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Critique de Soukiang


Comme un phare dans la tourmente de Wendall Utroi est un bijou de littérature, un concentré d'émotions à l'état ... pur !

Il y a un temps pour tout ... la naissance et la découverte des sensations, la petite enfance et les découvertes du monde avec des yeux émerveillés, l'adolescence avec les jeux de l'insouciance et les prémices du coeur, l'âge adulte avec ses joies et les vicissitudes de la vie, l'amour, les petits plaisirs, les joies et les moments de bonheur succèdent à des moments de peine et de souffrance et puis inexorablement, les rides se creusent un peu plus, les cheveux blancs apparaissent, le corps se meut de plus en plus difficilement, la roue tourne encore et toujours, les secondes s'égrènent puis les jours, les années filent à une cadence infernale, pas le temps de se retourner et déjà, au crépuscule de sa vie, que reste-t-il à faire ? Que reste-t-il de nos amours ? Quels souvenirs garderont et emporterons-nous dans l'au-delà ...
Pour Martial, son quotidien se résume à l'attente, celle de revoir encore sa fille unique et surtout son petit-fils, ce "petiot" qu'il affectionne tant d'un amour inconditionnel et d'une tendresse infinie.
En attendant leur visite, il se souvient ...

Jusqu'à présent, l'auteur, Wendall Utroi, était surtout connu pour ses thrillers (L'enjeu, Wanda, Un genou à terre ...) mais avec Comme un phare dans la tourmente, il livre un récit intime, personnel, tout en délicatesse et enrichi de sa propre expérience et de ses souvenirs.
Cela se ressent dès les premiers mots lus, il m'a été si difficile de lâcher cette lecture qui la place d'emblée parmi les plus belles et les plus émouvantes, jusqu'au bout de la nuit je suis allé chercher les derniers mots, je voulais tellement découvrir le fin mot de cette histoire et si ce n'était pas un éternel recommencement ...

Je remercie l'auteur de m'avoir proposé son roman, une personne avec qui j'ai eu le plaisir d'échanger quelques mots à propos de cette histoire toute personnelle, un plaisir de communiquer sur la vision de la vie, une philosophie, je sens la personne qui a atteint une certaine maturité, une forte dose d'empathie et de compassion à l'égard des autres, vivants ou disparus, à commencer par son grand-père. Il le précise d'ailleurs en préambule, ce qui était juste un brouillon il y a quelques années est devenu un livre et quel livre !
Le sujet n'est pas nouveau, quand une personne arrive aux confins de son existence, elle va invariablement et inévitablement, naturellement se livrer, se confesser, demander pardon le cas échéant, vouloir revoir une dernière fois ses proches les plus importants et essentiels à ses yeux, personne n'est immortel, il y a un temps pour tout ...

Mais tout l'art de décrire, de faire ressentir le personnage principal, Martial, un paysan de prime abord rugueux, taciturne mais entier dans son approche avec les autres, il ne connaît pas l'hypocrisie, c'est d'avoir réussi à lui donner un nom, un visage, à le rendre progressivement de plus en plus attachant au point de lui trouver toute l'empathie indispensable pour comprendre, l'écueil sans quoi il aurait été difficile d'en éprouver cette compassion, à faire craqueler le vernis sous lequel se cache une vie entière dédiée au labeur, à la terre, aux bêtes, à son exploitation agricole, ce milieu naturel et à part pour en faire davantage qu'un simple décor.
L'auteur sait manier les détails, tout est à sa place, rien ne semble singulier, une vie simple à la campagne, la maison devient un havre de paix et de sécurité, les arbres qui l'environne ont leur propre vie, ces éléments inaltérables et impertubables qui forcent l'admiration, les saisons qui se suivent et se ressemblent avec leur degré de variations, le cycle immuable de la nature, paisible et intemporelle.
Le respect de la nature est incontournable quand il s'agit d'aborder une histoire dans un tel cadre, bucolique à souhait, touchant, des phases de calme et de routine paisible, des valeurs et des richesses incomparables au regard de l'évolution de la société, pourtant l'histoire se passe juste au début des années 70 ...

"Ainsi allait la vie ..."

