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sur 4115 notes
Cette lecture confirme à quel point j'apprécie Karine Tuil et l'acuité pleine de finesse avec laquelle elle s'empare du réel par le prisme romanesque. Avec La décision, elle parvient à composer une tragédie contemporaine absolument passionnante.

C'est d'autant plus remarquable que tout est casse-gueule dans ce roman. Un sujet brûlant : le terrorisme islamisme. Un personnage principal a priori stéréotypé et très chargé: Alma, juge d'instruction antiterroriste, quinquagénaire, en pleine crise existentielle, en crise conjugale avec un mari écrivain sur la descente qui se réfugie dans le judaïsme orthodoxe. Et elle complique artificiellement l'intrigue avec une histoire d'amour entre Alma ( la juge ) et un avocat qui défend un prévenu suspecté d'allégeance à Daesh depuis son retour de Syrie alors qu'elle doit instruire son dossier . Ou comment une pulsion amoureuse pourrait influencer les deux décisions qu'elle a prendre : quitter ou pas son mari ; libérer Abdejalil Kacem au risque qu'il commette un attentat ou l'emprisonner alors qu'il est peut-être sincère dans son repentir et qu'il pourrait se radicaliser en prison ?

Karine Tuil survole ses potentiels écueils grâce à une machine narrative extrêmement précise qui plonge le lecteur en plein coeur des dilemmes de la juge Alma, dans son déroulé mental comme dans ses actions. On est dans sa tête, dans sa quête d'une vérité qui semble à impossible à trouver sans sortir de sa zone de sécurité. On doute avec elle, on varie en permanence sur la bonne décision à prendre concernant le présumé djihadiste. D'autant plus que régulièrement des incises dans le récit nous offre des extraits de son interrogatoire. L'auteur sait secouer les consciences en interrogeant le lecteur sur ses valeurs les plus profondes. Et c'est souvent dérangeant et déstabilisant de se trouver dans cette position aussi immersive car comment déceler la taqiya ( la technique de dissimulation enseignée par Daesh ) ? comment deviner la sincérité ? Derrière la raideur du code pénal, une large place est laissée à l'appréciation du juge. Convictions de chacun, contradictions de la société, tout est passé au scalpel.

Pour peu qu'on suive l'actualité, on n'apprend rien en soi sur les facteurs qui poussent de jeunes Français à se radicaliser, ainsi que le parcours de la violence sociale à la violence idéologique avec une hybridation délinquance / djihadisme qui ont été parfaitement analysés. Au delà de sa capacité à fictionnaliser des faits de société de façon intelligente et accessible, j'ai énormément aimé découvrir le métier de juge d'instruction terroriste qui instruit à charge ou pas pendant des mois en amont d'un éventuel procès. On sent à quel point Karine Tuil a compris les enjeux de ce métier sacerdoce. Alma est dévorée par le poids de la responsabilité, par la charge harassante de travail sur les dossiers, le stress inouï née de la peur de l'agression, de la douleur des familles de victimes. Et puis il y a la terreur de prendre une décision qui aura un impact sur la nation entière. Elle risque à tout moment d'être aspirée dans la noirceur.

Implacablement, la tension monte crescendo rendant le roman inlâchable malgré quelques facilités scénaristiques qui font deviner l'issue. Dans le dernier tiers, le récit devient quasi irrespirable. Les fils des Moires sont vigoureusement tirées comme dans une tragédie grecque malaxant conflits intimes, pression sociétale et urgence du choix . L'intensité du propos étreint le lecteur. J'ai refermé ce roman très secouée.
Remarquable.

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Ceux qui me suivent depuis mes débuts savent combien je suis admirative de Karine Tuil, combien ses romans me parlent et me hantent. Je sais qu'avec cette auteure, je ne serai jamais déçue. Son écriture au scalpel et son acuité dans la psychologie humaine sont fascinantes.

Karine Tuil s'approche ici au plus près de l'actualité, à travers le portrait d'Alma une juge d'instruction antiterroristes qui détient le sort d'un homme, AbdelJahil Kacem emprisonné en France pour suspicion de radicalisation suite à un retranchement en Syrie.

