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Dubravka Ugresic (Autre)Mireille Robin (Traducteur)
EAN : 9782267032499
408 pages
Christian Bourgois Editeur (08/10/2020)
3.98/5   20 notes
Résumé :

Une mère, dans Zagreb assiégée, pense à sa fille exilée à Berlin qui, à son tour, imagine la fuite de sa mère de Bulgarie vers la Yougoslavie un demi-siècle plus tôt. Comment rendre compte de l'exil ? Pour ceux dont la vie tient dans une valise, les souvenirs disparates - vieilles photos, journaux intimes, objets fétiches de l'enfance - prennent une signification étrange, comme autant d'écho... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dubravka Ugresic nous donne à lire l'exil comme une fragmentation. le livre est à l'image de la toute première scène, où l'autrice énumère les objets retrouvés dans le ventre de l'éléphant de mer du zoo de Berlin : une accumulation de petites pièces a-priori cocasses, mais qui mises bout à bout racontent une histoire et font sens. C'est précisément ce que dit l'un des personnages à la fin du livre : "nous sommes tous des musées ambulants". Dubravka Ugresic s'expose en écrivant, comme témoin d'un monde disparu.
Car c'est toute une histoire récente de l'ex-Yougoslavie que nous traversons, d'abord du point de vue de l'exil d'une femme à Berlin, qui ne veut pas spécialement apprendre l'allemand, puis de celui de la guerre, avec cette partie merveilleuse intitulée "Photographie de groupe", où la narratrice évoque une soirée entre amies où un ange ayant échoué à sauver une vie leur est apparu. Après quoi la guerre éclate, et le groupe d'amies se disloque. Dubravka Ugresic écrit ce que chacune a fait, ce que chacune est devenue loin des autres, amies à tout jamais séparées, amies qui l'étaient parce qu'un pays les tenait, et que rien désormais ne pourra plus réunir. C'est à partir de là que le roman prend toute son ampleur, éclairant différemment les portraits vifs d'exilés à Berlin, l'évocation de la mort de la mère et de son exil depuis la Bulgarie quand elle avait vingt ans, ou encore ce chapitre presque autonome intitulé "Nuit de Lisbonne", où la narratrice tombe amoureuse d'un jeune homme auquel elle finit par donner de l'argent, alors qu'elle-même n'a plus nulle part où vivre, et que son ex dort dans le même hôtel qu'elle. (Ce fragment est pour moi le plus fascinant dans l'ensemble du roman, le plus dense et le plus ambigu : on y sent toute la détresse et toute l'espérance de la narratrice, sa puissance aussi, d'être à qui il a été donné de tout réinventer puisque rien ne pouvait plus tenir.) Et malgré la dimension quasi autarcique de ces fragments qu'un livre réunit (comme si le livre était l'utopie d'un monde défait que le roman parvient quand même à rendre cohérent), on est saisi par le vertige du temps, le vertige de l'Histoire et de sa condamnation.
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Le Musée des redditions sans condition raconte l'histoire d'une mère et de sa fille qui vivent séparées : la jeune femme a quitté le foyer et la guerre civile en Yougoslavie pour aller à Berlin, tandis que Zagreb, ville où demeure encore sa mère, est assiégée. Toutes deux partagent une même expérience : vivre ou avoir vécu l'exil et avoir le sentiment de ne plus avoir de patrie.
L'autrice Dubravka Ugresic rend compte, dans ce texte, du parcours tortueux de l'exil, alors qu'elle a elle-même été contrainte de fuir la Croatie pour des raisons politiques en 1993. Les passages qui donnent forme au roman sont comme des photographies organisées en un gigantesque album. Celui de deux vies dont l'histoire se déroule sous nos yeux, par bribes. Autant d'images qui servent de témoignages, résumés parfois en quelques lignes ou qui forment, à d'autres moments, un véritable roman dans le roman. Cette lecture est d'autant plus marquante qu'il s'agit là des restes d'une culture dont les racines ont été arrachées de leur terre, et transportées dans une simple valise, terreau constitué de quelques vêtements, bibelots et photographies ; seuls vestiges pouvant en garantir la mémoire.
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Préparez vous à un voyage en kaléidoscope, qui nous fait naviguer de souvenirs en souvenirs comme dans un musée poussiéreux dont on ne saisirait pas pleinement la langue. le musée des redditions sans condition est un récit fragmentaire et fragmenté, pour parler d'un pays et d'une histoire qui l'est tout autant. Une langue habile qui décrit parfaitement des atmosphères multiples, allant de l'émerveillement à la nostalgie en passant par l'incompréhension. Je sais maintenant pourquoi on m'a souvent dit qu'il s'agissait du meilleur livre traitant d'exil et de mémoire. Il l'est. Je le recommande à 300%. (Il faut cependant avoir quelques connaissances de l'histoire yougoslave pour en profiter pleinement, mais rien qui ne se trouverait pas aujourd'hui sur une page Wikipedia)
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
L'album et l'autobiographie, parce qu'ils sont par nature des activités qu'on pratique en amateur, sont condamnés d'avance à demeurer des oeuvres inabouties de second ordre. En effet, le désir de montrer la vie dans toute sa diversité qui nous pousse à classer des photos dans un album, et pourtant, la vie s'y réduit, en fin de compte, à une série de fragments inertes. On rencontre le même problème en ce qui concerne l'autobiographie, qui relève cette fois du fonctionnement de la mémoire : elle se préoccupe de ce qui a jadis été, mais ce qui a jadis été parle de la personne qui est maintenant.
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Alors que je veux que ces lignes parlent d'elle, je m'aperçois que je ne fais émerger des ténèbres et de l'oubli que des photos de moi. Mais ce sont aussi des photos communes. Même si on ne la voit pas sur le cliché, elle y est présente.
En regardant les photos des albums, je m'aperçois qu'il existe une symétrie entre la photographie et la mémoire. Là où nous cessons d'y être ensemble (quand commencent mes photos d'école, mes photos d'excursion, mes photos avec mes amies) cesse aussi la mémoire. Par-delà, je ne me souviens plus de rien la concernant.
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Ich bin müde, dis-je à Fred. Son visage pâle et mélancolique s'éclaire d'un sourire. Ich bin müde est la seule phrase en allemand que je sais actuellement. Pour le moment, je ne souhaite pas en apprendre davantage. En apprendre davantage signifierait s'ouvrir. Et je souhaite demeurer fermée encore un certain temps.
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Video de Dubravka Ugresic (1) Voir plusAjouter une vidéo

[Dubravka Ugresic : Le ministère de la douleur]
Dans les locaux de la Fondation Deutsch de la Meurthe à la Cité Universitaire Internationale de Paris, Olivier BARROT présente le roman de Dubravka UGRESIC "Le ministère de la douleur". Dans ce livre, l'écrivain croate traite de la question de l'exil et du rapport à la langue maternelle dans un pays étranger.
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