Avec
Partir en hiver: Inde-Népal, récit (traduit par
Marc de Gouvenain et
Lena Grumbach) Goran Tunström (1930-2000) tente d'écrire un Livre du Dehors, sorte de journal comme il l'explique, qui traduirait les observations, les impressions du moment comme les miroirs d'une époque avec ses bruits et ses conversations.
Ainsi un automne de la fin des années 70, alors qu'il se trouve sur l'île de Koster en Suède dans sa résidence secondaire, son génie créatif en mode pause, il ressent le besoin de se ressourcer: l'entreprise d'un nouveau voyage lui semble être le moment venu.
Il décide alors de partir pour l'Inde avec sa compagne, Lena Cronqvist et leur fils Linus, âgé de huit ans.
Traversant d'abord le Penjab (le pays des cinq fleuves) à vélo, ils y rencontrent un personnage qui leur ouvrira les portes de l'Inde: Harkisan Surjeet SINGH, vice-président de la Confédération paysanne indienne, membre du Parlement et du Bureau politique du communisme indien.
Après le Penjab, Delhi, le Népal, l'Inde du Sud et le Rajasthan et au gré des rencontres
Göran Tunström cueille des tranches de vie et d'histoire indienne, agrémentées d'anecdotes de ces voyages antérieurs (Mexique, Maroc,...) et d'événements personnels passés alors que sa compagne Lena croque des portraits et des scènes de vie dans son carnet.
Il en résulte malgré une approche tiers-mondiste du pays nous montrant l'engagement politique de l'auteur, de magnifiques tableaux de l'Inde rurale, empreint d'une prose poétique comparable à celle de son compatriote et contemporain
Tomas Tranströmer (1931-2015) mais aussi un tour d'horizon des problèmes qui rongent la société indienne (conditions des femmes, de certaines castes, éducation...)
Göran Tunström nous dévoile dans ce texte quelques secrets de son processus créatif et les sources de son inspiration : la nécessité de partir afin de constituer un stock d'impressions qui lui permettront au retour de redécouvrir ses paysages intimes et familiers qui avant le départ lui paraissent usés et, surtout, nourrir ses prochaines productions.
"Dans ce merveilleux livre d'
André Breton qu'est
Nadja - qui le lit encore aujourd'hui? - Il y avait cette phrase soulignée en rouge que je fis mienne quand j'étais au lycée: LA BEAUTE SERA CONVULSIVE OU NE SERA PAS. Il parlait de la Surprise, des Chocs comme condition de la création.
A lire pour retrouver ses yeux d'enfant et s'émerveiller devant le Vivant et devenir "Des observateurs de craquements".
"Pour pouvoir voir plus et mieux, il faut que je voie autre chose. Quand on exprime ce genre de pensées à haute voix, à quelqu'un avec qui on partage la vie, alors les paroles sont en fait celle-ci:"Je crois qu'on devrrait s'en aller quelque part cet hiver."
Une invitation que je vous recommande de suivre.
De mon côté, après la lecture de ce dépaysant et chaleureux récit, je vais continuer d'approfondir l'univers de cet auteur, notamment à travers l' un de ses plus célèbres romans,
L'Oratorio de Noël.