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Après avoir lu Fière comme une batelière, j'ai choisi un autre livre de Maryna Uzun, le voyage impaisible de Pauline avec un joli néologisme dans le titre. L'autrice m'a envoyé le livre qui s'est installé dans le haut de ma PAL.
Maryna Uzun raconte, je pense, un peu d'elle même dans cette histoire d'amour. L'héroïne, Pauline est une Ukrainienne de Kharkov, deuxième ville d'un pays qui panse les plaies de la dictature soviétique. Elle se rend en France pour un concours d'entré au conservatoire qu'elle n'aura pas. A la place un gagne un amour fort et intense pour Tom. Ce dernier accepte le mariage avec cette jeune fille de dix ans de moins que lui afin de lui permettre de pouvoir revenir légalement pour le retrouver. Elle sera aussi aidé par un attaché culturel atypique de l'ambassade de Kiev, Antoine, qui deviendra un ami.
Tom est chef d'une bande d'artistes, intermittents du spectacle. Il emmène sa troupe et sa femme dans le Cantal pour s'y produire de façon permanente.
L'amour entre Tom et Pauline évolue en fonction des saisons, des représentations, des humeurs des autres artistes, de Pia, notamment, amoureuse de son mari et jalouse.
Jusqu'au drame.
La vie de Pauline bascule alors dans une autre dimension.
Maryna Uzun écrit avec un style classique mais rempli de légèreté et on rentre en douceur mais très facilement dans la vie de la jeune danseuse. J'ai apprécié la première moitié du livre même si je trouve que parfois, il y a quelques longueurs. On se demande où cette histoire presque banale va nous mener.
Mais j'ai dévoré la deuxième moitié. Celle qui suit le drame. La poésie feutrée du quotidien au début raconte, outre l'histoire d'amour, l'intégration de Pauline en France, à Paris puis dans le Cantal. Cette poésie devient magnifique dans la deuxième partie. En peu de mots, sans pathos, sans sentimentalisme, on suit la volonté farouche de la jaune ukrainienne de s'en sortir. Les cent dernières pages se lisent d'un coup. Il est alors difficile de poser le roman.
Une histoire qui a donc fini par me toucher et que je conseille à tous ceux qui aiment ces histoires de vie poétiques.
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♫Devant un café-crème
Épuisés mais ravis
Fallait-il que l'on s'aime
Et qu'on aime la vie
La bohème, la bohème
Ça voulait dire
On a vingt ans
La bohème, la bohème
Et nous vivions de l'air du temps♫
-Charles Aznavour- 1965 -
---♪---♫----🩰---💙💛---🩰----♫---♪---
Maryna nous parle d'un temps
Que même les moins de 20 ans
peuvent bien sûr reconnaître
2014-Kharkov, déjà en ce temps là
Etait le théâtre d'importants combats ...