On suit jour après jour l'interrogatoire de la juge auprès du musulman qui jure de son innocence. Alma, une femme mariée qui entretient une liaison avec l'avocat de Kacem, elle doute, elle vacille entre raison et déraison.

Le psyché de cette femme est détaillé avec brio, l'auteure nous offre un portrait de femme des plus actuels, entre le poids des responsabilités, la pression professionnelle, les zones d'ombres entre la présomption d'innocence et la protection d'un pays, Alma aime depuis peu comme jamais. Elle écoute son amant qui fait battre son coeur, elle l'entend répéter qu'il n'y a nulle preuve d'accusation sur Kacem, que la prison c'est l'antre de la radicalisation, de la haine. Elle entend. Et se laisse peu à peu basculer dans cette humanité où l'on entend pourtant toujours et encore la haine crier à la mort.

« Le terrorisme, ce n'est pas qu'une méthode, c'est l'amour de la mort. Les terroristes ne rêvent que de ça : celle qu'ils donnent aux autres et celle qu'ils se donnent. Ils remplacent le combat des idées par la peine de mort. »

Il y a beaucoup de force dans ce livre, une émergence conflictuelle entre l'amour et la haine, un combat inégal entre la beauté et la laideur, des corps qui s'étreignent pendant que d'autres s'entretuent. Il y a un charisme fou dans l'écriture de Karine Tuil à disséquer les coeurs meurtris, les coeurs qui rêvent, les coeurs absents.

Ce contraste ombre/lumière est omniprésent, saisissant avec une montée crescendo des failles, de la fragilité. C'est un roman qui s'adresse aux vivants, aux morts, aux pays endeuillés, à ce monde qui n'est pas parfait, à ceux qui n'oublieront jamais. le ton est juste, précis, recherché, incandescent comme une main sur le coeur au milieu de l'horreur.
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C'est la tuile !
Forte indécision au moment d'étoiler ce billet. Lumières tamisées. Je me retrouve dans la situation de l'inspecteur du Guide Michelin qui a adoré l'entrée, savouré le plat principal mais qui a vomi le dessert aux toilettes.
Jusqu'à la page 220 (sur 296), j'avais plus d'étoiles dans les yeux que Thomas Pesquet après son 4000ème selfie en orbite.
La description du poids des responsabilités pesant sur Alma Revel, juge antiterroriste, qui doit décider du sort d'un jeune qui revient de Syrie en voyage organisé par l'Etat Islamique, est remarquable. La construction du récit qui alterne le quotidien compliqué de la juge, le travail d'enquête minutieux et les extraits d'interrogatoires m'a tenu en haleine fraîche. Pour corser l'affaire, le mariage de la juge avec un écrivain aigri sent le sapin et elle entretient une liaison avec l'avocat du mis en examen… de conscience.
Karine Tuil, de livres en livres, a le mérite de ne pas végéter dans l'autofiction nombriliste. Elle s'empare de son sujet et on sent son souci de l'exactitude, son immense respect pour ces femmes et ces hommes en charge de la justice dans une société qui déclare coupable par anticipation ou souhaite condamner par précaution. Elle traduit très bien le dévouement de la juge à sa fonction, ses incertitudes et la charge émotionnelle de ses décisions.
Et puis Patatras… ! Fini le réalisme au moment du dénouement. C'est le dénuement, l'éclipse totale au moment du bouquet final. Pétard mouillé et sortez les bougies. On passe d'une approche quasi documentaire et chirurgicale à un effet de manche un peu grossier pour connecter la décision du juge à sa vie personnelle. Pour servir son discours sur sa vision de la justice, l'auteure quitte le domaine du rationnel et oriente son récit autour d'une coïncidence tragique à laquelle je n'ai pas cru une minute. le roman sombre dans la caricature de personnages moins vrais que nature. le mari, juif, qui a un retour de foi tardif, une fille idéaliste dont le compagnon s'appelle Ali, ce qui ne ravit pas beau-papa, l'avocat, qui est un écorché vif qui a honte de ses gènes de grand bourgeois, et Alma qui ne sait pas si elle doit se sentir coupable mais pas responsable, responsable mais pas coupable, ou les deux.
Ce passage du réalisme à une fiction aussi crédible que la probabilité d'acheter le ticket gagnant à l'euro-million sans jouer, ne m'a pas du tout convaincu. J'ai ressenti comme un choc thermique. Bain glacé par temps de canicule.
Dommage, ce roman méritait un meilleur générique de fin. Il a eu le mérite de ne pas me laisser indifférent.
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Après avoir été récompensée par le prix Goncourt des lycéens pour « Les Choses humaines », qui invitait à réfléchir sur le mouvement #MeToo et sur l'ambiguïté de cette frontière à ne pas franchir, Karine Tuil s'intéresse à la menace du terrorisme islamique.

