Pas de doute, la fin approche pour
Uderzo, et il est temps de mettre un peu d'ordre dans son patrimoine et dans ses inédits. C'est ainsi qu'en raclant les fonds de tiroir,
Uderzo parvient à construire un 32ème album, tout à fait différent dans sa conception des albums habituels. Car il ne s'agit pas ici d'une histoire complète mais d'un assemblage de planches déjà publiées, dans Pilote sauf rares exceptions, entre 1962 et 2003. La plupart de ces histoires courtes avaient déjà été réunies dans une édition hors-série de 1993. Une nouvelle inédite complémentaire fournit un alibi en or pour une nouvelle édition enrichie en 2003, suivie d'un album numéroté en 2005 (album n°32 lors de son intégration dans la « Grande Collection »). Dans cette opération, on peut le supposer, il n'y a pas que l'édition de 2003 qui a été enrichie.
Après tout, rien de choquant dans cette manière de faire, cela me rappelle les inédits d'
Agatha Christie rassemblés par ses éditeurs dans des recueils de nouvelles, venant compléter la collection de romans, pour la plus grande joie des fans.
La compilation comporte 15 histoires, de qualité inégale, que j'ai donc choisi de commenter et de noter séparément.
1. Conférence de presse d'Abraracourcix. 1966. Initialement paru dans Pilote. 1 page.
Sur une estrade, devant une caméra et des microphones, le chef Abraracourcix répond aux questions des « journalistes ». Dans la version initiale, il s'agissait de présenter la prochaine sortie de l'album le Combat des chefs. Rien de concret n'est annoncé. Pas de scoop. A peine drôle. Une étoile sur 5 (*).
2. La Rentrée gauloise. 1966. Initialement paru dans Pilote. 2 pages.
Astérix et Obélix ramassent des bambins cachés dans les fourrées (une manière littérale de faire l'école buissonnière) pour les conduire sur les bancs de l'école. Une remarque amusante d'Astérix semble se référer à un reproche récurrent concernant la série, souvent accusée de misogynie (« On se demande où ils vont chercher tout ça », page 7). Obélix, pris en défaut par Panoramix qui lui pose une question facile – pour l'époque – concernant la bataille de Gergovie, doit rattraper le cours à sa grande honte, alors qu'Idéfix et Astérix sont pliés de rire… Mignon, plus subtil qu'il n'y paraît grâce à la réplique d'Astérix s'adressant à la fillette. Quatre étoiles sur 5 (****).
3. La Naissance d'Astérix. 1994. Initialement paru dans le Journal exceptionnel d'Astérix, sorti pour l'anniversaire des 35 ans d'existence d'Astérix. 4 pages.
Cette histoire se déroule en 35 avant J.-C. dans le petit village que nous connaissons bien. Il est bien précisé que J.-C. sont les initiales de Jules César, sinon rien ne colle au niveau des dates. Il est précisé également, mais seulement à la fin, que les 35 années avant J.-C. signifient en fait 35 ans avant la date de prise de pouvoir de Jules César à Rome, en non pas avant sa naissance. Donc en gros avant la date atteinte par Jules César lorsqu'il a 50 ans, en 50 avant J.C., date traditionnelle des aventures d'Astérix. Jules César étant né en juillet 100 avant l'autre J.-C. (
Jésus-Christ), c'est tiré par les cheveux mais cohérent. Astérix et Obélix auront alors tous les deux 35 ans au moment de leurs aventures, soit 15 ans de moins que Jules César. le texte d'introduction mentionne 35 avant J.-C. et il m'a fallu au moins une bonne demi-heure pour en comprendre la raison.
Un autre problème de cohérence existe avec l'album n°23 Obélix et Compagnie, paru en 1976, où seul l'anniversaire d'Obélix est fêté, rappelez-vous, ce dernier reçoit en cadeau la garnison complète de Babaorum. le choix d'un anniversaire commun avec Astérix date d'octobre 1994, il ne figure donc pas dans la version de la Rentrée Gauloise de 1993.
L'histoire nous fait découvrir les habitants du village jeunes : Abraracourcix et ses porteurs, Cétautomatix, Ordralfabétix et Assurancetourix, en culottes courtes. Seul Agecanonix apparaît en vieillard tel qu'on le connaît aujourd'hui (ce dernier a 93 ans en 50 avant J.-C. et donc 58 ans ici). On découvre également les parents d'Astérix (Astronomix et Praline) et ceux d'Obélix (Obélodalix et Gélatine) que l'on retrouvera par la suite dans Astérix et Latraviata sorti en 2001. Logique mais sans surprise. Trois étoiles sur 5 (***).
4. En 50 avant J.-C. 1977. Initialement paru dans National Geographic. 3 pages.
Un résumé très synthétique des conquêtes de Rome et des Gaulois qui acceptent ou non l'occupation romaine en 50 avant J.-C., destiné à un lectorat américain pour une éventuelle conquête de l'Amérique. Incompréhensible pour eux et totalement raté à mon avis. Une étoile sur 5, et c'est bien payé (*).
