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sur 4576 notes
Jean et Claire Farel forment un couple parfait, aux carrières bien construites, au quotidien sans surprise, à l'avenir prometteur. Jean est journaliste politique. Il a de l'ancienneté dans le métier. Ses preuves ne sont plus à faire. C'est un proche du Président. Claire est franco-américaine. Après de brillantes études, elle est devenue essayiste et féministe. le couple vit à Paris avec leur fils, Alexandre.

Alexandre a vingt ans. Il est promis à un brillant avenir. Il excelle dans tous les domaines. Grâce à cela, il peut étudier en Californie, dans la prestigieuse université de Stanford. Son futur, il l'imagine à la tête d'une grande entreprise américaine. Alexandre ne doute pas de ses compétences, de sa chance. Il est ambitieux et sûr de lui.

Les Farel sont sans histoires et représentent la réussite sous toutes ses formes.

Mais une ombre se profile. Une plainte pour viol met à néant cet avenir si bien préparé. C'est alors l'engrenage judiciaire et médiatique d'une famille que rien ne pouvait atteindre.
C'est le temps des interrogations, des remises en questions, et surtout de l'importance des relations humaines.

"Les choses humaines" est lauréat du Prix Goncourt des lycéens 2019. C'est une lecture qui ne m'a pas laissé indifférente, un roman qui m'a beaucoup questionné. A partir d'une affaire de viol, Karine Tuil interroge le lecteur sur les rapports humains et leurs impacts.

Ce livre se trouvait dans ma pile à lire depuis un certain temps. Je ne trouvais pas le moment de me plonger dans cet univers judiciaire que je connais bien. Mais ces derniers jours, des circonstances personnelles m'ont poussées vers cette lecture que j'ai pioché dans ma bibliothèque, et aussitôt ouvert, aussitôt lu. Quelle plume ! J'ai été happée dès les premières lignes.

L'histoire est basée sur un fait divers qui s'est passé à l'Université de Stanford en 2016, et qui a fait scandale. Les faits en eux-mêmes sont simples : une famille parfaite, la bonne "caste" de la société parisienne, une plainte pour viol, une descente en enfer. Puis arrive la médiatisation, la garde à vue, les confrontations, l'exposition de sa vie privée en public, même dans les moments les plus intimes, les plaidoiries, et le procès.

"C'est un lourd prix à payer, vingt ans de sa vie pour vingt minutes d'action."

Le plus intéressant dans cette lecture est le questionnement et le message de l'autrice.

"Qui est à l'abri de se retrouver un jour piégé dans un redoutable engrenage ?". Personne. Une famille de pouvoir, de l'argent, du sexe, de la manipulation et pourtant, la justice rattrape tout le monde. Abordant le féminisme, les relations volages, l'argent et les relations de pouvoir, ce livre est absolument prenant.

Et puis, il y a cette question qui revient sans cesse, celle des parents de l'accusé, celle qui interroge sur la culpabilité, la conviction, l'amour, face au regard et au jugement de tous à l'ère du #Metoo, des groupes féministes et de la violence des réseaux sociaux.

Ce livre est une pépite. C'est actuel, c'est fort et instructif. A mettre entre toutes les mains !
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Un livre très actuel sur les rapports hommes-femmes, sur le consentement, sur les scandales, l'adultère, le show-biz... Bref, un melting pot de plein de choses très "tendance", sur fond de reconstitution juridique.
Ce roman m'a profondément agacée, ses protagonistes sont loin de nous, crédibles certes mais franchement on en voit assez comme ça dans les médias, pas besoin d'en rajouter en littérature.
D'autre part, un style et des personnages d'une platitude navrantes m'ont conduite à me demander pourquoi ce roman avait obtenu des prix littéraires...
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*** chronique de la rentrée 2019 # 7 ***
La plume de Karine TUIL trempe dans un bain de vérités lorsqu'elle nous distille les élans, les tensions, les combats et les déchirements qui jalonnent la vie du couple Farel. Différemment mais à hauteur égale, Jean, journaliste de Télévision qui se sait célèbre et veut durer et sa femme Claire, connue pour ses engagements féministes, sont le reflet de ces assoiffés de pouvoir qui occupent les places que tout le monde leur envie tant que ne résonne aucun de ces bruits de casseroles que les médias, la rumeur et, très largement, les réseaux sociaux adorent alimenter, amplifier même au-delà de toute vérité ! C'est notre époque !