Pour ce faire, l'autrice nous plonge dans la peau d'une juge d'instruction du pôle antiterroriste, un an après les attentats du Bataclan. Outre un mariage qui bat de l'aile, la magistrate Alma Revel, doit également se prononcer sur une affaire particulièrement délicate: le dossier Abdeljalil Kacem. Doit-elle remettre en liberté ce jeune musulman qui avait rejoint la Syrie avec sa femme enceinte et qui affirme s'être fait berné par la propagande de l'Etat islamique et vouloir dorénavant seulement vivre en paix avec sa femme et son fils ?

Les deux décisions que l'héroïne de Karine Tuil doit prendre, l'une privée, l'autre professionnelle, ne sont pas évidentes et pourraient bien faire des sérieux dommages collatéraux. Quel sera l'impact sur ses trois enfants si elle décide de quitter son mari et surtout, quel risque fait-elle courir aux citoyens français si jamais elle libère Abdeljalil Kacem ? le risque zéro existe-t-il… et si oui, à quel prix ?

En alternant le quotidien harassant de cette juge d'instruction avec des retranscriptions d'interrogatoires du prévenu, l'autrice invite intelligemment le lecteur à se faire sa propre idée, tout en l'invitant à se rendre compte de la difficulté du choix qui s'offre à lui.

Si cette plongée dans les coulisses de la justice antiterroriste s'avère très documentée et particulièrement didactique, elle est malheureusement servie par un ton journalistique légèrement trop distant, qui freine l'empathie envers les personnages, privilégiant une narration qui lève certes le voile sur le fonctionnement de l'instruction, mais qui oublie de venir cueillir nos émotions… malgré une conclusion plus humaine, qui tente de corriger le tir.
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Alma Revel est juge antiterroriste. En cette année 2016, elle doit prendre deux décisions majeures : l'une quant au sort d'un jeune homme suspecté d'avoir rejoint l'État islamique en Syrie ; l'autre pour sortir du conflit d'intérêt auquel l'expose sa liaison avec l'avocat de la défense.


Endossant le « je », Karine Tuil se glisse – et nous aussi, par la même occasion – dans la tête de la coordinatrice du pôle antiterroriste de Paris. Cette femme, campée de façon très humaine dans le contexte compliqué de sa vie privée et sentimentale qui nous la rend particulièrement proche dans ses doutes et ses déchirements, est face à un choix cornélien : maintenir un jeune en détention, sur la seule base de suspicions après son séjour en Syrie, ou prendre le risque de libérer un terroriste en puissance. Autrement dit, juger ce garçon pour la crainte qu'il inspire, ou strictement pour ce qu'il a fait.


Directement confronté à ce bien délicat cas de conscience, le lecteur, frappé d'un effroi mêlé d'admiration et de respect, découvre l'éprouvant quotidien des juges du « terro », amenés à prendre des décisions écrasantes de conséquences, sous la pression politique et médiatique, mais aussi sous les menaces qui les contraignent à vivre sous protection constante. Karine Tuil a mené une enquête minutieuse pour nous faire toucher du doigt les réalités de cette profession méconnue, exigeante et dangereuse, n'occultant rien de la violence et de la haine auxquelles elle se retrouve confrontée, et explicitant les différents points de vue adoptés par les uns ou les autres selon leurs convictions et sensibilités.


