes profitent du travail domestique fourni gratuitement par les femmes. Littéralement, cela se nomme « exploitation » ». Victorine Tuaillon analyse les effets de la socialisation de genre sur « la façon dont en envisage, connait, exécute » le travail domestique et la naturalisation des taches, les différences dans la prise en charge « à chaque arrivée d'enfant », le couple comme « lieu d'exploitation économique », les standards en termes de propreté ou de soin, qui fait le ménage suite à la « mise en ménage » (en complément possible, les travaux de Christine Delphy et le livre de Camille Robert : Toutes les femmes sont d'abord ménagères. Histoire d'un combat féministe pour la reconnaissance du travail ménager. Québec 1968-1985) les effets sur les revenus des femmes des ruptures, le recours à des tiers très majoritairement encore des femmes, le refus des hommes d'interroger cette situation qui les avantage objectivement, le travail et sa charge mentale, le « travail émotionnel », les exigences sexuées « dans les relations interpersonnelles »,

L'autrice poursuit avec l'irresponsabilité des hommes en termes de contraception et de grossesse, la non-implication des hommes dans le coût et le suivi des méthodes de contraception, l'oubli de la vasectomie, les politiques natalistes, le droit total « des femmes décider toutes seules si elles veulent ou non un avortement », les femmes des colonies avortées ou stérilisées de force…

« La violence ne sort pas de nulle part ; c'est tout ce qu'on a vu, la masculinité comme construction, comme privilège et comme exploitation qui la rend possible ». Victorine Tuaillon insiste sur le premier lieu des violences, le couple et la famille, les féminicides, les violences sexuelles et la culture du viol (en complément possible, Noémie Renard : En finir avec la culture du viol et Valérie Rey-Robert : Une culture du viol à la française. du « troussage de domestique » à la « liberté d'importuner »), « Les femmes ne sont pas violées par des extraterrestres, par des fantômes ou des monstres : elles le sont par des hommes », les idées reçues sur le viol, les violeurs, « Ils ont le visage d'hommes que nous connaissons, que nous aimons, à qui nous faisons confiance », l'impunité socialement et judiciairement construite, la production de la pornographie, l'érotisation du viol, la manière dont les refus des femmes ne sont pas acceptés par les hommes, la « culture de l'insistance », les prédateurs et leurs pouvoirs…

Que faire. « Je me concentrerai sur trois pistes de travail principal – la sexualité, l'éducation, et la question de l'engagement proféministe des hommes –, et sur la dimension individuelle des actions à mener. Car, même s'il apparaît clairement que la domination masculine, et les dominations de classe et de race, ne pourront être abolies sans de profonds bouleversements politiques, nous n'allons pas attendre les bras croisés que la révolution arrive » J'ajoute que cela pose aussi la question des conditions de mobilisation, le rapport à l'autodétermination des femmes, les modifications concrètes des conditions matérielles de vie…

L'autrice propose « quelques pistes de diversions, de subversions, d'esquives », au delà de l'insuffisance de la notion de consentement, l'expression libre des désirs, la capacité à verbaliser, les scripts de séduction et d'érotisme, la rupture avec les scripts hétéro-sexistes, « Toutes les autres pratiques étant soit taboues (pénétrer les hommes), soit reléguées dans la catégorie de « préliminaires », comme s'il ne s'agissait que d'un simple apéritif précédant l'acte sexuel le plus important », le remplacement de la « pénétration » par la « « circlusion » de la femme sur l'homme », la sortie de l'auto-objectification permanente, l'éducation des garçons, le questionnement des automatismes et des réflexes, l'éducation à l'intimité, les « alliés »…

Un ensemble d'analyses alliant le plus souvent humour et volonté d'aller à la racine d'une construction sociale valorisée au nom d'un fantasque naturel…

J'ai laissé de coté les points discutables, à commencer par la distinction entre masculinité et virilité ou la notion de masculinité hégémonique, l'usage de termes polysémiques, les articulations entre sexe et genre… Chacun·e pourra approfondir les analyses par les riches bibliographies proposées par l'autrice après chaque chapitre. J'ai chroniqué des livres cités, voir les liens proposés sur certains.

Il ne s'agit pas seulement de déplacer les contraintes, de troubler ou de transgresser le genre, de reformuler des régimes de genre, mais bien d'en finir avec le genre comme construction sociale arbitraire, la hiérarchisation des individu·es, l'inégalité systémique.

Il faut aussi affirmer que les hommes ne sont pas dans l'ignorance du système de domination masculine ; lire par exemple : Léo Thiers-Vidal : de « L'Ennemi principal » aux principaux ennemis. Position vécue, subjectivité et conscience masculines de domination).
Enfin, j'invite mes amis et lecteurs à (re)lire le texte de Yeun Lagadeuc-Ygouf : Être « allié des féministes ».