L'histoire de ce couple où chacun se donne les moyens de rechercher le pouvoir pourrait n'être qu'un banal exemple de ce qui existe de nos jours. Il est aussi une occasion idéale d'observer le bouleversement du jugement consensuel des personnes lorsque l'apparence, souvent courtisée, du quotidien vient se fracasser sur le rocher d'une accusation de viol qui, pour ce couple, balance sans nuance leur fils Alexandre du côté des porcs.

Assurément Karine TUIL possède toute la finesse du métier pour styliser ces soifs de pouvoir, ses conquêtes territoriales de zone d'influence, ces travers et perditions qui stagnent au fond des âmes sujettes aux lois de l'apparence, de la chosification des êtres et de la domination de l'idéologie du jetable, surtout peut-être dans le domaine des relations dites pourtant encore humaines.

Avec son roman « Les choses humaines », l'autrice réussit son pari de nous prendre dans les filets d'une actualité scandaleuse que les lecteurs vont suivre avec la passion accordée aux potins, rumeurs, fausses vérités et assertions bancales qui font les choux gras des médias de bas-étages, des zincs où défendre son point de vue coûte moins cher que le ballon de rouge ou le kawa qu'on s'y enfile. Et pour élargir le débat, on utilisera, sans retenue, toutes les messageries de la Toile qui font enfin se tenir debout tous les tweeters à grandes gueules qui auraient encore bien des choses à dire et révéler ! On suit, on débat, on commente. On en ajoute, on préjuge et condamne. La mesquine finalité étant d'enfin pouvoir se sentir supérieur aux modèles qui nous ont trop fait rêver sans qu'on ne puisse être de leur monde.

Mais avec ce même roman, c'est aussi, autre domaine d'excellence de Karine TUIL, l'occasion de proposer aux lecteurs le partage d'un regard lucide sur les faiblesses de notre Temps. A la vitesse où nous vivons, sommes-nous encore capables de discerner l'important de l'artifice ? Un enfant peut-il exister et être considérer pour lui-même avant qu'il ne devienne un problème, une tache sur l'image que revendique d'eux-mêmes les parents ? Et quel est le rôle de l'appareil judiciaire, rendre la dignité à l'humain bafoué ou accoucher d'une présentation, même fausse de la situation qui sauvera la mise à celui qui aura eu les moyens de s'offrir l'avocat le plus subtil, le plus retord ou simplement le plus habile sans recherche fondamentale de la vérité ? La Justice est-elle rendue quand on a simplement obtenu une vérité judiciaire qui permet de fixer les condamnations et indemnités à faire changer de mains ?

Les choses humaines est un roman qui se laisse lire très aisément. le lecteur apprécie les mises en situations parfois cyniques mais ‘tellement justes'! Il ne peut que se nourrir, avec bonheur, de la capacité de l'autrice à faire surgir la complexité de la vie à partir des mots simples, colorés et pertinents qu'elle emprunte à notre belle langue…

Ne boudons pas notre plaisir. Mais, ne passons pas à côté non plus d'un essentiel. Si la toute première phrase du roman est vraie : « La déflagration extrême, la combustion définitive, c'était le sexe, rien d'autre – fin de la mystification… », si le moteur de notre société ne tourne qu'à cela, alors ce livre est à recevoir comme une interrogation profonde sur la trajectoire acceptée, assumée par le plus grand nombre. N'y a-t-il pas d'autres voies à prendre, d'autres voix pour élever le débat sur ce qui caractérise la chose humaine ? N'y aurait-il pas comme une urgence à instaurer un autre climat relationnel autour de nous ?