L'écriture est remarquable, et le récit, captivant, ne laissera personne indifférent. Peu importe si l'intrigue construit son paroxysme sur un jeu de circonstances peut-être improbable, elle excelle à embrasser toute la complexité de son sujet, à nous plonger dans un questionnement dérangeant, à remuer nos consciences et à interroger nos valeurs profondes. Un livre brillant.

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Roman courageux, sincère et déstabilisant, « La Décision » s'inscrit dans la lignée de « Soumission », l'anticipation de Michel Houellebecq, en dénonçant l'offensive menée par les islamistes contre la civilisation.

Courageux, ce roman alterne les compte rendus d'auditions judiciaires et les observations des magistrats du pôle antiterroriste , nous partageons leurs convictions, leurs valeurs, leurs doutes et nous subissons les agressions verbales (voire physiques) endurées. Karine Tuil détaille la menace mortelle du fondamentalisme islamique et ses plans de conquête mondiale. Elle rappelle les liens de complicité avec les trafiquants de drogue et d'armes.

Sincère, la rédactrice écrit JE, et le juge Alma Revel devient ainsi un alias de Karine Tuil puis au fil des pages un double du lecteur. Ce qui nous amène, en notre for interne, à nous poser finalement la question : quelle serait MA décision ? dois je mettre en liberté conditionnelle Abdeljalil Kacem, franco algérien parti rejoindre les réseaux de l'Etat Islamique ou dois je le maintenir en détention en risquant d'accroitre les risques de contamination ?

Déstabilisant, Karine Tuil met le doigt où ça fait mal, très mal. Ainsi ce propos effarant de la fille du juge, brillante future cadre de la nation, revendiquant haut et fort son appartenance à la gauche progressiste, lors d'un examen :
« — Si un jour vous travaillez au sein d'un cabinet ministériel et qu'on vous demande de faire une chose à laquelle vous êtes foncièrement opposée, vous faites quoi ?
Elle a eu un moment d'hésitation, puis elle a dit :
— On est une démocratie, c'est le peuple qui décide, le ministre a une légitimité populaire, moi J'apporte seulement mon expertise technique donc J'exécute. »

Propos entendu lors des procès de la Libération dans la bouche de tous les miliciens et des membres de la Gestapo … Mais logique quand l'éducation nationale privilégie aujourd'hui l'éducation sexuelle à l'étude d'Antigone. Hélas.

Dérangeant également l'eugénisme de la famille Forest, dynastie républicaine installée au sommet du pouvoir, qui efface un enfant handicapé pour ne pas « salir » son image de « race supérieure ».

Comment défendre notre civilisation héritière de Jérusalem, Athènes et Rome contre la barbarie islamique si le respect des droits de l'homme n'est pas le socle du droit ?

La tragédie se déroule en trois actes :
1) L'enquête n'ayant découvert aucune preuve irréfutable de la culpabilité du prévenu, « la décision » est prise ; nous sortons de « la zone de sécurité » en page 220
2) « La rage et la violence » nous prennent à la gorge dans un déchainement de haine et de violence en 80 pages ; « Dans le cadre de mes fonctions de juge antiterroriste, j'ai pris une décision qui m'a semblé juste mais qui a eu des conséquences dramatiques. Pour moi, ma famille. Pour mon pays. »
3) « La manifestation de la vérité » bâcle en dix pages une conclusion « feel good » que Françoise Bourdin aurait pu écrire (en mieux sans aucun doute) et que le lecteur pourra éviter à mon humble avis car cette fin improbable achève en farce ce qui est et reste une tragédie que j'ai, par ailleurs, beaucoup appréciée. J'observe d'ailleurs que « Les choses humaines » ont également une conclusion navrante.

Oublions le dernier chapitre et reconnaissons que « La décision » est incontestablement l'un des meilleurs romans 2022 et que Karine Tuil rejoint ainsi Salman Rushdie et Michel Houellebecq en première ligne des lanceurs d'alerte qui dénoncent l'obscurantisme et la barbarie islamique.

