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EAN : 9782729105457
189 pages
Editions de La Différence (01/09/1990)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Miguel de Unamuno (1864-1936). Universitaire, journaliste,
dramaturge, philosophe, il est l’un des maîtres à penser de
son temps. Ce que nous connaissons le moins de Unamuno,
cependant, c’est l’essentiel, la marque et l’expression
profonde de son génie : sa poésie. Ce feu, dont il se réclamait
par-dessus toute chose, éclaire sa pensée, son action, et sa
vision lyrique de l’Espagne âpre et mystique. L’une de ses
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UN CHANT SILENCIEUX ET BLANC



……………………………Incarnée
là, dans ce verbe silencieux et blanc
qui parle en lignes et couleurs, mon peuple
tragique dit sa foi…

Miguel de Unamuno, Le Christ de Velázquez


Avant que le regard n’ait pu nommer la forme, c’est d’abord la blancheur qui le saisit. Une coulée qui le pénètre et l’arrête de son suspens lumineux pour devenir tout aussitôt celle d’un corps. Un corps crucifié, un corps mort. Et qui, en même temps ne l’est pas. Au mouvement descendant qui va de la tête inclinée aux deux pieds cloués, s’oppose le mouvement ascensionnel de la vapeur pâle nimbant le crâne et rendu plus visible par son contraste avec le bois de la croix et le noir des cheveux. Comme si de la mort naissait la vie. Une autre vie et celle d’ici-bas, indissolublement.
Tout est paix dans cette grande image du Christ en croix. Même les traces du supplice, les gouttes ou les coulées de sang des mains, du front, de la poitrine, des pieds, semblent être un discret contrepoint à cette clarté rendue encore plus vive par l’obscurité du fond à laquelle fait écho la chute de la noire chevelure cachant la moitié du visage. Il y a là une grandeur apaisante qui saisit le spectateur et ne l’abandonne plus.
Ce Christ célèbre, peint par Velázquez en 1632 — et c’est ce qui, paradoxalement, fait sans doute sa force — n’a rien de commun avec les Christ torturés et sanglants que toute une tradition hispanique nous a donné à voir dans la peinture et la statuaire de nombreux musées, églises ou chapelles d’Espagne. Cette calme blancheur le place à part, sinon au-dessus, de toutes les représentations christiques passées ou à venir. Qu’on soit croyant ou non, elle infuse chez qui la regarde le mystère d’une clarté, d’autant plus intense qu’elle est plus incarnée. Car c’est d’un homme qu’il s’agit ici. D’un homme que le clair-obscur réaliste du tableau rend d’une humanité encore plus saisissante. Sans que pour autant elle se referme sur elle-même, la vapeur lumineuse auréolant la tête faisant signe, comme une ouverture de clarté, vers autre chose.
La peinture, dit-on, n’est pas un art du temps mais de l’espace. Dans la mesure où tout nous serait donné dans l’instant du regard. Et il est vrai qu’hors de toute forme reconnue, c’est bien la blancheur qui saisit d’abord. Mais, en même temps, le tableau offre à l’œil de multiples parcours qu’il l’invite à suivre, une fois la sensation première absorbée par la représentation qui la porte. Alors, la peinture devient également un art du temps. Du temps nécessaire au regard pour passer de l’inscription et du bois de la croix limitant en haut et en bas de leur brun clair la forme en croix, suivre en descendant les différentes parties du corps supplicié (tête, poitrine, pagne, genoux), remonter vers les deux bras ouverts, redescendre vers les pieds et leurs coulures sanglantes pour remonter vers les deux bras ouverts, les mains saignantes, embrasser à nouveau l’image dans son entier mais, à présent, nettement reconnaissable dans sa figuration traditionnelle.
Ces deux moments — la vision instantanée, la déclinaison des éléments de l’image — semblent bien avoir guidé Miguel de Unamuno dans l’écriture de son grand poème intitulé, précisément, Le Christ de Velázquez. Comme, en particulier, cette troisième partie qu’on a choisi de traduire ici, parce qu’elle renvoie plus directement au tableau, et qui, avant de présenter les différentes parties du corps du Christ comme autant de supports de contemplation, s’ouvre elle aussi sur cette blancheur qui traverse le poème de part en part :

……………………………………..
Toi, la Parole, tu parles en ta mort
sans un bruit d'air, dans le silence noir,
et tu nous dis la blancheur de ta vie
de lumière sans fin. Tombe ton clair
silencieux en nous, flocon sur flocon
comme la neige blanche qui se pose
sur le vert de l'herbe, tombe ton sang
goutte à goutte en nous; il ne coule pas,
il emplit l'âme. Qu'humbles, comme l'herbe,
ta neigée de clarté, les mains paisibles,
paisible l'esprit, et le cœur battant,
comme la neigée, blanc et silencieux,
nous t’accueillons…

(III, I, L’écriteau)
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A quoi penses-tu, mort, ô toi mon Christ?
Pourquoi le voile et son épaisse nuit
de ta chevelure abondante et noire
de nazaréen tombé sur ton front ?
Tu regardes en toi, où est le royaume
de Dieu ; en toi là où vient se lever
le soleil éternel des âmes vives.
Ton corps est blanc, pareil à ce miroir
du père de lumière, du vivifiant
soleil ; ton corps est blanc comme la lune
qui, morte, tournoie autour de sa mère
notre vagabonde terre fatiguée ;
ton corps est blanc comme blanche est l’hostie
du ciel de la souveraine nuit,
de ce ciel tout aussi noir que le voile
de ta chevelure abondante et noire
de nazaréen.
(I, IV)
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Ton front est pignon de la basilique
qu’est ton corps, et au soleil des chemins
il a bruni ; face au ciel, aux montagnes
il a couvé tes célestes pensées,
qui jaillissaient telles les fleurs des champs
Ñ œillets, camomilles, coquelicots… —,
afin de donner pour semences et fruits
au printemps nouveau de nouvelles fleurs
et non ces perles — pierres scintillantes —
rudes et sommaires qu’une fois polies
enfile en parure le lapidaire.
Paradoxes, paraboles, apologues
fleurissaient de ta bouche pleins de vie ;
non les syllogismes, cailloux logiques
sur le cou de l’esprit comme un collier.

(III, V Front)
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Sentir pleuvoir sans plus, être vivant
tout l’univers s’est transformé en brume ;
plus haut, ma conscience comme une écume
où me parvient le lent égouttement.

En moi, morte toute énergie pendant
qu’avec la pluie toute vision s’embrume ;
et là, au fond, l’abîme où s’accumule
de la clepsydre l’eau ; le monument

de ma mémoire, et ses voix oubliées,
l’âme au dégoût de rester sans ressort ;
privée de lance et donc de bouclier

à la merci de tous les vents du sort ;
pareille vie, qui est vie dépouillée,
a-t-elle pour nom la vie de la mort ?
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Le temps revient sur Toi dedans ton sein,
l’hier et le demain se figent en un,
le début et la fin en un se fondent.
Ton corps, cette couronne du tissu
royal de l’Univers, est son modèle ;
portion d’immensité, où, nous, les hommes,
nous abritons la timide espérance
de ne pas mourir …

(III, XII, Le corps)
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