Deux auteurs cités à plusieurs reprises par Victoire Tuaillon.
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Le féminisme ne se réduit pas, les idées ne cessent d'évoluer, et à toute allure. Quoi de commun entre le féminisme de Simone de Beauvoir, celui des 343, celui de Simone Veil (les Simones sont l'honneur du féminisme !), celui de nos mères, et plus récemment, celui de Virginie Despentes (dont la King Kong théorie a été pour moi un vrai choc) ou celui d'Oser le féminisme ?

Comment s'y retrouver dans ces différents courants, parfois contradictoires, comment se faire une idée juste ? Et quand on est un homme, comment mettre en phase une pensée, des principes, et une manière d'être - à la maison, mais pas seulement : une des forces du livre est d'amener à considérer que même si on se dit féministe, on bénéficie de facto, en tant qu'homme, des avantages de notre sexe dans une société conçue par et pour les hommes.

Ce livre ne prétend pas apporter des réponses à toutes les questions, ce n'est ni "le féminisme pour les nuls" ni la bible du féminisme. En revanche, dans la continuité de son podcast du même nom, Victoire Tuaillon passe en revue un certain nombre de thématiques et donne des clés pour comprendre, ouvre des perspectives. Les rencontres qu'elle a faites et les témoignages recueillis nourrissent son propos vivifiant et salutaire.

Un livre qui bouscule et fait réfléchir !
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Un livre que j'ai commencé à recommander avant même de l'avoir fini!
Le titre est très provocateur et ne fait pas sérieux, mais il s'agit d'une analyse, d'une vivisection des masculinités: les couilles (représentation de la masculinité) est mise sur la table pour examen. Étonnant ce titre si peu sérieux pour un contenu qui l'est parfaitement! Chapitre après chapitre, les intervenant·es se succèdent, au fil des podcasts, et parlent de leur domaine d'expertise en lien avec la masculinité.
Ce livre est un "produit dérivé" du podcast Les couilles sur la table. Il est à la fois un bon complément pour les personnes, comme mon mari, qui adorent le podcast; mais aussi un bon substitut pour les personnes qui, comme moi, n'aiment pas écouter des podcasts et préfèrent lire.

Les sujets sont divers, sourcés, intéressants et offrent un regard complémentaire aux approches plus classiques féministes. Il n'y a guère qu'un chapitre que je n'ai pas apprécié, et dans l'ensemble, le livre est très riche, très intéressant.

À faire circuler un maximum: soit l'écoute gratuite des podcasts, soit le livre, soit les deux!
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Un essai qui se lit avec l'avidité d'un roman !
"Les couilles sur la table", c'est un podcast dans lequel Victoire Tuaillon se propose d'inviter des personnes de tous horizons, afin de nous parler des hommes, des masculinités et en creux des femmes et aussi de certains hommes, qui subissent la domination masculine (souvent sans s'en rendre compte). Son adaptation en livre est une réussite.
A l'aide de courts chapitres, l'auteure nous explique avec intelligence et clarté de quelle manière la domination masculine se retrouve dans tous les aspects de la vie et est intégrée par beaucoup d'entre nous, hommes et femmes, de manière inconsciente. Elle y développe notamment les thèmes de l'éducation, de la vie professionnelle, du harcèlement, de la culture du viol ou de la charge mentale...
Ce livre a été une sorte de révélation pour moi, femme blanche, cisgenre et plutôt favorisée (tout comme l'auteure). J'ai mesuré l'ampleur du travail qu'il reste à faire et dans ce sens, l'auteure donne des pistes pertinentes afin de redéfinir notre rapport aux relations amicales et amoureuses, notre manière d'élever les enfants ou de considérer l'autre au-delà de la grille binaire des genres. Les relations n'en seraient que plus simples, avec plus de tolérance et de bienveillance.
Je vais maintenant me plonger dans l'écoute des podcasts.
Une lecture indispensable !
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
Ce n’est pas nouveau, cette idée que les hommes sont en danger. Dès que les femmes ont eu un peu plus de droits, ou qu’un changement s’est produit dans l’ordre du genre, à cause de bouleversements politiques, ou économiques, sont apparus des discours sur la crise de la masculinité. Quelques exemples, donnés par le politologue Francis Dupuis-Déri, qui étudie depuis 15 ans ces discours et les démonte dans un essai génial (et souvent drôle) : dans la Rome antique, au IIème siècle av. JC, Caton l’Ancien se plaint que les hommes soient dévirilisés car des femmes demandent à avoir le droit de conduire des chars et de mettre des vêtements colorés ; à la cour d’Angleterre du XVIème siècle, on déplore que les femmes s’habillent comme des garçons, et portent les cheveux courts ; aux Etats-Unis, dans les années 1930, au moment du mouvement des suffragettes qui se battaient pour le droit de vote des femmes, le président Wilson les qualifie de « monstres » exécrables, asexuées et masculines. C’est comme si les hommes avaient toujours été en crise… et c’est bien compréhensible, car la masculinité telle que la définissent ces hommes ne peut qu’être en crise : forcément instable, incertaine, fragile, parce que toujours susceptible d’être contestée. (p. 47)
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À la différenciation des genres se superpose une hiérarchisation. Dans la quasi-totalité des sociétés connues, ce qui est masculin est considéré comme supérieur au féminin. Cette dichotomie imprègne toute notre manière de voir le monde, tous nos systèmes de représentation. On valorisera ce qui est codé comme masculin : une petite fille qui joue au foot ou aux voitures sera généralement encouragée, mais on verra souvent d'un mauvais oeil des petits garçons faire de la danse ou jouer à la poupée.
(...)
Puis, à l'adolescence, l'obligation à l'hétérosexualité devient de plus en plus pressante : c'est en ayant des relations sexuelles avec des femmes que le garçon est censé prouver qu'il est un homme. (...) Et quand on assemble cette obligation à l'hétérosexualité à l'infériorisation du féminin, on comprend ce paradoxe tragique : on apprend aux garçons qu'ils doivent désirer ce qu'on leur a d'abord appris à mépriser.
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Je suis féministe, c'est-à-dire : je crois à cette idée révolutionnaire que les femmes sont des êtres humains. Je veux, et je crois que c'est possible, que quel que soit notre genre, nous puissions mener des vies libres et heureuses, à égalité. Je suis convaincue que cette question des rapports de genre, et donc de masculinité, nous concerne absolument toutes et tous, dans tous les aspects de notre vie.