Un livre à diffuser largement donc.
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Un peu déçue je dois l'avouer, alors que le sujet était très intéressant : la vie d'Alma Revel, juge anti-terroriste.
À travers l'histoire de l'arrestation à son retour en France d'un jeune couple parti en Syrie, le lecteur apprend beaucoup de choses sur les procédures, le quotidien des juges, les techniques de négociation avec les terroristes, ...
Le traitement m'a moins emballé : le ton est sans empathie, fortement journalistique. Il m'a manqué de l'émotion, je suis restée très à distance, et je ne me suis pas attachée aux personnages.
Les interrogatoires s'ils sont intéressants au début, ont fini par me lasser, il y a beaucoup de redites. La fin ne m'a pas convaincue non plus ; j'ai retrouvé un travers du livre L'embuscade d'Émilie Guillaumin, avec un rebondissement qui ne m'a pas paru crédible, d'autant que j'ai trouvé qu'il n'apportait rien à l'histoire, si ce n'est d'essayer de fournir la dose d'émotion qui manque tant… Mais l'objectif n'a pas été atteint en ce qui me concerne, et a plutôt eu l'effet de m'agacer tant la ficelle était grosse.
J'ai également trouvé les trois derniers chapitres superflus, j'aurais préféré que le livre s'arrête page 284. le chapitre 16 fait penser à un clin d'oeil à l'Anomalie, je n'ai pas compris ce que ça venait faire là. le dernier chapitre clôt le livre sur une fin un peu mièvre à mon goût, dissonante …
Un livre enrichissant sur le fond, mais qui ne m'a pas convaincue par sa forme. Je lirai plus tard Les choses humaines de cette auteure, qui a suscité beaucoup d'enthousiasme, j'espère être plus séduite la prochaine fois.
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Alma Revel est juge d'instruction antiterroriste depuis 2009. Outre les dossiers dont elle a la charge, elle est également amenée à effectuer plusieurs missions dans des zones de conflit minées par le jihadisme. Sa vie est pour le moins stressante et dure. Mariée depuis 25 ans à Ezra Halevi, écrivain dont seul le premier roman aura connu un certain succès, et mère de trois enfants, elle n'est pas heureuse dans son ménage. Si elle est lasse de son couple, elle pensait néanmoins pouvoir résister à la tentation d'aller voir ailleurs. Mais quand elle rencontre Emmanuel, un avocat, elle éprouve d'emblée une intimité profonde avec lui. Si rien n'interdit en soi une relation amicale, voire amoureuse entre un juge et un avocat, il est toutefois préférable de s'abstenir. Surtout quand les deux parties ont un dossier en commun : un certain Abdeljalil Kacem, un français tout juste revenu d'un séjour en Syrie avec sa femme et son enfant dont l'avocat n'est autre qu'Emmanuel...

En tant que juge d'instruction, Alma doit prendre une décision ô combien importante : maintenir en détention ce mis en examen ou le libérer. Doit-elle le croire sur parole lorsqu'il affirme s'être fait avoir ? Doit-elle lui laisser une seconde chance dans la vie au vu de son jeune âge et de sa situation familiale ? Et ne risque-t-elle pas d'être influencée en ayant une liaison avec l'avocat de ce dernier ? Avec beaucoup de force et d'intensité et de sa plume acérée et documentée, Karine Tuil donne à ressentir, à frémir, à douter, à aimer, tant elle dépeint avec précision et au plus près les sentiments, les émois et les émotions d'Alma, aussi bien professionnels que conjugaux. D'autant que les thèmes traités (terrorisme, attentats) sont ô combien anxiogènes. En alternant avec habileté le quotidien de son héroïne (son mariage qui se délite, sa liaison passionnelle avec Emmanuel) avec les interrogatoires menés auprès du mis en examen, elle nous plonge dans une atmosphère tour à tour tendue, parfois angoissante, ou oppressante. le portrait bouleversant et saisissant d'une femme, à la fois forte et fragilisée, en proie à de nombreux dilemmes...
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La juge, la mère, l'amante

En suivant une juge antiterroriste dans son quotidien, Karine Tuil continue de sonder comme personne notre société. Un drame à la tension croissante, un roman exceptionnel.

