(Critique générale de l'oeuvre)
Mushishi est presque une oeuvre à écouter, plus qu'à lire. Elle a un chant distinct, comme le murmure du vent dans les feuilles. Comme le rire d'un ruisseau qui coule. Comme la symphonie assourdissante des insectes les jours d'été. Avec ce même apaisement, cette même douce torpeur. Et c'est avec cette sérénité, avec cet état d'esprit qu'il faut savoir ouvrir un des tomes si l'on souhaite se laisser porter par les histoires qui nous sont contées. Doucement, de l'une à l'autre, avec un pas calme, avec une oreille attentive à l'infinité des bruits qui nous entourent - toute notre attention concentrée sur notre conteur involontaire, Ginko.
Mushishi est un recueil de contes, de récits intemporels, d'histoires indépendantes les unes des autres mais aux racines communes - et profondes, s'enfonçant loin dans l'humus de notre inconscience, allant à la source d'une rivière de vie éthérée. Cela se passe ici et là, dans des petites villes, des villages, des hameaux plus ou moins perdus. Des montagnes saupoudrées de neige, aux sons engourdis par le froid. Un bord de mer, bercé par le son des vagues. Une forêt qui n'en finit pas et dont les bambous chantent sous la caresse du vent. Tous ces lieux où se plaît à se reposer nos esprits fatigués et où notre imagination peut s'incarner; tous ces lieux où s'affole l'existence humaine, au milieu de la multiplicité des personnalités. Et c'est pour cela que tout nous parle si bien : parce que cela pourrait être vous, parce que cela pourrait être moi. Parce que tout est vraisemblable. le surnaturel, pourtant, n'est pas absent de ces récits. Mais ses implications, ses raisons, ses manifestations sont toutes de délicatesse et de sagacité tressées, brodant avec soin l'exquis motif du canevas de l'existence même. Et c'est avec émerveillement que l'on suit les mouvements d'aiguille et l'entremêlement des fils - d'un récit à l'autre, d'un paysage à un autre, encore et encore. Alors laissons-nous emporter. Marchons dans les pas de Ginko, faisons nous plus évanescents encore que les mushis. Répondons à la poésie du monde.
Une promenade sereine au milieu du décor en clair-obscur d'un bois. Pas à pas, en silence et avec révérence. En laissant nos yeux glisser sur les formes floues et éphémères des flaques de lumière, en frôlant du regard les abysses d'ombre où se terrent des choses qui n'ont pas toujours de nom mais que nous reconnaissons pour ce qu'elles sont. Il y a là, infiniment précieuse et tout aussi dangereuse pour qui n'y prend pas garde, une vie foisonnante, en harmonie avec la faune comme la flore. Une autre forme d'existence, plus subtile, plus fugitive. Une autre possibilité de notre monde, ou de nous-mêmes, avec sa riche diversité, avec son incroyable capacité d'adaptation. A chaque nouvelle individualité présentée, à chaque paysage, à chaque saison. Aussi bien dans le temps que dans l'espace. Entre l'animal et l'insecte, plus primitif et plus complexe à la fois, les mushis sont les entités les plus proches de la Vie, aussi abstraits dans leurs représentations qu'elle peut l'être.
Nul esprit ou entité fantastique ici, non; seulement les composantes, souvent mal comprises et craintes, d'un écosystème et de sa biodiversité. Fondamentalement différents de nous et pourtant tellement analogues. Voisins. Ces jeux d'accord et de désaccord se retrouvent parfois entre les mushis eux-mêmes. Comme nous, membres de l'Humanité, entre nous, oui. Ainsi chaque chapitre nous présente une nouvelle catégorie (de mushi) à travers un cas particulier (un individu ou une relation entre deux personnes) pour une situation inédite. Et si les conclusions peuvent diverger, c'est à chaque fois la même morale, que l'on accueille pourtant avec un enchantement sans cesse renouvelé - cet ébahissement qui faisait toute la magie de nos jeunes années lorsque nous ouvrions les yeux sur un nouveau mystère, découvert déjà mille fois, de notre univers : les choses ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Elles sont, tout simplement. Les mushis ne sont pas malicieux, ils ne font que tenter de vivre, de survivre, à leur manière, comme n'importe quelle autre forme de vie. Comme nous, encore une fois. Et de se demander alors : ces rapports entre les Mushis et les Hommes ne sont-ils pas un faux prétexte pour, finalement, mettre davantage encore en lumière les rapports des Hommes… aux Hommes ?