Cette histoire n'aurait pas eu le même impact sans l'aspect psychologique, l'écriture de thrillers en amont est un bon postulat de départ pour écrire et aborder ce qui va définir la colonne vertébrale de l'histoire, à savoir ce qui peut se passer dans la tête d'un paysan qui en a vu de toutes les couleurs, qui s'est forgé une carapace, une identité propre et personnelle, c'est un peu le "sauvage" du coin, il se déplace très peu en dehors de son tracteur pour labourer ou à l'occasion de longues promenades sur ses terrains, sans spoiler, je peux dire que Martial aura vécu, les épreuves de la vie qui vont lui tomber sur la tête, l'isolement, la solitude, rien ne lui sera épargné, pourtant il en faudra plus pour fissurer cette puissance de la nature qui se confond avec son milieu naturel, tous les signaux clignotent en faveur d'un ralentissement de ses activités, ses efforts pour se lever le matin, assurer la pérénnité de l'exploitation, travailler c'est vivre, vivre c'est travailler, le respect de la nature, la patience, aller au bout de soi-même, donner le meilleur, ne rien regretter jusqu'à ...

... ce temps qui passe, la confiance inébranlable mise à rude épreuve, le poids du passé qui rejaillit, les bons souvenirs se rappellent leur existence, la résistance aux affres des turpitudes de la vie et des autres, le titre éponyme du roman va alors prendre tout son sens et par le biais de sublimes métaphores magnifier toute la quintessence des émotions qui pourra éclore et éclater de ses plus belles parures. Les larmes ne sont jamais loin, de nature sensible, plus d'une fois, mon coeur a battu la chamade pour des raisons toutes personnelles également en sus de l'histoire, il est difficile de réprimer ses états d'âme, les flash-back surgissent, des bribes ou des moments privilégiés s'en mêlent, c'est la parade des coeurs légers et malgré tout, une lecture qui va apporter son lot de rebondissements comme dans toute vie, les personnages qui entourent Martial sont plein de vie, de ressentiments, de peurs diffusés et de craintes mélangées, les tourments de l'existence, les peines profondes qui entourent l'aura de chacun, les regrets éternels, les non-dits qui ont autant, sinon plus de force dans l'expression des sentiments, la colère, l'espoir qui succède aux désillusions, c'est tout le panel au grand complet des émotions contrariées et des amours contrastées qui va défiler devant vos yeux, vous faire chavirer votre coeur de lecteur, la fatalité de la mort n'est pas une utopie, le deuil des vivants est amplifié par l'impuissance de l'inaction, Martial réussira-t-il à tourner la page pour affronter le seuil ultime de sa vie, à trouver les ressources nécessaires pour affronter son destin, à freiner la marche inéluctable du temps, à dominer ses sourdes envies, à garder confiance en lui-même, à préserver suffisamment de forces pour les siens ...

Un dimanche à la campagne ...

Les réunions de famille sont toujours un moment spécial et précieux dans l'existence de tout un chacun, certaines personnes en profitent pour régler de vieux comptes, d'autres pour répandre la parole de la sagesse, des rires et des joies alternent des instants de mélancolie et de regrets éternels, des formules sous-jacentes sèment le doute, les odeurs et autres saveurs des plats préparés spécialement ce jour-là sentent la nostalgie, le temps semble toujours passer trop vite, l'occasion de transmettre des valeurs et des réflexions bienveillantes, la vie peut être parfois un long fleuve tranquille, si seulement ... avec des si, on peut refaire le monde, inlassablement, la simplicité de toute chose, avant la vie était mieux, l'incursion de gadgets technologiques avec leur lot de satisfaction éphémère, la mode de la ville, les habitudes chamboulées, les êtres humains ne changent pas dans leur profond désarroi ou leur solitude, la mort guette, méditation du temps qui change, les liens du sang intangible et inaliénable, l'appel du coeur, l'amour regorge de multiples facettes, l'impermanence des choses contraste avec celle qui donne dans l'inséparable, l'attachement à l'âme des vivants prenant alors une place prépondérante et exponentiel au regard de la futilité matérielle des objets, les sentiments ne durent jamais que dans la durée et surtout la réalité, les signes vitaux et inspirés, le regard, la présence de l'autre, le silence encore qui devient un langage à part entier avec ses propres codes, les fantômes du passé, le rituel immuable des saisons, des thématiques universelles qui sont transcendées au fil des souvenirs ressassés par le personnage principal, à travers lui-même et aussi des autres, Martial va découvrir des choses et d'autres, rien n'est jamais acquis, il va l'apprendre à ses dépends, j'ai trouvé qu'il avait un très haut degré de philosophie de la vie, de cette sagesse qui permet de voir la vie autrement, de ne pas s'arrêter à des détails propres à passer à côté de l'essentiel, personne n'en sortira indemne dans cette histoire qui respire, qui illumine dans ses larges vecteurs et conséquences, la providence n'est jamais loin, le combat est quotidien ...