Son Exil sous les toits de Paris
Derrière le plafond c'était déjà le paradis
Elle prendra goût à trouver des rimes
Sex'prim, hierarchie, respect patronyme
Pauline, une Belle d'abandon
celle qui danse au bout d'un baton
Travailler sans raisonner, ou l'inverse peu ou prou
Laisser parchemins au Perret, ses bâtons dans les roues
Parole jetée prend sa volée
Je suis venu te dire que je te veux en violet
Ainsi Amants et poétes, ils vivaient sur Vénus,
"Qui langue a, à Kiev va" n'était qu'un proverbe russe...
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Le voyage impaisible de Pauline, écrit par Maryna Uzun qui crée un néologisme original, a été publié en 2014. L'autrice étant d'origine ukrainienne, il est impossible de lire sans penser au drame que vivent les Ukrainiens, cette terrible guerre menée par la Russie de Poutine contre un pays n'aspirant qu'à vivre en paix.
Pauline, l'héroïne du roman, est née à Karkhov et a grandi dans la deuxième ville d'Ukraine située à 413 kilomètres de Kiev. L'agglomération compte plus d'un million d'habitants. Si les Français l'appelaient Charcovie au XIXe siècle, elle fut, un peu plus tard, de 1917 à 1934, capitale de la République socialiste soviétique d'Ukraine. Anna et Anatoli, les parents de Pauline parlent russe car dans cette grande ville martyrisée durant la seconde guerre mondiale, l'influence de la langue russe est importante. D'ailleurs, si le russe est utilisé dans la vie courante, l'ukrainien reste la langue officielle.
Hélas, à cause de cette guerre qui fait honte à la civilisation européenne d'aujourd'hui, Karkhov a été partiellement détruite par l'artillerie russe, cette année.
L'histoire mise en scène par Maryna Uzun se passe donc quelques années avant ce drame qui dure encore. Pauline rêve de devenir danseuse. Après quelques années de formation à la danse classique dans sa ville, elle veut partir pour Paris où elle va tenter un concours pour intégrer une école de danse.
Si elle sait que sa candidature est un échec, Pauline rêve de danse contemporaine. C'est alors que, square Lamartine, elle rencontre par hasard, Tom (Thomas) qui a dix ans de plus qu'elle, alors qu'elle n'a que vingt ans. Si je me doute de l'idylle qui s'amorce, l'inquiétude revient vite car le visa touristique de Pauline ne dure que trente jours. Elle doit retourner en Ukraine avec une seule idée : revenir à Paris et épouser Tom. Il faut dire qu'ils ont fait l'amour, Tom notant d'ailleurs que, pour lui, c'est la première fois qu'il a des relations sexuelles avec une vierge.
Pour pouvoir revenir dans les bras de Tom qui veut bien du mariage pour lui permettre un retour en France, il lui faut un visa. Après le certificat de célibat, elle doit faire le pied de grue à l'ambassade de France, à Kiev.
Démoralisée par les heures d'attente, elle est prête à renoncer quand un homme portant un badge s'approche et déclare : « L'administration, la bêtise au front du taureau ! ». Pauline réagit aussitôt et s'écrie : Baudelaire !
Cette culture littéraire de notre jeune ukrainienne est son meilleur passeport pour la France car l'employé du service culturel, Augustin Beaulieu, est efficace. Sans en dire plus, je peux seulement laisser sous-entendre que ce personnage reviendra un peu plus tard…
L'aventure parisienne de Pauline et Tom se poursuit dans le Cantal, à Yolet où Tom est embauché comme directeur artistique d'un projet culturel ambitieux. Pauline fait bien sûr partie de l'équipe car ses talents de danseuse séduisent le public. Dans la troupe, une certaine Pia a un rôle non négligeable.
Tiraillée entre son pays d'origine par l'intermédiaire d'une mère assez envahissante, et la France, Pauline tente de trouver son équilibre.
Maryna Uzun mène son roman de manière très classique avec une écriture qui ne m'emballe pas. Par contre, l'autrice me fait découvrir son pays d'origine par de petites notes très intéressantes.
Au fil des pages, j'espère un événement surprenant, un rebondissement inattendu, voire dramatique. Quand cela arrive enfin, le style de Maryna Uzun reste très classique.
L'amour est fort dans le voyage impaisible de Pauline, plus fort que tout et c'est bien l'essentiel ! Je remercie Maryna Uzun qui m'a permis de découvrir un de ses romans faisant partie d'une production littéraire déjà conséquente.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Pauline est une fée.
Elle en a le charme, la finesse, et l'élégance. Quand elle s'avance dans la vie, elle le fait avec la grâce, la majesté, et la calme assurance du cygne en train de fendre l'onde. Tout le monde s'écarte et la regarde, subjugué, par tant de simplicité et de certitude.
Pauline est drôle. Elle a ce don de transmettre sa joie aux autres.
Pauline est belle. Sa voix chantante et claire, ses épaules rondes, sa lourde chevelure et son long cou ensorcèlent les hommes.
Pauline est une poétesse qui voit les choses cachées aux yeux du quidam.
Pauline a de la force d'âme, de celle qui transforme les rêves en réalité. Les montagnes, elle les aplatit ; les tempêtes, elle les traverse.
Tout n'est pourtant pas paisible dans le long voyage de Pauline, cette Française en Ukraine, et cette Ukrainienne en France. Elle doutera, et d'abord d'elle-même. Elle subira des revers. Au détour d'un chemin, en respirant une odeur fugace, la nostalgie de sa famille et de son vieux pays la prendra à la gorge. Ici et là, elle perdra quelques illusions. Puis il y a cette voix, ce rire de cet être tant aimé, trop tôt disparu, qui l'accompagnera jusqu'au bout du chemin.
Les parents qui attendent leur fille adorée, le sourire et les pâles menottes de Lena, le dernier coup de couteau de Pia, et Augustin le roi mage…
Suivez Pauline qui traverse la vie de sa silhouette aérienne et majestueuse. Suivez là ! Ralliez-vous à sa robe bariolée.
Merci Maryna.
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Le voyage impaisible de Pauline - Roman - Maryna Uzun - Éditions Les 2 Encres - Lu en août 2022.

