Dans Mushishi, il y a des tomes plus romantiques, d'autres plus familiaux et pour finir certains justes intimes, mais toujours ils sont dramatiques et celui-ci n'y coupe pas avec ses cinq nouvelles histoires dont trois m'ont bouleversée.
A chaque lecture, c'est un réel plaisir de retourner dans l'ambiance hors du temps de Mushishi et de se remettre dans les pas de Ginko sur les chemins montagneux et parfois côtiers de ce Japon d'autrefois, pétri et nourri de légendes. Les histoires sont toutes à la fois différentes et similaires avec cette symbiose volontaire ou non avec la nature, mais surtout avec ce voile dramatique qui recouvre à chaque fois les récits. Pas une histoire n'y résiste, il y a dans chaque une aura de tristesse mais c'est aussi ça qui rend le titre si beau.
Quatre des cinq histoires de ce volume, qui pourrait presque être un recueil au fond comme l'ensemble de la série, se tournent vers des familles chamboulées par la présence de mushi. Dans l'une on parle de la relation d'un fils avec sa mère, d'une fille avec son père, d'une fille avec sa mère et d'un frère avec sa soeur puis sa nièce. Les relations filiales sont vraiment au coeur de ce volume pour ma plus grande joie, car je trouve que l'autrice y met encore plus de sincérité et d'émotion.
J'ai ainsi été très touchée par le premier récit, celui d'une fille ayant perdu sa mère, qui la voit revivre, grâce à un îlot mystérieux, dans la fille à qui elle donne naissance. Cette gestion poétique et fantastique du deuil concernant une île toute entière était poignante, et le message sur l'identité de chacun, très fort. J'ai eu une seconde bouffée d'émotion à la fin du volume avec l'histoire d'un jeune garçon dont la mère perd la mémoire. Sorte de fable sur la maladie d'Alzheimer qui touche tellement de nos proches, c'était bouleversant de le voir si doux et bienveillant avec elle. Il y eu également un poignant moment avec ce frère artiste parti loin de chez lui pour réussir qui revient trop tard une fois sa chère soeur, qui a tant fait pour lui, disparue et qui va s'occuper de sa nièce un peu attardée. L'autrice y soulève des sujets délicats avec une belle finesse et une jolie morale finale. Enfin, dans un registre un peu différent, l'histoire de la joueuse de biwa aveugle mais qui y voit trop bien à son goût, peut-être à l'image de son instrument, était langoureusement mélancolique et dramatiquement poignante, rappelant bien l'importance de vivre le moment présent et non de s'attarder sur un passé déjà vécu qu'on ne peut changer et un futur qui n'a pas eu lieu et sur lequel on n'a pas de prise non plus. Philosopher avec
Yuki Urushibara, c'est vraiment quelque chose !
D'ailleurs retrouver son ambiance poétique est aussi superbe grâce aux dessins soyeux et riches en détails qu'elle nous offre tel un don du ciel pour plonger dans ces moments et lieux hors du temps. Sa représentation fantasmée d'une nature au plus proche de ses légendes mais aussi de ses habitants est simple mais riche et envoûtante. Sa représentation du fantastique foisonne de détails et d'idées, le rendant très proche de nous, ce qui est à la fois fascinant et inquiétant. Quel trait vraiment magique ! Et que dire de sa représentation soignée et fine des émotions complexes des gens qu'elle croise. Son seul défaut est un manque de diversité parfois dans le trait, ce qui fait qu'on a l'impression d'avoir croisé mille fois les personnages ^^!
Envoûtant, enchanteur, merveilleux, Mushishi continue de me charmer avec ses âpres histoires de la vie où les mythes et légendes viennent régulièrement chambouler les personnages. Heureusement Ginko passe par là et aide à soigner ou épauler ses coeurs meurtris quand c'est possible. Chaque tome offre ses histoires douces, poignantes et touchantes où l'expression dramatique de ce fantastique si proche de la nature est superbe ! On en redemande.
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