Karine TUIL, sans conteste, une plume à suivre !
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Lors de la sortie de ce roman, j'étais allée à une rencontre avec l'autrice et j'avais été assez partagée au sujet de ce livre que je n'avais pas encore lu, me demandant si le point de vue abordé était pertinent et ne risquait pas de renforcer la culture du viol. J'ai toutefois voulu le découvrir et, en voyant le livre audio à la bibliothèque, je n'ai pas hésité longtemps !

Dans cet ouvrage, nous allons suivre la famille Farel : Jean, célèbre journaliste français en déclin qui n'accepte pas de vieillir, et sa femme Claire, essayiste connue pour ses engagements féministes. Depuis longtemps, ces deux personnes ne forment plus un couple mais continue à donner le change face aux médias quand il le faut. Leur fils Alexandre est très ambitieux et étudie aux États-Unis. Souvent délaissé par ses parents, il a appris à faire avec, ou plutôt sans. Claire vient d'emménager avec un homme et la fille de ce dernier, Mila, va accepter d'aller en soirée avec Alexandre. C'est là que tout bascule. Mila va accuser Alexandre de viol et va porter plainte contre lui.

Ce livre raconte ce qui se passe après un viol, mais de façon assez surprenante (quoique... nous sommes désormais habitué·es à ces récits) puisqu'on suit le point de vue du présumé violeur. L'autrice nous raconte comment sa vie vole en éclats, ainsi que celle de sa famille assez célèbre. le jeune homme ne peut plus retourner aux États-Unis pour poursuivre ses études à Stanford et les médias s'empareront de l'affaire.

Et de l'autre côté, de celui de la victime ? Eh bien, nous ne l'entendons quasiment pas. Les rares fois où nous l'entendons parler, c'est au moment du procès. Elle pleure plus qu'elle ne parle. À aucun moment, en dehors du procès, nous ne suivons ce personnage et ses tourments suite à cette agression. Je déplore le point de vue adopté. Même si je sais que c'était une volonté de la part de Karine Tuil d'expliquer comment l'accusé voyait les choses, je ne suis pas certaine qu'il soit pertinent de permettre - une fois encore - aux lecteur·rices d'éprouver de la compassion sur ce que vit le présumé violeur. Et l'empathie pour la victime ?

J'ai été particulièrement dérangée par la présentation des faits, la zone grise (autant être claire : la zone grise, ce "flou" dans le consentement, est en réalité pour moi une excuse de la part des agresseurs pour justifier leurs actes). de plus, Mila est un personnage qui a une vie compliquée, qui a raté son bac après avoir été traumatisée d'avoir vécu un attentat dans une école juive.

Je ne crois pas que le but de l'autrice était de justifier le viol ou de susciter de l'empathie envers les agresseurs, mais je crains malgré tout que d'adopter un tel angle - une nouvelle fois - ne soit pas pertinent.

Malgré tout, il y avait des passages très intéressants, notamment les fois où entendons Mila parler : l'autrice précise ainsi, l'air de rien, qu'une victime n'a rien à gagner (ni argent, ni succès) en portant plainte.

Elle amène aussi une réflexion sur la situation des femmes, à travers différentes générations : Mila, Claire et Françoise. Elle parle de la vieillesse et du fait de vieillir et c'était plutôt réussi !

Malgré une thématique un peu risquée, l'autrice est parvenue à maitriser le récit suffisamment pour que les lecteur·rices gardent en tête la gravité des faits reprochés : une accusation de viol. Toutefois, je suis assez mitigée sur ce roman, étant donné le point de vue adopté. Il y a quelques passages qui m'ont plu et qui m'ont semblé pertinents, mais j'ai également ressenti un malaise à la lecture de cet ouvrage.
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Jean Farel est un célèbre journaliste politique, parti de rien, qui anime une émission de télévision depuis 30 ans et s'y accroche, il va recevoir la Légion d'honneur des mains du Président de la République.
Sa femme Claire, beaucoup plus jeune que lui, est une essayiste féministe reconnue. Ils sont en train de se séparer et elle a une liaison avec un professeur de français juif orthodoxe, tandis que Jean de son côté a une maîtresse depuis des années ainsi que de nombreuses aventures.
Leur fils Alexandre est un brillant étudiant qui a fait Polytechnique et Stanford, mais qui a également des problèmes affectifs puisqu'il a tenté de se suicider. Ses parents sont fiers de lui, mais ne s'en occupent pas beaucoup.
Leur monde va s'écrouler quand Alexandre est accusé de viol par la fille du nouveau compagnon de sa mère.