Impaisible, voilà un mot qui ne figure pas dans le dictionnaire mais qui est très explicite et poétique, bien plus que impossible, difficile ou improbable.

Pauline, petite jeune fille ukrainienne, un beau jour, dans un grand oiseau blanc, s'élance vers la France, Paris afin de tenter sa chance lors d'un concours de danse.

La danse, c'est Pauline, Pauline, c'est la danse.
Mais Pauline c'est aussi le rêve, la poésie, la naïveté, la beauté. Hélas, la voilà quittant la planète Rêve pour se plonger dans la dure réalité de la planète Terre avec un échec cuisant. Elle rate le concours, trop de trac, pas assez d'assurance, de confiance en elle.
Elle est triste Pauline et erre dans les rues de Paris quand elle tombe - au propre comme au figuré - sur un jeune homme assis sur un banc. Ils discutent. Tom est comédien, rêveur et poète comme elle. Ils s'aiment, profondément, passionnément. Pauline et Tom, ce sont les amoureux de Peynet.

Mais par un vilain jour, Tom s'en va si loin que Pauline ne peut le rejoindre. Elle est dévastée, déprimée, elle est vide de Tom mais pleine de l'enfant qu'elle attend.

Pauline confie sa petite fille Léna à ses grands-parents en Ukraine, elle est sûre que Léna sera choyée et aimée comme elle l'a été en tant que fille. Léna restera là-bas jusqu'à ses cinq ans.

Petit à petit, lentement, Pauline reprend goût à la vie, retrouve le sourire, se remet à danser, fait des rencontres, mûrit, mais garde son âme de rêveuse et de poète. Elle rend visite régulièrement à ses parents et à sa fille.

Et puis, un nouveau beau jour, elle rencontre Augustin, professeur de philosophie, pratiquant l'écriture et la musique à ses heures, grand admirateur de J.S. Bach.
Pauline et Augustin, ils sont Pierrot et Colombine.

Ils se marient, Léna a un papa réel, ils sont heureux...

Maryna Uzun a une manière unique de raconter la vie de ses personnages, vie qui, même impaisible, n'en reste pas moins un conte de fées, un conte philosophique.

C'est léger comme de la ouate.
C'est tournoyant comme un manège.
C'est chagrin comme les départs.
C'est joyeux comme la musique.
Et les mots sont poésie.

J'ai relevé une phrase du livre page 206 ; " Il (Augustin) vivait toujours dans le silence des livres, et cela commençait par ne plus lui suffire... "

Eh bien, à moi ce livre a parlé ! Je les trouve d'ailleurs forts bavards les livres.

Merci Maryna pour ces moments de lecture qui m'ont fait oublier que j'avais la Covid. Fatiguée mais guérie, je peux enfin poster ma chronique.

4 recueils de poésies de Maryna Uzun m'attendent pour d'agréables flâneries afin d'oublier cette période morose et angoissante qui pèse sur le monde. .

5 étoiles pour ce super beau roman.

Et surtout prenez soin de vous.

