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Critique de Nastasia-B


Les histoires de René Goscinny, que cela soit pour Astérix ou Lucky Luke, sont généralement découpées en trois moments distincts. Une phase introductive, sorte de mini-histoire qui va induire ou provoquer la seconde phase, la principale, celle que l'on pourrait qualifier de développement. Vient ensuite une dernière phase, par exemple pour les Astérix, il s'agit souvent du retour au village après des aventures à l'extérieur, laquelle phase vient conclure et fait souvent écho à la première.

Ici, dans le Bouclier Arverne, la construction est plus élaborée encore car l'aventure s'ouvre sur des événements lointains, à savoir la reddition de Vercingétorix matérialisée par l'abandon de ses armes à son vainqueur Jules César et le devenir de ces armes, lesquels événements trouveront leur éclaircissement et leur importance au cours du développement.

L'introduction véritable ne commence qu'ensuite, avec l'effroyable crise de foie d'Abraracourcix due à des excès alimentaires en tout genre. Celle-ci se soldera par un diagnostique assassin et sans appel de Panoramix : il faut qu'Abraracourcix aille faire une cure d'amaigrissement dans une ville d'eaux thermales. Ce sera Aquae Calidae, c'est à dire Vichy, prétexte à un nouveau périple, cette fois en pays arverne, pour le chef du village et ses deux fidèles anges gardiens Astérix et Obélix.

Le problème c'est qu'évidemment, dès lors qu'Astérix et Obélix posent le pied quelque part, les Romains décollent allègrement les leurs à vitesse grand V au prix de l'abandon de leurs sandales. Inutile de vous préciser que lorsque le grand vainqueur d'Alésia voit débarquer son envoyé spécial dans la province Tullius Fanfrelus avec un oeil au beurre noir et quelques autres contusions, Jules César lui-même en prend ombrage et décide sur-le-champ d'exhiber sa force et sa domination.

Il veut mater les derniers élans de patriotisme gaulois en se faisant porter en triomphe sur le propre bouclier de Vercingétorix. Mais où peut-il bien être ce fameux bouclier ? Pas moyen de remettre la main dessus. Il n'a pourtant pas pu se volatiliser, alors il faut chercher et c'est ce que vont faire les Romains d'un côté et les deux irréductibles gaulois du leur. Qui gagnera cette chasse au bouclier haletante ? C'est ce que je m'interdis de dire.

Nombreux sont ceux, et j'en fais partie, qui considèrent qu'il n'y a pas d'Astérix ni de Lucky Luke en dehors de René Goscinny. L'époque pendant laquelle le fameux scénariste a collaboré à ces aventures est généralement appelée « âge d'or ». Mais, au sein de cet âge d'or, on peut tout de même distinguer différentes périodes et, selon moi, la « période d'or » de René Goscinny se situe dans la deuxième moitié de la décennie des années 1960 où, de 1965 à 1969, je trouve que quasiment tout est exceptionnel.

L'album sortit originellement en 1968 et ne déroge pas à la règle. Album de très haut vol, très subtil, avec un gros paquet d'humour et une cohorte de répliques à double niveau d'entente.

D'un côté, Goscinny brosse très fort notre fibre patriotique et notre chauvinisme bon marché tout en n'oubliant pas au passage ce qu'il s'est passé vingt-cinq ans plus tôt. Ce n'est évidemment pas un hasard si la ville thermale choisie est Vichy et l'archétype du collabo délateur est incarné par le gros homme d'affaire Lucius Coquelus, qui a fait fortune dans le commerce de roues à Clermont-Ferrand. Avec ce clin d'oeil même pas masqué à Michelin, je pense que Goscinny ne souhaitait pas épingler cette firme en particulier mais plutôt des constructeurs comme Renault ou Berliet, plus directement impliqués dans l'effort de collaboration.

Bien évidemment, Goscinny s'amuse à fond des gros clichés sur l'accent chuintant auvergnat et sur la « tradition » de commerce de vin & charbon, notamment dans la capitale au sortir de la seconde guerre mondiale. Bref, du bien bel ouvrage, un album solide, drôle et extrêmement bien construit, avec un Uderzo fidèle à sa grande dextérité jamais démentie. Si par bonheur vous ne connaissez pas encore cet album, vous pouvez y aller, ch'est du tout bon, du moins ch'est mon avis, ch'est-à-dire, pas grand-choge.
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