Alma Revel est juge d'instruction antiterroriste. Dès le chapitre initial, où elle doit prendre la décision de visionner ou non les images enregistrées par la caméra que portait un terroriste sur son torse au moment où il est passé à l'acte, on comprend la violence qui accompagne son quotidien. Des images insoutenables, un fanatisme irraisonnable, un radicalisme incompréhensible.
À 49 ans, cette mère de trois enfants en instance de divorce a pourtant déjà beaucoup donné. Déjà près d'un quart de siècle à traiter des affaires criminelles sordides, d'abord comme juge d'instruction puis depuis 2009 au sein de la cellule antiterroriste. Elle aura vu passer les attentats de 2012 et de 2015 et, après Charlie Hebdo, aura été secondée par François Vasseur. Un binôme, elle de gauche et lui de droite, qui fonctionne plutôt bien, comme le constate Éric Macri, le magistrat en charge de ce nouveau dossier très chaud. Car le terroriste a cette fois été appréhendé.
En intégrant des transcriptions d'écoutes téléphoniques et d'interrogatoires dans le récit, la romancière nous convie de suivre pas à pas l'instruction menée, afin de tenter de faire la lumière dans des dossiers qui s'accumulent. Entre le couple parti en Syrie en rêvant de pouvoir vivre pleinement son islam et qui ne va pas tarder à déchanter et le radicalisé qui épouse aveuglément la doctrine d'un état islamique assoiffé de sang, elle va devoir trier. «On passe des heures avec les mis en examen, pendant des années, des heures compliquées au cours desquelles on manipule une matière noire, dure. À la fin de mon instruction, je dois déterminer si j'ai suffisamment de charges pour que ces individus soient jugés par d'autres. C'est une torture mentale: est-ce que je prends la bonne décision? Et qu'est-ce qu'une bonne décision? Bonne pour qui? le mis en examen? La société? Ma conscience?»
Face à cette tension psychologique, à l'éloignement de ses enfants, à l'incompréhension d'un mari aigri, aux menaces de mort, l'amour va finir par s'inviter dans sa vie. Après une confrontation très éprouvante, Alma va s'effondrer dans le parking et va être relevée par un avocat. Emmanuel trouve les mots et le geste qui l'apaisent. La liaison qui suit est comme une soupape de sécurité. Jouir pour tenir. Un exercice périlleux, car la tension va encore monter d'un cran, rendant ce mélange des genres explosif.
Karine Tuil réussit une fois encore un roman fort, ancré dans l'actualité. Après Les choses humaines qui traitait du viol et de son traitement judiciaire, elle s'est cette fois rapproché des juges d'instruction du pôle antiterroriste, des avocats, des magistrats de la cour d'assises et des enquêteurs de la DGSI pour construire ce drame puissant et bouleversant. Servi par une écriture précise, au plus près de la psychologie de ses personnages, ce douzième roman est sans doute l'un de ses meilleurs.


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Prendre une décision est incontournable tout au long de notre existence. Des plus anodines aux plus risquées, pour nous même ou pour le groupe que nous représentons, elles modèlent les contours de nos destins et construisent nos personnalités. Et bien évidemment, ce pourquoi nous allons opter, est le résultat de processus inconscients, de guides internes qui se sont eux-mêmes construits avec nos expériences passées, avec notre conditionnement éducatif et les multiples influences subies sans même en être conscients. Que ce soit le choix de notre tenue vestimentaire le matin ou la libération conditionnelle d'un couple récemment rentré de Syrie, le processus est le même. Ce sont les conséquences qui diffèrent.

C'est pourquoi la question posée par la première moitié du roman de Karine Tuil me semble un peu superflue. Il est évident que sa décision, comme toute décision, est subjective, et qu'une autre situation personnelle aurait pu entrainer une autre décision.

Quant à la deuxième partie, que je ne peux dévoiler, le concours de circonstances est tout de même sacrément tiré par les cheveux. Certes la réalité dépasse parfois la fiction mais pour écrire une bonne fiction, il faut être attentif à ne pas exagérer la réalité !

C'est donc une lecture en demi-teinte, pour cette autrice lue pour la première fois, et dont le style assez factuel m'a peu émue.
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