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Recalée au concours de danse du Conservatoire de Paris qui lui a fait entreprendre le coûteux voyage depuis sa ville de Kharkov, en Ukraine, la jeune Pauline concrétise pourtant un autre rêve, plus secret celui-là, lorsque le hasard la met sur le chemin de Tom, intermittent du spectacle, et que leur coup de foudre suivi d'un mariage express lui ouvre définitivement les portes de la France, ce pays qu'elle idéalise. Une vie de bohème heureuse commence pour le jeune couple, qui n'en a toutefois pas fini avec les coups du sort, cette fois implacablement dramatiques.


Sous ses dehors de romance légère qui narre les faits sans s'y appesantir, comme l'on regarderait à travers une vitre le défilement d'une vie, ce récit rédigé au passé, sur un ton globalement enjoué et comme détaché, prend une toute autre saveur quand une des épigraphes du livre, « Je n'ai pas fait un autoportrait, j'ai photographié mon ombre », et quelques proximités troublantes entre le parcours de Pauline et celui de l'auteur, viennent jeter un doute tenace dans l'esprit du lecteur : jusqu'à quel point l'ombre de Maryna, en couverture, se confond-elle avec celle de son personnage ?


Dès lors, les imperfections-mêmes du récit, il est vrai à première vue sans profondeur véritable, finissent par rendre plus touchante la narration sobrement contenue dans une sorte de prudente mise à distance. L'émotion est bien là, à se laisser deviner. Ou plutôt, elle ne transparaît que désormais tenue en laisse, dans un parcours marqué par la résilience, caractéristique de tant de ces vies slaves habituées à bannir l'auto-apitoiement dans les épreuves auxquelles elles ont à faire face depuis des générations.


C'est ainsi qu'en quelque sorte note de fond du roman, l'émotion se retrouve presque masquée par la note de tête légère et fraîche d'un récit plein de vivacité, piqué des mille observations d'une jeune femme qui découvre avec sensibilité les différences culturelles entre la France et l'Ukraine, confrontant ses rêves à la réalité, s'appliquant à l'apprentissage d'une langue dont elle connaît alors mieux les citations de grands écrivains que les expressions quotidiennes, le tout avec une spontanéité pleine de poésie et de bonne humeur qui font tout le charme d'une écriture parfois joliment décalée, émaillée de petites inexactitudes involontaires comme de trouvailles judicieusement imagées.


L'on referme alors ce livre sur une note de coeur, pris d'affection pour la sincérité simple et courageuse d'un récit que l'on aurait tort de réduire à une simple romance un peu superficielle.


Un grand merci à l'auteur pour la gentillesse de son partage.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Je n'aime guère le qualificatif de romance que plusieurs lecteurs attribuent à ce livre, d'autant qu'il découle d'une littérature américaine et anglo-saxonne qui a créé cet anglicisme, éloigné me semble-t-il du voyage de Pauline.

Est-ce même un roman d'amour? Je trouve que ce texte va plus loin que les histoires d'amour qu'il développe, en se situant avant tout sur le point de vue d'une immigrée qui va s'intégrer dans la culture française sans renier ses racines ukrainiennes qui sont également évoquées à travers la vie des parents de l'héroïne demeurés en Ukraine.

J'ai aimé le style, les jeux du vocabulaire, l'humour, les références à la poésie française, les descriptions des rues et jardins parisiens toujours accompagnées d'une vision particulière que peut en avoir l'étranger, je veux dire celui qui n'est pas de Paris. Une échappée en Provence entraîne le lecteur dans un contexte où les relations amoureuses sont beaucoup plus simples et naturelles, ciel, soleil et mer leur conférant une dimension avec laquelle les minuscules abris sous le zinc parisien ne peuvent rivaliser.

L'héroïne devient assez vite très attachante, elle souffre de sa différence, des regards de ces jeunes hommes et femmes qui rejettent les bobos et pourtant en adoptent souvent les comportements. Maryna Uzun présente fort bien toutes les attentes de Pauline, ses hésitations, sa loyauté, ses choix de vie difficiles qu'elle réalise finalement seule, peu accompagnée par ceux que l'on croit amis, ni même par ses parents avec lesquels elle creuse involontairement le fossé qui les isole de sa nouvelle vie, encore qu'elle parvienne à le combler en partie à la fin du livre.