Cette invitation à la contemplation est une respiration lente et profonde, qui revigore notre corps entier par se fraîcheur et sa pureté. C'est le frisson de plaisir ineffable qui prend lorsque l'on porte, du creux de nos mains en coupe, une eau claire à nos lèvres asséchées. C'est se poser, se reposer, et savoir prendre et apprécier le temps qui passe, ces moments presque palpables que l'on voit s'écouler paresseusement sous nos yeux - un "savoir vivre" et un "laisser vivre" parfaitement représentés en la personne & personnalité de Ginko, élément instable qui apporte pourtant l'équilibre chez les autres et qui rappelle à nos mémoires traitresses le sens véritable et la valeur fondamentale du mot "respect". Cette absence de rapport de force, cette douceur intrinsèque ne manque pas de faire éclore dans notre poitrine cette fleur fragile aux milles appellations, les pétales colorés de soulagement, de quiétude et d'une forme de gratitude.
Ce qui est dissemblable n'a pas à être détruit, et ainsi être perdu à tout jamais. Il suffit d'ouvrir son esprit, de laisser danser son imagination, de laisser fleurir sa sensibilité. de laisser s'exprimer cette volonté de saisir la différence et de la laisser s'épanouir, pour la comprendre... et mieux vivre avec elle.
Et nous sommes là, devant la nature qui retrouve toute sa mystique force, toute sa beauté ésotérique, toute sa poésie des choses simples et des petits riens. Réconciliés avec nous-mêmes, en symbiose avec tout le reste, dans un accord rare et parfait où tout trouve grâce et où chaque chose semble à sa place. Les étoiles au-dessus de la tête et la rosée à nos pieds. La paix au coeur et le sourire aux lèvres. Et nous sommes bien.
Concernant enfin le support particulier de ce titre, dont la force première reste l'image, le crayon de l'auteur est assez simple, ce qui peut amener un certain manque de diversité dans les traits des personnages. En revanche, on trouve énormément de détails dans les paysages et leurs éléments tout comme dans la narration (la vie de tous les jours dans un Japon du XIXe siècle, encore replié sur lui-même), qui reste le point essentiel de l'oeuvre. Cela rend l'ensemble d'autant plus saisissant, d'autant plus réaliste. Et, ayant un peu triché en me laissant séduire par l'adaptation animée, je ne peux que saluer la très grande qualité de cette dernière, où tous ces points sont sublimés – et le sont d'autant plus que la musique s'accorde à la perfection à cette ambiance onirique. Ce fut pendant de longs jours mon petit plaisir avant d'aller dormir, comme on peut s'offrir avec gourmandise le réconfort d'un morceau de chocolat.
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Savez-vous ce que l'on appellent "mushi"?
Ceux sont de petits êtres malveillants qui s'introduisent dans le corps des hommes pour les parasiter.
Ginko, lui est un mushishi, il a la possibilité de les voir. Ce don lui permet de guérir les personnes possédées.
Le titre et la couverture m'ont tout de suite attiré. Au début, il a fallu que je me réhabitue au sens de lecture japonais. Puis j'ai été séduite par la qualité du graphisme, tout en finesse. Intéressée de découvrir l'histoire de ces personnes désespérées car aucun remède ne vient soulager les souffrances qu'ils subissent des mushi. Heureusement il croise enfin le chemin de Ginko qui va les aider.
A découvrir!
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Tout est calme, mais jamais entièrement silencieux. Si on dresse l'oreille on entend même le bruit que fait la neige en s'amoncelant. Et même si tout est silencieux aux alentours on entend encore les battements de son propre coeur.
Si les quatre doigts de cette main représentent le règne animal, et le pouce, le règne végétal... Alors l'être humain se trouve sans doute ici, à l'extrémité du majeur, le doigt le plus éloigné du cœur.
Quand on descend vers la paume, on arrive dans des classes de formes de vie plus primitives. En arrivant au poignet, les vaisseaux sanguins se regroupent. C'est le niveau des bactéries et des micro-organismes. Arrivé à ce stade, il devient difficile de distinguer l'animal du végétal.
Pourtant, en allant plus loin, on trouve encore d'autres choses. On remonte le bras, on passe l'épaule... Et c'est sans doute quand on arrive à peu près ici... Que l'on trouve ce que l'on nomme Mushi ou encore "choses vertes".
On appelle " sens du surnaturel " la faculté de saisir ce que l'on a du mal à
percevoir avec les cinq sens. Tout le monde en est doté à des degrés différents.
Personne n'est dépourvu de cette faculté, seulement... il arrive souvent qu'elle
reste endormie parce que l'on n'en a pas besoin dans la vie quotidienne.
Il ne faut pas répondre à quelqu'un qui parle dans son sommeil car c'est la langue du pays de l'autre rive du fleuve des morts.
Ces êtres tenus pour tout à fait lointains, ces êtres apparemment inférieurs, étranges, totalement différents des animaux et des végétaux familiers, les hommes qui les redoutent depuis les temps anciens les appellent mushi.
Des années après Mushishi, Yuki Urushibara revient avec une nouvelle série !
Flow, un manga qui oscille entre aventure policière et poésie envoûtante.
Série finie en 3 tomes.
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