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EAN : 9782351686850
192 pages
Editions Les 2 Encres (13/10/2014)
4.05/5   30 notes
Résumé :
Isis est une artiste peintre, belle, jeune, fantasque, éprise d'absolu, qui rêve d'un amour à la fois romantique et intense, qui la comblerait au-delà de tout. Même si elle est très amoureuse de Marc avec qui elle vit depuis plusieurs années, ce dernier ne correspond pas du tout à son idéal masculin : il est à l'opposé de son esprit rebelle et passionné, il mène une vie bien rangée et tellement conformiste qu'elle l'étouffe. Les disputes et retrouvailles entre les d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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"Avoir un seul enfant de toi
Ça f'sait longtemps que j'attendais
C'est le cadeau dont je rêvais" Un enfant de toi, Phil Barney.

J'ai tellement apprécié "Vous aimez les poètes, ne les nourrissez pas ! " de Maryna Uzun, que j'ai dévoré "Les Silences d'Isis".
J'aurais aimé rencontrer cette jeune femme, encline à la poésie, qui en a marre de son Marc (son marc amer de café) surtout qu'elle attend depuis si longtemps un enfant de lui.

C'est un poème en faveur d'une jeune femme qui rêve de vie et d'amour!
Aussi merci Maryna :

M comme "Malheureusement, tu m'as pourri l'envie. Quand je veux quelque chose, je le veux tout de suite, sinon l'envie me passe. Tu as tué mon rêve… Maintenant, ne t'approche plus de moi ou je vais considérer que tu me violes ! "

A comme..."Avant, prononça-t-elle avec mélancolie, tu m'embrassais tout le temps.
- Avant ! Avant quoi ?" Répond Marc.

R comme... " regard qu'on portait sur un objet, dans l'intérêt qu'on accordait à une personne, parce que c'était là des instants volés au néant."

Y comme... "Yeux se fixèrent sur la Vierge. Isis se crispa. Cette image de femme avec enfant était omniprésente…"

N comme... "Nous nous sommes risqués à vivre la poésie et pas seulement à l'imaginer, et entre la poésie et la folie il n'y a pas de frontières. "

A comme... "L'amour , c'est juste un envoûtement"
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Avec Les silences d'Isis, Maryna Uzun, nous plonge dans les pensées et les rêves d'une belle jeune femme artiste peintre. Celle-ci est éprise d'absolu et dotée d'une sensibilité extrême au monde qui l'entoure. Elle a vécu pendant une dizaine d'années avec l'un de ses professeurs des Beaux-Arts et l'a quitté lorsqu'elle a rencontré Marc.
Marc et Isis semblent très épris l'un de l'autre même si celui-ci ne correspond pas du tout à l'idéal masculin d'Isis, Marc goûtant peu la poésie et se plaisant davantage dans une vie plus rangée et plus terre à terre. Hormis leur entente charnelle dans laquelle ils puisent la vie, les deux amoureux semblent sur deux longueurs d'onde complètement différentes.
Isis se sent de plus en plus étouffée et disputes et retrouvailles s'enchaînent. Maximilien, l'un de leurs amis serait-il plus à même de comprendre les désirs d'Isis, rien n'est certain…
J'ai souffert auprès d'Isis de l'ambivalence créée par son hypersensibilité.
Une passion presque excessive face à la beauté de chaque instant côtoie une grande souffrance face à la difficulté à faire partager cette richesse émotionnelle et à entretenir des relations et des contacts avec les autres.
L'art, la lumière, les couleurs, l'observation de ce qui l'entoure, tout est source d'émotions pour Isis et le fait de ne pas pouvoir partager ou transmettre cet excès de bouleversement sensoriel font qu'elle se sent incomprise, l'épuisent souvent et peuvent l'isoler.
Elle a besoin d'être écoutée, vue, reconnue, sentant un vide en elle, une insatisfaction quasi permanente - beaucoup d'attente et peu de réponses à ses désirs.
Sont évoqués également au cours de ce roman, la relation mère-fille et le mal d'enfant qui hante la pensée d'Isis.
Maryna Uzun, d'origine ukrainienne, est une pianiste concertiste de talent qui, dans ses heures silencieuses, s'investit dans l'écriture.
Bien qu'ayant apprécié l'écriture et cette élégante manière de différencier les pensées intimes d'Isis en les mettant en italique, le tout mettant en avant un souffle poétique et artistique, je me suis néanmoins essoufflée à suivre cette insaisissable Isis jamais satisfaite et un peu lassée à force, de ces allers-retours avec Marc.
Je garde cependant un beau ressenti après la lecture de cet ouvrage et remercie Maryna Uzun pour sa confiance.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Isis,
C'est un prénom qui ressemble à un Orient envoûtant et mystérieux.
Isis c'est comme une île. Elle recherche l'amour idéal, le rivage insoupçonné, inaccessible et quand elle l'atteint, c'est pour s'en lasser. Elle veut être une oeuvre d'art en mouvement.
Peindre, trouver ainsi son chemin dans le monde.
Car Isis est une jeune artiste peintre qui tente de vivre de son art, elle est d'origine ukrainienne, belle, impétueuse, rebelle, éprise d'absolu. Elle rêve d'un amour à la fois romantique et intense, qui réinventerait le quotidien de chaque jour et qui la comblerait au-delà de tout.
Elle vit avec Marc depuis trois ans. Leurs corps en harmonie dans le désir de l'un pour l'autre ne sont que fusion et incandescence. Leurs corps forment l'accord parfait qui vient se plaquer sur les touches blanches et noires d'un piano, mais pour le reste, qu'en est-il ? Pour le reste, cela pourrait ressembler à des notes dissonantes...
Car Isis trouve ce quotidien terne. Marc est comme un ordinateur qu'on allume et qu'on éteint, prévisible, programmé pour accomplir docilement sa vie quotidienne. Bon, en ce moment, mon ordinateur capricieux et imprévisible ressemblerait plutôt à Isis...
Elle et lui n'ont rien de commun si ce n'est ce toit qu'ils partagent, - ♪ ♫ toit toit mon toi...! ♪ ♫, si ce ne sont leurs étreintes, si ce ne sont ces paysages vers lesquels ils courent pour tenter de redonner souffle à leur existence.
Le sable bleu de Deauville, Venise, Florence, la baie de Quiberon...
Ce sont deux conceptions différentes de l'amour, deux personnages égarés dans la même histoire...
Isis me fait penser à l'océan en Bretagne, ce n'est jamais le même paysage, d'un jour à l'autre, parfois dans la même journée. Isis est imprévisible comme la mer.
J'ai cherché à savoir ce qu'il y avait dans ce coeur bousculé par tant d'impatience. J'ai tendu la main vers Isis. Je l'ai suivie dans les jardins du Luxembourg, j'ai effleuré de mes doigts l'eau pâle sur les chaises en fer jetées en désordre après la pluie...
Isis est un oiseau insaisissable, un papillon, une libellule, un chat qui retombe sans cesse sur ses pattes. Une funambule qui marche sur les phrases que déplie Maryna Uzun comme une ligne de vie.
Isis, c'est une joie folle étreinte de tristesse.