Les choses humaines est un roman passionnant que j'ai lu quasiment d'une traite et qui figurera parmi mes lectures marquantes de l'année.
On nage en pleine actualité, avec une description du monde des médias et de la politique sans concessions.
Les personnages, bien qu'un peu stéréotypés, sont parfaitement décrits et font forcément penser à des personnages réels tant ce livre nous plonge dans l'actualité. Après les avoir présentés, l'auteur les place face à leurs contradictions avec le drame qui les frappe.
De ce point de vue, le roman est très bien construit et très efficace.
La partie consacrée au procès est également excellente, avec des plaidoiries bien écrites et une analyse très fine du système judiciaire d'une part, et de la question du consentement d'autre part.
On pourrait faire la fine bouche en disant que ce roman tombe un peu dans la facilité en surfant sur l'actualité, mais pour moi Karine Tuil a évité cet écueil en traitant son sujet avec une grande intelligence.
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Turbulences pour une famille aux parents renommés dans leurs professions de journalistes/éditorialistes, quand leur fils, jeune et brillant étudiant, est accusé de viol sur une jeune fille juive.

Manifestement l'auteure tenait à évoquer l'actualité contemporaine de notre société, surfant sur la légitimité de la vague #MeToo, comme sur ses dérives possibles. En prenant une position neutre, elle évoque les rapports hommes/femmes dans les sphères privée et professionnelle, la dictature de l'image et des réseaux sociaux, le bulldozer médiatique.

Par cette fiction judiciaire de viol, Karine Tuil donne un éclairage particulier aux intervenants (prévenu, victime, familles). le récit cristallise la violence faite aux femmes, l'impact dévastateur du rythme temporel de l'appareil judiciaire, ainsi que le fantôme associé d'un tribunal médiatique incontrôlable.

Un roman inspiré d'une « affaire » américaine en 2016, et qui montre la difficulté d'éviter de faire un procès à charge « femme contre homme » quand les débats se situent sur la parole de deux vérités opposées.

La chute est savoureuse, après ce combat judiciaire axé sur les ressentis, sans la vérité précise des faits. le bonheur des contacts sexuels passerait donc par le virtuel aseptisé et préprogrammé sur application...

Pas étonnant que ce livre ait été retenu par les Lycéens pour en faire leur Goncourt. On y trouve matière à débats et valeurs éducatives pour jeunes adultes.
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Cela fait longtemps que je lis Karine Tuil et avec plaisir en plus. Ses deux précédents romans, en particulier le dernier, L'insouciance m'avaient emballée avec leur toute nouvelle puissance narrative ancrée dans le siècle et ses maux. Elle avait réussi un récit à la densité impressionnante qui puisait bien sûr dans l'actualité et l'observation de la société dans toute la spirale ascendante de sa violence. Un récit qui vous happait et ne vous lâchait qu'à la dernière ligne, rincé, épuisé mais heureux. Trois ans après, je suis rincée mais cette fois c'est plutôt la douche froide. Une déception à la hauteur de mes attentes ou plutôt de mon envie de renouer avec l'expérience précédente. Ici, ça ne marche pas ou plutôt, ça ne marche qu'à moitié.

