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Critique de michfred


Vous reprendrez bien un peu de rentrée littéraire?

 Après un Jean-Paul Dubois décevant, voici le dernier Tuil - eh!je n'ai pas dit la dernière Tuil, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit!

Karine Tuil, je dois dire, je n'aime guère:  toujours dans l'air du temps, à surfer sur les vagues à la mode, un grand sens de la caricature et peu de profondeur, simplifiant les personnages à grands traits, avançant à grands pas, sociologue  efficace, déguisée en romancière, qui sait qu'elle va faire mouche-et qu'elle va vendre- parce qu'elle va nous parler de ce qui nous harcèle,  nous obsède, de ce qui nous rebat les oreilles aussi...

Mais ce livre-là,  on m'en avait dit tant de bien...J'ai retenté l'expérience.

Va pour Les choses humaines, comme dans la chanson.. .

Je l'ai lu, je l'ai même dévoré,  en un jour.
Succès? Surprise? Réconciliation?

Je l'ai laissé tiédir un peu : trop chaud- bouillant. J'avais envie de voir ce qui restait des Choses humaines, justement. À froid.

Eh bien, je pourrais reprendre mon troisième paragraphe mot pour mot: Les Choses Humaines est un produit marketing parfait. Il sera lu, apprécié, il fera réfléchir, discuter. Mais ce n'est pas un roman. Il y manque le style, la chair, l'invention. Il y manque l'art.

Les quatre personnages principaux sont brossés à grands traits, ce sont des types socio-psy' - le self made man, vieille star télévisuelle qui n'arrive pas à quitter le plateau, l'intellectuelle écartelée entre principes et réalité, le fils à papa voué à la réussite sous peine d'inexistence,   la fille timide, traumatisée, coincée entre tradition et émancipation- des "caractères" comme ceux de la Bruyère mais  au temps des empires médiatiques,  de Twitter et de Facebook,  ce sont aussi des silhouettes piquées  à l'actualité récente -l'affaire DSK, l'affaire Weinstein, #balance ton porc - ou à des couples médiatiques célèbres , PPDA /CHAZAL, JJSS /GIROUD.

Karine Tuil, en abeille diligente,  butine à toutes les fleurs, et en fait son miel.

Le bonbon plait. Même si les ficelles sont un peu grosses. Même si c'est le Bûcher des Vanités à l'heure de Me#Too...en version française et en beaucoup moins fouillé,  beaucoup plus sensationaliste et beaucoup moins époustouflant que l'incroyable livre de Tom Wolfe où un simple accrochage déclenche un tsunami social .

Les personnages une fois campés,  l'intrigue déroule sa mécanique inexorable: on l'avait compris, ces quatre-là mis dans le même bocal doivent déclencher une catastrophe.  Un vrai cas d'école. Jusqu'ici, rien que du très attendu ou du déjà vu.
.
Il s'agit d'un viol. Ou pas.  D'un consentement. Tacite. Ou d'un refus. Muet. On est dans cette fameuse "zone grise" qui fait le bonheur des intrigues judiciaires et des versions contradictoires.

 Et c'est dans la seconde partie, toute entière consacrée à l'enquête de police, aux dépositions, confrontations, puis au procès qu'enfin Karine Tuil excelle.

 Pas une ligne de gras, rien que du factuel, des questions, des réponses,  des plaidoiries, des témoignages, un verdict. Et pas le moindre commentaire, la plus timide prise de position. Au lecteur de juger. Il a toutes les cartes, toutes les pièces en main. C'est un grand garçon, ou une grande fille. Qu'il/elle ( je reprends ce tic d'écriture que Karine Tuil a heureusement perdu depuis L'invention de nos vies!), qu'il/elle donc se débrouille..

La rentrée littéraire, n'en déplaise à Babelio qui en fait ses choux gras, n'est pas la meilleure opportunité  pour aborder un livre - trop de battage, trop d'avis, trop d'enjeux -,   ni pour retrouver un auteur qu'on aime ( j'ai été déçue par le dernier livre de mon cher Jean-Paul Dubois! ),  ni pour découvrir le talent d'un auteur vraiment inconnu, ni pour réhabiliter un auteur mésestimé.

Ce livre de Karine Tuil avait tout pour me déplaire, (auteur, sujet, style)  et pourtant je l'ai lu toutes affaires cessantes, sans pouvoir m'en détacher.

Je reste convaincue que c'est un habile produit marketing, mais la dernière partie m'a bluffée et sauve le livre de son habileté marchande. Dommage qu'il faille en passer par tant de clichés pour atteindre cette verité-là.

Traquées,  quadrillées,  cernées par la machine judiciaire, elles sont bien floues et incertaines, Les choses humaines..
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