Insatiable,
Solitaire parmi les jours ordinaires,
Imprévisible,
Silencieuse en elle.

Car les silences d'Isis sont des respirations à combler. Je l'ai suivie dans cette quête éperdue d'amour. Je l'ai suivie et je me suis demandé quelle était cette voix intérieure qui la poussait parfois à entrer dans le silence d'une église vide, là où je me suis assis trois rangs derrière elle...
Peut-être pour calmer les trépidations d'un coeur sans cesse affolé ? Peut-être pour prier ? Mais prier pour qui, pour quoi ? Pourquoi ?
Comment remplir ses silences ?
Par un étrange hasard, mes lectures estivales m'ont amené souvent à effleurer des femmes dont le ventre demeurait désespérément vide. Nous nous étions fait l'écho d'un de ces personnages lors d'une lecture commune qui parlait d'ailleurs aussi de peinture, de Chagall...
J'ai deviné l'ombre de Maryna Uzun dans cette écriture imagée, musicale, poétique.
Maryna Uzun n'écrit pas, elle peint. Elle n'écrit pas, elle laisse courir Isis incroyablement éprise d'absolu comme une fugue, comme un scherzo. Isis, c'est une musique qui caracole et la musique change aussi comme la mer...
Isis, comme une note de musique qui se promène sur la partition insensée des mots que nous joue Maryna Uzun.
J'ai deviné dans cette écriture, une voix juste, une émotion à fleur de peau, intense comme lorsqu'elle eut peut-être pour la première fois envie de peindre ce personnage excessif et inquiet qu'est Isis.
Parfois une narration lente semble chercher à calmer l'inconfort de l'amour. Son affolement. Chercher à consoler Iris qui se sent parfois étrangère à sa vie.
Oui, la consoler car je vous avoue que parfois j'ai cru voir les larmes d'Isis couler sur les pages de mon carnet à spirales, les faire s'onduler comme de petites vagues, lorsqu'elle se penchait au-dessus de mon épaule pour voir ce que j'écrivais...
Maryna Uzun est amoureuse des mots, à moins qu'elle soit une magicienne des mots, l'un n'empêchant pas l'autre, bien au contraire. J'ai d'ailleurs connu une magicienne... mais pardon je m'égare...
L'écriture de Maryna Uzun est poétique, sensuelle, brûlante comme un brasier, elle m'enroule de ses caresses, m'enivre de ses mouvements entrelacés. Elle sait dire les pleins et les déliés de la vie, les lignes sinueuses, l'asymétrie des formes, les interstices, les aspérités, d'où parfois surgit la lumière par ricochet.
Il y a de l'espièglerie aussi dans certaines scènes. J'ai souri à l'évocation de cet amant pressé qui n'enlevait jamais sa montre de son poignet lorsqu'il faisait l'amour. J'ai alors imaginé ce que cela aurait été s'il avait porté une montre à gousset...
C'est une écriture insaisissable d'une féminité solaire comme les mouvements d'Isis, toujours recommencés dans cette recherche d'un sens à sa vie.
Son écriture est comme un va-et-vient qui me conduit au vertige.
Et puis, il y a cette belle et douce réflexion en filigrane : le bonheur est-il un don ?
Que cherchons-nous dans nos lectures sinon des personnages parfois fantasques et fragiles qui nous rendraient la vie ordinaire totalement insupportable ?

