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Critique de BlackKat


Dans la 4ème de couv', on parle de « curiosité humaine » et j'avoue que c'était un peu mon appréhension: lire une compilation voyeuriste d'une des plus grandes tragédies de notre histoire moderne. Mais mon intérêt était porté par le titre « La Shoah à l'Est », je voulais savoir ce qu'elle avait de différente avec celle de l'Ouest.

La différence est la mort infligée par balle pour plus de 80% des victimes. le rapport à la mort en est-il plus « direct » plus « intime » que celle appliquée derrière les portes closes des chambres à gaz? Elle est surtout plus visuelle et ouverte au public.

Andrej Umansky a consulté un nombre impressionnant d'archives pour catégoriser trois types de témoignages: les bourreaux, les petites mains (chauffeur ou rédacteur de journal de guerre) et les spectateurs (épouse, enfant, citoyen).

Alors c'est vrai qu'on n'échappe pas à ce sentiment de malaise à la lecture de ces descriptions effroyables d'exécutions d'hommes, de femmes, d'enfants, de nourrissons ou de vieillards devenues banales pour ces « curieux » mais il est nécessaire pour susciter une réflexion sur la nature humaine, sur les sentiments et les émotions des témoins de ces morts planifiées.

Je m'attendais à de la sidération et à un traumatisme profond de ces témoins passifs, même si j'avais connaissance de certaines situations atypiques, comme en Pologne, où les locaux apportaient une aide spontanée et généreuse dans la traque des juifs, l'antisémitisme n'étant pas le pré carré et exclusif des nazis.

Mais j'ai été choquée de la distanciation de ces témoignages, de leur froideur, de leur indifférence.
Des êtres totalement désincarnés de toute humanité.
Et nous ne parlons pas essentiellement de soldats, de ces Einsatzgruppen (groupes d'intervention dans les territoires de l'Est, essentiellement composés de SS, spécialisés dans l'assassinat systématique de tout opposant… et des juifs) de sinistre réputation, nous parlons d'une secrétaire, d'une mère de famille, du cuisinier ou du comptable… vous et moi, en somme.

Bien entendu que beaucoup n'ont pas tenu un fusil, n'ont pas tiré de balle, n'ont pas eu le courage ou la folie de s'opposer à ces atrocités mais ces documents sont des lettres, des journaux intimes ou même des interrogations post-guerre où on pourrait s'attendre, légitiment, à l'expression intime d'horreur ou de dégoût…
Mais non, ce n'est pas la norme!
L'abattage en masse d'êtres humains, des civils de surcroît, était normal et même un spectacle!

Écoeurée par moments, révoltée, la lecture n'a pas été aisée. Ce recueil effroyable est le témoignage d'une folie généralisée ou de l'abandon de toutes « normes » sociales? À circonstances exceptionnelles, la guerre, l'homme s'est-il débarrassé de toute bonté pour exprimer une nature profonde et viscérale détestable pour se délecter de l'indicible?

Malgré de nombreuses lectures sur la Seconde Guerre Mondiale, les camps de concentration et la Shoah, j'avoue que je reste perplexe devant le comportement dit « humain » et l'ampleur des horreurs commises et/ou acceptées. Et de telles atrocités se sont reproduites depuis, se passent actuellement et continueront encore. C'est incompréhensible que les hommes ne tirent aucune leçon de l'histoire, la nient même avec extrême vigueur et se comportent ainsi.
Voilà pourquoi ce genre d'ouvrages, basés sur des documents réels, va bien au-delà d'une curiosité morbide ou d'un voyeurisme dégradant, c'est une tentative pour que l'Homme n'oublie pas les extrémités inacceptables auxquelles il participe activement, ou pas, pour ne pas les répéter.

Les procès de Nuremberg étaient primordiaux pour essayer de rendre justice et mettre en exergue les crimes de guerre mais visaient seulement et essentiellement quelques grandes figures nazies alors que des ouvrages comme celui-ci dénonce l'ampleur de l'approbation tacite et passive de nombre de témoins anonymes qui, par là même, ont participé à la Shoah. Eux n'auront eu à rendre des comptes qu'à leur conscience et certainement sans beaucoup de condamnation…

Lecture éprouvante et édifiante mais aussi nécessaire d'un point de vue historique, pour le devoir de mémoire, et d'un point de vue quasiment philosophique pour qu'à l'avenir la noirceur de l'âme humaine s'estompe… un peu…
Lien : http://livrenvieblackkatsblo..
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