On a déjà beaucoup parlé de ce livre ou plutôt de son thème puisqu'il est particulièrement d'actualité : le consentement. Karine Tuil explique s'être inspirée d'un fait divers récent aux États-Unis où un étudiant de Stanford (milieu aisé, fac d'élite, sportif, promis au plus bel avenir...) avait été accusé de viol par une jeune fille. Une affaire qui avait mis en lumière ce que l'on a coutume d'appeler "la zone grise" où se confrontent les différences de perception de deux êtres humains ; il pensait qu'elle était d'accord car elle ne disait pas le contraire, elle était pétrifiée de peur et était persuadée que ne rien dire était le moyen le plus sûr de s'en sortir vivante ou le moins mal possible. L'écrivaine s'inspire donc de cet événement qui l'a marquée, le transpose en France et met en place les personnages qui lui permettront de dérouler sa démonstration. D'un côté, la famille Farel, très médiatique, évoluant dans un milieu intellectuel très en vue. Jean Farel est un journaliste présentateur TV vedette de sa chaîne, qui fait ou défait une image d'homme politique grâce à ses interviews pleines de punch. Sa femme Claire est une essayiste à succès, plus jeune que lui. Ils ont un fils brillant, Alexandre qui poursuit ses études aux Etats-Unis. le couple ressemble désormais plus à une association efficace qu'à deux amoureux transis et Claire s'éprend d'Adam Wizman professeur dans une école juive où elle participait à une rencontre littéraire. Je vous passe les détails des séparations des deux couples (en même temps, c'est très rapide dans le livre) pour en arriver au noeud de l'histoire. Alexandre Farel, en vacances à Paris est accusé de viol par Mila, la fille aînée d'Adam. Éclatement du nouveau couple, opposition entre les membres de classes sociales très différentes (il se trouve que la mère de Mila vit selon les valeurs juives traditionalistes) et parole contre parole.

C'est compliqué, la littérature. La bonne alchimie qui permet de transformer quelques ingrédients factuels en un roman de bonne facture. le parfait assaisonnement qui permet de transcender des faits et un contexte pour composer quelque chose qui a du souffle et surtout une petite musique qui différencie le roman du simple récit. Ce que Karine Tuil avait déjà brillamment réussi à faire. La première partie est atroce. On a l'impression d'un empilement de faits pour brosser au plus vite le portrait des protagonistes. Résultat : on reste complètement en surface, on reconnait très vite les modèles qui ont pu inspirer l'auteure (des images, rien que des images), on a l'impression d'avoir des biographies résumées vite fait. Ça s'arrange un peu dans la deuxième avec une tentative pour explorer un peu plus les sentiments des uns et des autres mais, ils ont été traités de façon si superficielle en amont que la pente est difficile à remonter. Seule la dernière partie sauve le roman. Celle du procès qui donne à voir de façon très détaillée et intelligente ce qui se joue au niveau de cette "zone grise", ce qui se juge dans un tribunal et qui n'a rien à voir avec la morale portée par la voix des réseaux sociaux. Mais en attendant, on a bien failli ne pas arriver jusque là.

Je ne peux pas m'empêcher de comparer le travail de Karine Tuil à celui de Vincent Message. Lui aussi, pour Cora dans la spirale s'est inspiré de faits et de témoignages afin de livrer un contexte et des situations plus vrais que nature. Mais, il travaille tellement sa matière que justement, ça devient la sienne. Certes, les thèmes sont totalement différents mais la démarche est assez identique et la comparaison est meurtrière pour Karine Tuil. On a d'un côté un roman fouillé, avec des personnages dont l'épaisseur fait qu'ils vous accompagnent longtemps après que vous ayez refermé le livre et auxquels vous pouvez vous identifier même s'ils n'ont pas grand -chose à voir avec vous. Des personnages qui font corps avec leur environnement et écho à vos sentiments. de l'autre, une sorte de résumé des épisodes précédents, uniquement destiné à en arriver au procès (mais pourquoi, dans ce cas, y consacrer près de 200 pages ?).