[p9]
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Tous les hommes sont en position de domination, mais ils le sont plus ou moins. Ce n'est pas la même chose d'être un jeune homme dans un milieu populaire en ville, d'être un jeune de cité, ou d'être élevé dans un milieu rural. Parce que la masculinité blanche, hétérosexuelle, riche, celle, disons, du "jeune cadre dynamique" ne donne pas les mêmes avantages dans notre société que celle d'un homme gay pauvre, ou celle d'un ouvrier noir qui vit en banlieue - l’État, la police, la justice, les médecins, les employeurs, les propriétaires, etc. ne vont pas les traiter de la même manière. Et ces normes changent selon le contexte, selon l'époque, les pays... mais sans que ça ne remette jamais en cause la domination masculine.

[p12]
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Personnellement, malgré tout mon optimisme, je choisis la seule solution qui me paraît cohérente : refuser fermement toute proposition de mise en ménage. Emménager avec un homme, quand on est une femme, c’est prendre le risque de voir son temps de travail doubler. Quelle ironie, quand on pense que ce sont souvent les femmes qui insistent pour emménager ensemble, alors qu’il est très probable que ce sont elles qui y perdront. Mais je reconnais que cette solution est difficilement généralisable ; toutes les femmes n’ont pas envie de vivre seules. Ou tout simplement… pas vraiment les moyens (et on en revient aux inégalités de salaire).
p. 128
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Videos de Victoire Tuaillon (15) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Victoire Tuaillon
Victoire Tuaillon, Mehdi Bayad, Pascale Pascariello... Ils sont les artisans de l'univers foisonnant du podcast. À “Télérama”, où on les suit depuis longtemps, nous les avons rencontrés pour une galerie de portraits vidéo. Aujourd'hui, Axelle Jah Njiké, créatrice de Me, My Sexe and I, de la fille sur le canapé, et productrice de Je suis noire et je n'aime pas Beyoncé..
Elle se définit comme une "autrice et militante féministe païenne". Axelle Jah Njiké a encouragé l'expression des intimités de femmes noires dans le podcast Me, My Sexe and I en 2018, avant de donner à entendre des victimes de violences sexuelles (dont elle-même) dans la bouleversante Fille sur le canapé (Nouvelles Ecoutes). Elle a aussi, pour France Culture, livré une histoire des féminismes noirs francophones (Je suis noire et je n'aime pas Beyoncé dans LSD, la série documentaire). Rencontre avec une humaniste bouillonnante, qui vient de publier son Journal d'une féministe (noire), au Diable Vauvert.
Entretien : Laurence le Saux, Réalisation : Pierrick Allain
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