Alors, romance pour certains, roman d'amour pour d'autres, autobiographique en partie probablement mais cela doit rester dans les secrets de celle qui l'a écrit, pour moi c'était un vrai voyage humain que le terme "impaisible" qualifie parfaitement.

Merci Maryna de m'avoir offert cette belle lecture estivale.
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Impaisible, adjectif rare, synonyme d'agité, qualifie hélas la situation ukrainienne en ces temps non paisibles de haine et de guerre.

Impaisible est la vie de Pauline, native de Karkhov, émigrée en France où elle mène une vie d'intermittente du spectacle, se marie puis voit sa vie bouleversée dramatiquement.

L'écriture de ce roman m'a séduit par son originalité et sa beauté qui révèlent une plume bi culturelle formée dans une région de langue russe puis cultivée dans notre pays et une personnalité dotée d'une attention multi sensorielle qui transmet à travers ses pages les gouts, les images, les parfums et les sons qui nourrissent sa vie.

L'intrigue se déroule en partie à Karkhov, où vivent les parents de Pauline, et ce versant est aussi passionnant que déprimant en révélant une société évoluant difficilement du communisme (avec ses minuscules logements délabrés sans rideaux) au libéralisme (avec ses enseignes commerciales anglosaxonnes) sans offrir de perspectives à sa jeunesse.

Comment lire ses pages sans penser aux habitants de Karkhov, placés aujourd'hui au coeur du conflit qui ravage cette terre ?

Comment les comprendre sans se remémorer les batailles de la seconde guerre mondiale qui détruisirent cette ville et cette région qui était un des principaux poumons industriels de l'Union Soviétique ?

Je remercie Maryna Uzun de m'avoir offert son ouvrage (publié en 2014) lors d'une « opération littéraire spéciale » et j'exprime le voeu que Pauline et les habitants de Karkhov/Karkhiv retrouvent une vie paisible.

PS : Maryna est active sous le profil BABELIO Nemorino

Lien : https://www.babelio.com/monp..
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« Je n'ai pas fait un autoportrait, j'ai photographié mon ombre. »

Maryna, d'emblée, fait mouche avec cette expression en préface de son livre. En psychologie analytique, l'ombre est une partie de la psyché formée de la part individuelle qui ne se connaît pas elle-même et dont l'existence même est souvent ignorée. C'est l'un des principaux archétypes décrits par Jung dans le cadre de la psychologie analytique mais aussi en langage commun : zone sombre résultant de l'interception de la lumière ou de l'absence de lumière, silhouette sombre plus ou moins déformée que projette sur une surface un corps qui intercepte la lumière.

J'avais pris beaucoup de plaisir à la lecture de « Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas ! ». J'y avais apprécié une certaine proximité avec Maryna et aussi, sa façon bien à elle de jouer avec les mots, ce style qui la caractérise et dans lequel, elle excelle et cette précieuse poésie qui se dégage de ses textes. Elle lance un mot, un peu comme une balle, et elle observe le dénouement pour mieux en savourer le final ! Je gardais dans ma bibliothèque virtuelle « le voyage impaisible de Pauline ». Connaissant les origines de Maryna, le néologisme du titre semblait exprimer, à lui seul, tous les aléas du déracinement. C'était une part d'elle-même qu'elle transposait dans ce livre, qu'elle était la part de Maryna dans Pauline ou de Pauline dans Maryna ? Devant ce questionnement, je souhaitais me plonger dans ce voyage impaisible. Muée par je ne sais quel pressentiment, Maryna a eu la gentillesse de m'adresser sa « Pauline ». Je l'en remercie vivement pour tant de bienveillance.