Bref, j'ai lu Les choses humaines et j'ai été très très déçue.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Voilà un titre bien choisi: en refermant le livre je n'ai pu qu'apprécier , humain, oui, qu'importent les études, le degré de "civilisation" si j'ose dire, les instincts dits humains prennent souvent le dessus face à la raison.
Alexandre est un jeune homme issu d'une famille célèbre, divorcée,(son père, roi de la télé-politique), à l'aise dans ses études, dans sa vie, promis à un bel avenir; lors d'un passage à Paris , invité à une soirée par des amis , il y emmène la fille de l'ami de sa mère, pas plus heureux l'un que l'autre à cette idée, et à la suite d'une imbécillité de bizutage formulée par l'un des leaders , leur vie va basculer, Cela se termine en cour d'assises.Voilà le mot viol jugé.Comment, pourquoi?la vie de la victime et de son assaillant, tous deux si jeunes va être exposée aux yeux de tous avec des répercussions évidemment sur les parents, mais ça c'est une autre histoire...
Le questionnement de K.Tuil sur ce sujet si brûlant est plein de tact, elle laisse la question des responsabilités ouverte, l'écriture est agréable, claire et fluide comme d'habitude.Avec le roman de M.Pingeot "se taire"qui traite plus d'un autre aspect du même sujet, il me semble que les argumentations présentées par ces deux auteurs suffisent avec intelligence à présenter ce Mal qui a donné lieu sur les réseaux sociaux à un déversoir cathartique de peu de réflexion et à beaucoup d'amalgames, même si cela a pu contribuer à faire changer certains comportements machistes insupportables.
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De consentement il est encore question dans cet ouvrage de Karine Tuil. Je dis encore parce que je venais de terminer celui de Vanessa Springora qui porte ce titre. Sans le présager je suis resté dans le même registre. Où l'on se rend compte que la notion de consentement peut aussi porter à caution.

Mais de manipulation point dans Les choses humaines, puisque le crime, que d'aucun voudrait bien requalifier en délit, se produit lors de la rencontre fortuite de deux parcours de vie. Une soirée entre convives dérape. Un bizutage imbécile, comme souvent, et deux vies qui basculent. Ce que le père de l'accusé appellera fort maladroitement « vingt minutes d'action ». Ce que l'avocat de la plaignante requalifiera en « vingt minutes pour saccager une vie ». Y'a-t-il eu viol ou relation consentie ?

Notre société moderne a tendance à niveler la gravité des actes. L'inconséquence prévaut désormais. Les violences physique et sexuelle sont en libre-service sur tous les supports médiatiques, officiels ou sous le manteau. Dans le monde virtuel qui s'impose désormais les esprits s'accoutument à ce que violenter soit anodin. le danger est dans le franchissement de cette frontière immatérielle qui ouvre sur la réalité, en particulier lorsqu'il est favorisé par le recours aux psychotropes. Aussi lorsque dans une soirée où alcool et drogues prennent possession des esprits, se « taper une nana » et rapporter sa culotte en forme de trophée, ce n'est jamais qu'une forfanterie. de toute façon elles savent où elles mettent les pieds.

Pour l'agresseur, elle n'a pas dit non, ne s'est pas enfuie. Elle a donc consenti. Pour la victime c'est l'envers du décor. le choc psychologique a étouffé ses cris et paralysé ses membres.

Dans un système qui privilégie trop souvent la recherche du solvable au détriment du coupable, faudra-t-il désormais se retrouver sur le banc des accusés dans une salle d'audience pour réaliser la portée des actes ?

Je me suis retrouvé dans la salle d'audience pris dans les joutes oratoires superbement transcrites entre partie civile et défense. La restitution est étonnante de réalisme immersif. Karine Tuil veut que la dimension humaine en matière de justice conserve ses prérogatives et ne rien céder ni à la mécanique judiciaire aveugle d'une société sur codifiée, ni au lynchage orchestré par les lâches qui déversent leur fiel sous couvert d'anonymat sur les réseaux sociaux. Elle veut rendre à la conscience humaine son droit régalien de peser le bien et le mal. Pour la victime comme pour l'accusé. Il s'agit de réattribuer des conséquences aux actes en un juste équilibre des responsabilités et ne pas se plier à la loi des intérêts.

Cet ouvrage m'a passionné de bout en bout. Il est remarquablement bien construit, documenté, et écrit. Résolument moderne. L'exposition médiatique conditionnent les comportements. La justice se rend sur les réseaux sociaux où la présomption d'innocence n'existe pas. L'épilogue est logique sans être prévisible. L'épilogue de l'épilogue est plus surprenant. Moins engageant. Mais surement inéluctable.

