Jeune, l'auteur a possédé une véritable ménagerie. Puis, un jour, il décide que s'occuper d'animaux représente une trop lourde responsabilité. Ce n'est pas maintenant, à l'âge de la retraite, qu'il va changer d'avis ! A lui les voyages lointains ! Sauf que...
Ne dit-on pas des chats que ce sont eux qui nous adoptent ? Minette n'aime pas l'hiver. Pelotonnée dans une caisse à outils sous l'abri de jardin, elle tente d'échapper aux rigueurs du climat nordique. Est-ce vraiment raisonnable de l'abandonner dans un lieu aussi inconfortable ? Et de fil en aiguille...
Ce livre est présenté comme un roman. A mon avis, ce n'est pas le cas. Les personnages en sont l'auteur et les membres de sa famille. Bien réels, donc.
Nils Uddenberg observe la chatte et se livre à des réflexions, recherches, rapprochements avec des auteurs tels que
Montaigne ou
T.S. Eliot. le voilà occupé à philosopher ou à noter les réflexions d'autres écrivains. le livre est enrichi de splendides illustrations en noir et blanc, oeuvres d'Ane Gustavsson.
Les parents de
Nils Uddenberg avaient deux chats. Il a donc dû les côtoyer et les observer. A mon avis, pourtant, il ne semble pas trop bien les connaître. Quand il parle à Minette : « Petite Puce, regarde ces belles fleurs. (…) Je ne pense pas qu'elle comprenne un traître mot de notre discours. Est-elle même capable d'interpréter notre ton correctement ? » Tandis que je recopie ces mots, les petits félins qui m'entourent rient sous cape. Bien évidemment, ils comprennent, même si les fleurs ne sont pas leur principale préoccupation. Et, sinon tous les mots, le ton de la voix, ils l'interprètent parfaitement. J'ai lu qu'entre eux, les chats miaulent très peu. C'est pour eux une façon de s'adresser à leurs humains. Ainsi, P'tit Gars a un vocabulaire étendu. Son miaulement est très différent selon qu'il m'appelle à l'aide : « Au secours ! Les chiens ne font rien qu'à m'embêter ! », veut sortir, manger, dire qu'il m'aime. Ma petite Flocon m'appelait souvent d'un cri ressemblant étonnamment à « Ma-Man ». Quand je lui demandais « Qui est ma petite fille ? » elle répondait « Moi ».
Nils Uddenberg s'interroge. Minette est-elle capable d'éprouver de la gratitude ? Pour P'tit Gars, battu par son affreux maître qui l'a abandonné au cours d'un hiver glacial, aucun doute, il est reconnaissant. J'entends son ronronnement si puissant qu'il traverse la pièce. Il me fixe d'un regard plein d'amour, et, quand je suis au jardin, il pousse des cris perçants pour que je puisse le localiser. Tous quatre prodiguent leurs remerciements à ceux qui s'occupent d'eux pendant notre absence. Donc, je pense que Minette fait de même avec l'auteur. Peut-être celui-ci n'arrive-t-il pas à décrypter ses attitudes ?
Quelque chose me perturbe : « si sa fourrure avait eu une autre apparence, elle m'aurait peut-être laissé indifférent. Certains chats sont vraiment laids, avec des taches de toutes les couleurs dans des endroits inopportuns. » Et quoi ? Si Minette n'avait pas été assez belle à ses yeux, elle n'aurait pas mérité d'être recueillie ? Il l'aurait laissé affronter le froid ? Pense-t-il de même à propos de ses enfants et petits-enfants ? (« Ah ben non, Patrick a le nez de travers, je ne lui offre pas de cadeau »???)
Je n'aime pas tellement non plus qu'il se considère comme le « maître » de Minette. Car les chats n'ont pas de maître. Ils nous choisissent et nous font cadeau de leur affection. Quand quelqu'un les traite en « maître », souvent, ils partent et jettent leur dévolu sur une personne plus respectueuse. Avant d'être lâchement abandonné, P'tit Gars venait souvent vers moi et me tenait de longs discours en langage de chat, semblant me narrer ses misères.
Voici notre auteur perplexe : « Pourquoi les chats possèdent-ils une queue ? Leur sert-elle à exprimer des sentiments ? Dans ce cas, à qui s'adressent-ils ? » En ouvrant n'importe quel ouvrage consacré à nos félins, il aurait eu sa réponse. Leur queue ne leur sert pas seulement de balancier, elle traduit tout un langage.
Bien évidemment, tout ceci ne l'empêche pas d'adorer Minette et de bien s'en occuper. Pour mieux la comprendre, il fait de nombreuses recherches et cite des passages significatifs. Mais toutes ses lectures ne sont pas recommandables ! Qui est ce crétin de Sven Nilsson, professeur de biologie du XIXe siècle, qui pense que des chats ont « assassiné des enfants sans défense dans leur berceau » ou « gravement blessé des personnes âgées » ? Il argumente : « lorsque la bête voyait la carotide battre sous la peau du cou, cela la poussait à attaquer ; elle griffait ou mordait l'artère et le maître imprudent risquait alors de succomber à une hémorragie. » Comment peut-on écrire de telles sottises ? Si c'était vrai, bien des gens qui dorment avec leur petit compagnon seraient morts depuis longtemps ! Heureusement, pour contrer de telles inepties, il existe des auteurs tels
Montaigne qui, trois siècles plus tôt, se moque de ceux qui croient « savoir ce qui se passe dans la tête des animaux » et, se prenant eux-mêmes pour des dieux, les jugent stupides. Ou
T.S. Eliot, prix Nobel de littérature, qui « affirme qu'un chat doit avoir trois noms : un pour le quotidien, un plus personnel et un que lui seul connaît. »
Au final, ce livre m'a beaucoup plu, même s'il ne m'a rien appris et j'ai aimé suivre l'évolution de l'auteur. Si, au début, en découvrant Minette, il espérait qu'elle serait partie le lendemain, à la fin, il hésite s'absenter de peur de la laisser seule !
Une lecture agréable, donc.