Et la magie fut ...

L'héritage, les règles de transmission, le secret de la vie, la dévolution, l'amour qui se conjugue à toutes les sauces et pas seulement celle au regard de sa bien aimée, l'exaltation et l'osmose qui soutient les piliers de la maison, cette force émotionnelle brute qui peut rebondir à tout instant, tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir, un roman qui touche directement au coeur des âmes sensibles, dans le chaos des émotions et des sentiments éprouvés, dans la contradiction et les différences, composer devient une route plein d'obstables mais dont l'effort, la soustraction et surtout cette volonté de protéger ses semblables, d'aimer son prochain, de tout donner, de laisser des legs, des espérances de lendemains meilleurs, d'une vie meilleure emportent tout sur son passage, Martial n'a pas fait la Guerre pour ne pas éprouver de la fierté d'être, un résistant, un homme de valeurs, un être humain qui ne demandait rien d'autre que d'attention et d'amour, le temps est rude et traître, avoir peur n'est pas incongru ni la preuve d'une faiblesse mais bien la preuve que l'on vit, que l'on ressent, un moteur dans la vie, comme dit le dicton "Tomber sept fois se relever huit".
La plume de l'auteur est teinté de cette lenteur propre à la vie à la campagne, le respect de la nature et des saisons qui se suivent, l'amour des animaux qui dépasse le cadre du domestique, une histoire dont émane de purs instants de poésie propre à vous donner le frisson, plus d'une fois, cela m'a simplement pris aux tripes, un rendu émotionnel puissant dans les rapports non-verbiaux entre différents personnages, des scènes qui vous marqueront durablement.

Martial incarne ce socle, cet âme érigée en forteresse, sa maison est un refuge mais pas que, c'est la quiétude et la bienveillance réunies, le témoin de tous les meilleurs souvenirs de sa vie, la bonté et l'ivresse parfumée qui se dégage de ce lieu, un sentiment d'urgence va naître progressivement au tréfonds de son âme, puisant au plus profond de lui-même pour soulager sa conscience et celle des siens, sera-t-il à la hauteur de cette ultime ... récolte existentielle ?

Un roman absolument émouvant qui convoque la tendresse à vous fendre le coeur et à tous les étages de votre soupape émotionnelle, la vie sous toutes les coutures avec ses aléas, un roman qui se veut optimiste, une belle leçon de philosophie de la vie, prendre la vie du bon côté, vivre l'instant présent, demain est un autre jour, à chaque jour ses joies et ses duretés n'a jamais été aussi vrai pendant toute cette lecture, je vous invite vivement à lire Comme un phare dans la tourmente de Wendall Utroi Auteur.
Un livre auto-édité dont vous vous en souviendrez ... longtemps.
Je serai tenté de dire aussi, plus vous êtes agé, plus vous serez en mesure de prendre toute la dimension sentimentale que cette histoire pourra vous apporter. Ce rapport intarissable avec le temps qui passe.

Je termine avec deux citations qui en disent long sur l'une des thématiques principales du livre, le rapport entre un grand-père et son petit-fils ...

"Personne ne peut faire pour les enfants ce que font les grands-parents. Ceux-ci répandent une espèce de poudre d'étoiles sur leurs vies." (Alex Haley, artiste et écrivain, auteur notamment de Racine et L'autobiographie de Malcom X)

"La meilleure façon d'aimer quelqu'un, c'est de ne jamais oublier qu'on pourrait le perdre à tout instant."
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