Ustinov est âgé de 55 ans lorsqu'il publie cette pétillante autobiographie. Elle vaut le détour, même si les cinéphiles seront déçus : l'auteur consacre peu de pages à sa carrière cinématographique. Clouzot, Curtiz et Ophuls ne trouvent pas grâce à ses yeux.
Le rire est omniprésent dans ce récit. Mais parfois c'est le rire du désespoir, surtout pendant les années de guerre. A l'âge de 19 ans, lorsqu'il était soldat dans l'armée britannique, le comédien rejoint le service cinématographique de l'armée. Ces années l'ont marqué durablement et ont forgé son pacifisme.
« J'ai détesté l'armée comme la peste, mais pour rien au monde je n'aurais pas voulu y échapper » P 194
Je reviens au début du livre, où le comédien détaille son incroyable ascendance : du sang russe, allemand, polonais, palestinien, éthiopien, italien ! Des pages savoureuses : il y a quelque chose de démesuré, comme les personnages qu'il incarne parfois.
Et puis, plus tard, dans un tout autre registre, un épisode que j'ai gardé en mémoire : dans les années 50 à Hollywood, au temps sombre du maccarthysme,
Ustinov enregistre pour la BBC un courageux diatribe où il dénonce la ‘chasse aux ennemis de l'intérieur'. le personnel du studio est sidéré, car c'était une sorte de dictature et personne n'osait broncher. P299
Un extrait sur le metteur en scène Ophuls :
«
Lola Montès [ 1955 ] devait devenir un classique du cinéma. On aurait pu difficilement s'en douter pendant le tournage.
Max Ophuls était [ ] un Allemand rigolard qui vivait dans sa stratosphère personnelle pleine de subtilité, et se protégeait contre l'intrusion [ ] en utilisant une perversité merveilleuse et grotesque. Lorsque j'eus le triste honneur d'écrire sa notice nécrologique du Guardian, je déclarai que
Max Ophuls était le genre d'homme capable de fabrique la plus petite montre du monde, et ensuite de vouloir absolument l'accrocher à une cathédrale pour que les passants puissent lire l'heure ». p308