Il s'agit pour nous d'enrichir les rares indications des biographes et des chroniqueurs par tous les compléments extérieurs dont nous pouvons disposer : la description de l'époque, des vicissitudes politiques et des tensions idéologiques; celle des caractéristiques des milieux où évolua notre personnage : milieux sociaux, professionnels ou politiques; celle, enfin, des mouvements d'idées auxquels il se rattacha ou qu'au contraire il combattit. Pour cela il nous sera parfois indispensable de prendre du recul, car en Islam le poids du passé, et plus exactement des origines, est beaucoup plus grand qu'en Occident.
Aristote était déjà bien connu des Arabes depuis le VIIIe siècle, et était devenu rapidement le "premier maître" d'une école qui, sous le nom de falsafa, ne faisait que reprendre en l'arabisant le nom grec de philosophia. Averroes ne "redécouvre" pas Aristote, mais il l'envisage tout différemment de ses prédécesseurs.
C'est donc l'esprit particulier avec lequel notre auteur andalou considère les penseurs grecs qui doit attirer l'attention, ce qui nous renvoie à des ses choix intellectuels, à ses motivations idéologiques, et à ce qui, dans le contexte de son temps, a pu les influencer.
Quels qu'aient été les sentiments du jeune Averroès jusque-là, quelle que soit la pression et l'attachement de ses parents aux Almoravides, cette date de 1149 et l'obligation qui est alors faite aux Cordouans d'adhérer explicitement à la doctrine almohade marquent une étape décisive dans sa vie. Le jeune homme de vingt-trois ans inscrira désormais son cheminement dans le nouveau cadre qui lui est proposé.
Averroès vient au monde à Cordoue, un mois seulement avant la disparition de son célèbre grand-père, en 1126. De son enfance on ne sait absolument rien. Aucun détail personnel ne permet de distinguer ce fils de notable, appelé à continuer la tradition familiale d'homme de religion.