Pavlina est née à Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine et ancienne capitale de la République Socialiste Soviétique d'Ukraine. C'est une très jolie jeune fille dotée de l'indéfinissable charme slave. Passionnée de danse, portée par des rêves d'un ailleurs, la France notamment, et de réussite, elle quitte Kharkiv pour Paris dans l'espoir d'être reçue au concours d'entrée du Conservatoire de cette ville. Elle est recalée et devant cet échec, totalement désemparée, au détour d'une promenade solitaire, elle rencontre Tom, intermittent du spectacle. Entre eux, c'est le coup de foudre, Si le rêve de Pauline s'écroule, l'Amour entre par la grande porte. Et c'est en la compagnie de Tom et de Pauline que le lecteur chemine dans cette vie de bohème, tentant de vivre voire de survivre dans ces jours sans pain où l'insouciance permet de supporter la sempiternelle course aux cachets et des lendemains qui déchantent. Mais ils s'aiment et l'avenir leur appartient malgré les obstacles administratifs auxquels ils doivent faire face pour leur mariage entre autres.

Ce récit permet de découvrir le milieu d'une troupe d'artistes avec, là aussi, ses difficultés à faire cohabiter les différentes personnalités, les jalousies, les relations complexes qui aboutissent parfois à des conflits malgré l'investissement artistique des uns et des autres et leur passion commune. Mais le désir de vivre de leur vocation créatrice est plus fort que tout. C'est un moteur à nul autre pareil, une énergie qui permet de surmonter les montagnes russes auxquelles parfois leur quotidien peut ressembler. Mais la Vie nous envoie, parfois, certaines épreuves à surmonter dont le sens nous échappe. Il faut s'accrocher à Elle pour ne pas sombrer.

La famille de Pauline permet aussi de découvrir la vie en Ukraine, bien avant cette guerre dévastatrice. Anna et Anatoli sont des parents attentifs qui espèrent une vie meilleure pour Pauline loin de ce pays instable, au quotidien difficile, au niveau de vie très insatisfaisant, suscitant des rêves d'un ailleurs. Ils sont prêts à tous les sacrifices pourvu que leur fille puisse réaliser ses aspirations.

J'ai été très sensible à ce récit en subodorant les éventuelles difficultés auxquelles Maryna avait été confrontée. Malgré une écriture à distance, plutôt neutre dans le désir de rester pudique, de ne pas s'appesantir sur les épreuves de Pauline, je découvrais l'histoire en pointillé de l'auteure bien que je ne sois pas à même de faire la différence entre la fiction et l'expérience. C'est toujours troublant de s'immiscer et d'appréhender l'ombre d'une auteure.

Si au début du récit l'écriture se fait modeste, dans le sens d'inexpérimentée, au fur et à mesure de la lecture, l'écriture se fait plus maîtrisée, plus sagace, comme si les épreuves de la narration apportaient plus de maturité à la plume de l'auteure. C'est l'un des intérêts de ce voyage impaisble de Pauline, observer le changement qui s'est opéré entre ces deux livres, apprécier la mue de l'auteure et se dire qu'elle s'est trouvée dans « Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas ».

J'ai retenu cette phrase qui augurait de la future Maryna :

« Tom avoua : - Pour moi la création, s'est jeter tout dans l'eau, dans le désordre, puis observer comment les courants internes tirent les pensées, les déplacent et les regroupent naturellement ; je ne connais que ce processus-là. A l'intérieur, il y a quelques idées qui ont la force attractive des aimants, c'est tout. »
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« Elle n'avait que vingt ans, et tout le monde s'étonnait que sa mère, qui la couvait « comme un oeuf peint », selon une expression ukrainienne, la laissât partir. »

À l'aube des années deux mille, Pauline, jeune danseuse à l'avenir prometteur, décide de faire le grand saut. Laissant derrière elle l'Ukraine et ses perspectives limitées, des parents aimants un brin étouffants, elle part pour Paris, LA ville rêvée des artistes. Elle y fait la rencontre de Tom, jeune homme de bonne famille ayant tout plaqué pour se vouer corps et âme au théâtre. L'amour entre eux, incandescent et immédiat, se nourrit de leur passion commune pour l'art et d'une même conception de la liberté. Tournant résolument le dos aux « professions de cimetière » qui offrent un niveau de vie enviable au prix d'un ennui mortifère, ils s'engagent ensemble sur la voie étroite et périlleuse de la création.