5. Chanteclairix. 2003. Inédit dans la version de 2003. 5 pages.
Un coq gaulois protège la basse-cour du village contre les attaques d'un aigle belliqueux, symbolisant l'empire romain. Ce coq s'appelle Chanteclairix en hommage à
Chantecler, le coq du Roman de Renart et/ou de la pièce d'
Edmond Rostand. La Roussette, une poule du village demande à Idéfix de lui procurer de la potion magique, afin que Chanteclairix puisse gagner son combat singulier prévu avec l'aigle. Comme toujours, les Gaulois sont plus forts que les Romains, moyennant une petite tricherie telle que l'utilisation de la potion magique. On notera (page 22) que l'aigle supposé être l'emblème de l'empire romain jure avec une croix gammée, à la manière des Goths. Quelle sorte d'aigle impérial est-ce donc ? Mignon, mais sans que cela casse trois pattes à un canard. Trois étoiles sur 5, bien payé (***).
6. Au gui l'an neuf. 1967. Initialement paru dans Pilote. 2 pages.
En utilisant la tradition de s'embrasser sous le gui au nouvel an, Obélix tente de piéger Falbala afin d'obtenir un baiser. Son stratagème échoue et après quelques péripéties impliquant d'autres personnages, c'est Idéfix qui va toucher le jackpot. Très mignon et cela m'a fait arracher un sourire. Quatre étoiles sur 5 (****).
7. Mini, midi, maxi… 1971. Initialement paru dans Elle. 2 pages.
Une fois de plus, Mme Agecanonix minaude et exhibe sa fine et irréprochable silhouette, illustrant le récit du narrateur sur l'élégance de la femme gauloise, mais le spectacle est de courte durée car avec l'arrivée des Gaulois, tout dégénère en bagarre généralisée. Une plaidoirie curieusement sexiste suite aux accusions de misogynie. Deux étoiles sur 5 (**).
8. Astérix tel que vous ne l'avez jamais vu. 1969. Initialement paru dans Pilote. 3 pages.
Uderzo se plie à un exercice de style à la
Raymond Queneau et imite différents dessinateurs :
Jean Solé,
Charles Schulz (Peanuts),
Dan Barry (Flash Gordon),
Philippe Caza (Kris Kool, période Pop Art), etc. Une dernière suggestion, non retenue par Astérix et Obélix, impose le port de culottes de golf, à l'instar de Tintin, l'éternel rival contre lequel justement on ne peut rivaliser. Intéressant mais l'ensemble ne développe pas le moindre embryon d'histoire. Trois étoiles sur 5 (***).
9. Lutèce olympique. 1986. Initialement paru dans Jours de France. 4 pages.
Un dépliant publicitaire vantant les mérites de la Capitale, avant le choix du site olympique par le CIO pour les Jeux olympiques d'été de 1992. Paris n'a pas été retenu, et donc pari perdu. On espère que cet échec n'a pas été uniquement dû à cette publication. Plein de bonnes intentions, quelques idées, mais visiblement un travail de commande un peu artificiel. Deux étoiles sur 5 (**).
10. le Printemps gaulois. 1966. Initialement paru dans Pilote. 2 pages.
Un conte pour enfants mettant en scène le Printemps qui remporte son combat contre l'Hiver, mais comme « y'a plus de saison », la potion magique du druide Panoramix va s'avérer nécessaire. Mignon, assez concis, fait bien le job. Trois étoiles sur 5 (***).
11. La Mascotte. 1968. Initialement paru dans Super Pocket Pilote. 4 pages.
Les Romains sont à la recherche d'une mascotte qui va leur porter bonheur. Ils choisissent Idéfix, mauvais plan ! Un bon jeu de mot inédit : « J'ai une aversion latine » (page 43), un comique de situation efficace quand Obélix comprend qu'Idéfix a été enlevé (page 44). Trois étoiles sur 5 (***).
12. Et cætera, et cætera ou Latinomanie. 1973. Initialement paru dans Pilote. 1 page.
Une histoire brève bourrée de jeux de mots linguistiques comme on les aime. Une parodie latine de la lutte d'aujourd'hui contre l'invasion des anglicismes. Quatre étoiles sur 5 (****).
13. Obélisc'h. 1963. Initialement paru dans Pilote. 4 pages.
Cette histoire met en scène Goscinny et
Uderzo et se déroule à notre époque. Les deux auteurs n'en croient pas leurs yeux, ils tombent sur un sosie d'Obélix qui déambule sur les quais d'un petit port breton. Ils apprennent qu'il s'agit d'un descendant direct, et son étrange habitude, héritée de son ancêtre, d'emporter un menhir partout va leur causer quelques déboires. Original. Quatre étoiles sur 5 (****).
14. Où vont-ils chercher tout ça ? 1993. Inédit dans la version de 1993. 1 page.
Présentation inédite de la planche suivante, illustrée de 3 images publiées dans Pilote. D'un intérêt très mineur pour des lecteurs devenus majeurs. Une étoile sur 5 (*).
15. Naissance d'une idée. 1962. Initialement paru dans Pilote. 1 page.
Les deux auteurs sont si complices qu'ils se comprennent avec des onomatopées. Visiblement, ils aiment se mettre en scène, et on les savait un peu cabotins. Deux étoiles sur 5 (**).
Nombre d'étoiles : 1 + 4 + 3 + 1 + 3 + 4 + 2 + 3 + 2 + 3 + 3 + 4 + 4 + 1 + 2 = 40. Ce qui fait une moyenne de 2,666, que j'arrondis à 2,5 sur le site Babelio. Bien payé pour cet album atypique et, à mon avis, aux motivations un peu trop commerciales.