Je découvre cette autrice qui vient de publier son nouvel opus : La décision. Je sais déjà que je m'y intéresserai. Il y est encore question de la justice des hommes. Une justice que Karine Tuil ne veut décidément pas voir mise en algorithmes. La justice doit rester affaire de conscience humaine et penser à la vie après le jugement.
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Sur un sujet qui sort du bois où il rampait en quête de lumière, le consentement, l'auteur nous emmène sur le rail infernal police-tribunal-prison, avec un vocabulaire de circonstance, très clinique.

Admirons d'abord le tour de force : elle louvoie suffisamment pour empêcher le lecteur de prendre parti pour l'un des protagonistes, on les comprend tour à tour, sans parvenir à se faire une idée définitive. Malgré tout, le personnage et l'entourage de la jeune fille, Mila, sont quand même bien moins développés que celui de son violeur présumé, Alexandre. Probablement parce que l'auteur a voulu nous rendre le personnage du garçon d'emblée plus proche pour éviter qu'on ne prenne naturellement le parti de la victime.

On comprend finalement que 2 perceptions se sont télescopées : celle d'un jeune homme programmé depuis la naissance pour passer au-dessus des autres plutôt que d'être avec eux (« Son monde, c'est celui d'une petite caste qui croit que tout lui est dû, que tout est permis parce que c'est possible »), coutumier des plans cul anodins, d'une part ; et de l'autre, celle d'une jeune fille, qui par contre n'envisageait même pas ce genre de plan, et que l'assurance brutale d'Alexandre, l'alcool et la drogue consommés pendant la soirée ont tétanisée. Pour elle, ce sera peut-être prison intérieure à vie.

Le corps du livre s'illustre dans cette citation de l'avocate Gisèle Halimi, prononcée 40 ans plus tôt, dans un procès similaire : « le viol, comme le racisme, comme le sexisme dont il relève d'ailleurs, est le signe grave d'une pathologie socio-culturelle. La société malade du viol ne peut guérir que si, en ayant fait le diagnostic, elle accepte de remettre radicalement en question les grands rouages de sa machine culturelle et son contenu ».

Au-dessus de cette soirée glauque, rôdent donc les corbeaux du pouvoir, de la domination sociale et de genre, légitimement mis sous les feux de la rampe à l'occasion de procès plus récents. Des rapports d'abus de pouvoir auxquels nul ne peut échapper dans une vie, entre la cour de récréation, les petites hiérarchies artificielles du travail, les conjoints fêlés, les classes sociales qui se construisent en partie sur l'exclusion des autres, presque impossible de ne pas y être confronté à un moment ou un autre. Violences physiques ou symboliques qui détruisent avec une égale efficacité.

Certaines de ces relations sont perfectibles, comme les relations homme-femme, un défi qui se reconfigure sans cesse sous nos yeux, quelle chance. Comment inventer le nouveau tango homme-femme du 21e siècle, harmonisation de l'énergie commune, enfin à portée de main. C'est beau. L'amour se gorgeant de réciprocité et non de relation à sens unique ou de sujétion.

J'ai trouvé les plaidoiries assez percutantes et subtiles, on aimerait tous avoir Maître Célérier pour nous trouver des excuses, même quand on n'en a pas, il a du métier.
Ceci dit, le ton du texte, saturé de froideurs judiciaires, ressassant en boucle le déroulé d'un acte sexuel unilatéral, tout cela est terriblement pesant, même si c'est pour mieux nous faire appréhender les enjeux socio-culturels de cette histoire. Je pense qu'avec l'édito de Ouest-France ou une page de philosophie magazine sur la pause déjeuner, on arrive au même résultat que ce texte, qui n'a pas le souffle d'un grand roman, à mon goût.

C'est la limite ce livre, je trouve, qui nous laisse repartir nus et grelottants, par opposition à un poème ou une chanson mélancolique qui ratissent de l'intérieur nos émotions douloureuses mais nous donnent simultanément les moyens de les métamorphoser en énergie psychique.
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