Le début du livre, marqué par l'enthousiasme émerveillé de Pauline découvrant Paris, la France et l'amour avec des yeux imprégnés d'idéal romantique, prend une tournure plus grave par la suite, mais sans jamais quitter, même dans ses moments les plus tragiques, ce ton fondamentalement joyeux, primesautier qui, à mes yeux, en fait tout le sel.
« Elle s'était construit une idée romantique de la France et voulait y rester fidèle : le pays des révolutions, des crimes passionnels et des libertins. »
Pauline avec sa vision idéalisée et chatoyante de la France, fille unique récipiendaire des rêves et des espoirs inouïs de ses parents, m'a évoqué Romain Gary dans La promesse de l'aube, mais sans la nostalgie qui nimbe les pages de ce roman magifique. Et si la mère de Pauline ne s'écrie pas : « Tu seras une héroïne, tu seras Anna Pavlova, danseuse étoile à l'Opéra de Paris! », elle le pense si fort que j'ai vraiment cru l'entendre.

Ce très joli livre, traversé par une tension perpétuelle entre le prosaïsme et l'élan poétique, entre l'amour romantique et la réalité de l'amour, entre les contingences du quotidien et la création artistique, pourrait s'intituler « La pesanteur et la grâce ».
Dans les situations les plus triviales, Maryna Uzun parvient à introduire une fantaisie salvatrice, transformant la pesanteur du moment vécu en un moment de grâce pure. Ainsi lorsque Pauline et sa mère patientent pendant des heures à l'ambassade afin d'obtenir le visa autorisant la jeune femme à séjourner en France, qu'elles se heurtent à une fin de non-recevoir administrative et obtuse, la grâce d'une rencontre inopinée va infléchir le cours des choses. En guise de recommandation, son « sauveur » dessine une fleur sur sa lettre de recommandation, adresse un sourire à la secrétaire, et « le dossier de Pauline fut admis ».
Cette fantaisie se retrouve dans l'écriture de Maryna Uzun. La lourdeur parfois décourageante de notre langue est allégée, vivifiée par des expressions fantasques et poétiques dont l'auteure, qui « s'est cuite elle-même dans le bouillon de cette langue difficile, le français », parsème son texte avec gourmandise pour notre plus grand bonheur. Impossible de relever les nombreux aphorismes, métaphores, délices de langage qui jalonnent le texte. Difficile de résister au plaisir de vous en livrer quelques uns:

Ainsi Augustin, le « sauveur » de l'ambassade, est-il qualifié de « nuage habillé d'un uniforme »; la mère de Pauline est-elle décrite portant « ses cheveux, aussi longs que son indécision de les couper, rangés comme un gigantesque béret, avec un chignon en guise de ponpon. » Et lorsque Pauline retrouve ses parents au terme d'une année d'absence, ils se parlent « goulûment ».

Si Pauline enchante le monde qui l'entoure, y pénétrant, à l'instar de Proust, par « la porte d'or de l'imagination », il lui arrive comme tout un chacun d'être rattrapée par ses démons et par la plombante réalité. Insatisfaite et désireuse d'une vie plus conforme au modèle dominant, comprenez un vrai mariage avec enfants, elle se perd parfois en invectives — « Tout a l'air en carton chez toi, comme sur scène ! le monde réel te fait si peur? » —  suscitant chez Tom cette réflexion en forme de désarroi :
« Pauline volait comme un oiseau au-dessus de sa tête… Et maintenant c'était comme si elle se vautrait dans la boue, en s'accrochant à ses jambes et en le tirant. »

La pesanteur, encore et toujours, nous rattrape. Heureusement, il y a l'art, qui nous sauve.

« C'est ça le mystère de la poésie. Nous nous consumons dans la femme aimée, nous nous consumons dans l'idée à laquelle nous croyons, nous brûlons dans le paysage qui nous émeut. » 

Milan Kundera (Le livre du rire et de l'oubli)
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