« C'est le repos éclairé, ni fièvre ni langueur, sur le lit ou sur le pré.
C'est l'ami ni ardent ni faible. L'ami.
C'est l'aimée ni tourmentante ni tourmentée. L'aimée.
L'air et le monde point cherchés. La vie.
- Était-ce donc ceci ?
- Et le rêve fraîchit. »
Rimbaud, Veillées

Merci Maryna pour ce très beau cadeau.
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Isis, l'héroïne du roman de notre écrivaine et babeliote venue de l' Est lointain, "était seule avec son bonheur débordant, qu'elle ne pouvait pas épancher". Il est vrai que son beau Marc, avec qui elle partage la vie depuis 3 ans, est ce qu'on appelle un "pantouflard", qui après son travail préfère visionner une DVD ou écouter de la musique. Rien de dramatique en soi, s'il n'y avait pas 2 grands Mais. D'abord, ce récit est situé à Paris, où il se passe toujours 1000 choses intéressantes et ensuite Isis, la trentaine, est une jeune dame super-dynamique, qui adore mettre à profit ce que la Ville Lumière a de mieux à offrir.

L'Isis de l'ouvrage, qui est une artiste peintre qui donne des cours de peinture, fait, bien entendu, penser à sa créatrice : Maryna Uzun. Il suffit de remplacer peinture par musique, car elle est un virtuose du piano qui donne des concerts et des cours de cet instrument à l'École Prizma de Boulogne Billancourt.
Elle est originaire d'Odessa à la Mer Noire en Ukraine (comme mon épouse d'ailleurs). Elle est arrivée en France en 1997, à l'âge de 23 ans, et s'est mise à étudier la langue française par autoapprentissage. Cinq après, elle publie 2 oeuvres littéraires en Français : "Voix sous les lilas" ,en mars 2004, et "L'escalier d'Odessa", en septembre 2004. le fameux escalier, image iconique d'Odessa, depuis la célèbre scène du film "Le Cuirassé Potemkine" de Sergueï Eisenstein de 1925 et que la plupart d'entre nous a probablement vu. Au bout de 5 ans, 2 livres, il faut le faire ! Sincèrement bravo !
Par après ont suivi "Les silences d'Isis", en 2014, et la même année "Le voyage impaisible de Pauline", qui a accueilli 6 critiques favorables sur Babelio.
En plus, Maryna Uzun avait déjà publié, en 2003, un ouvrage spécialisé : "Ethnologie de la création musicale contemporaine". Également en Français (sous le nom de Maryna Both-Uzun), après à peine 4 ans de cours de Français. Décidément !

Il n'est guère simple de résumer cet ouvrage, qui constitue, en fait, le récit d'une liaison amoureuse d'un jeune couple, avec ses hauts et ses bas, ses aléas dramatiques, ses explosions et réconciliations passionnelles, ses attentes, espoirs et frustrations. Ainsi que ses escapades, à Venise, en Bretagne (d'où Marc est originaire)... et ses belles retrouvailles, malencontreusement, parfois de très brève durée.
Et la comparaison par Isis de ses rapports avec Marc et les relations entre les 2 couples de leurs amis : son ami de jeunesse, Maximilien, qui prépare un doctorat, avec sa compagne, Nathalie, une assistante sociale et Jérôme, un aveugle, avec Tatiana, d'origine russe, et mère de la petite Sonia.
Puis, il y a fatalement les souvenirs. Pour Isis sa vie d'avant avec Julien, un créateur comme elle, qui lui a ouvert le monde des artistes de la capitale française. Seulement son caractère tout sauf simple et l'écart important d'âges, lui a incité à rompre leur coexistence. Une décision qui a été difficile à prendre vu la forte personnalité de cet ex.

J'ignore, bien sûr, dans quelle mesure cette histoire est autobiographique d'un pan de la vie de Maryna Uzun, aussi bien que je me méfie de juger ce couple et surtout cette Isis, ne voulant certainement pas offusquer ou froisser une talentueuse artiste pour qui j'ai beaucoup d'admiration.
Mais lorsqu'on s'engage dans la chronique d'une oeuvre, et lorsqu'on dit A, il faut dire aussi B, quand bien même qu'on risque les foudres de l'auteure ! Je dirais donc, en doublant la prudence que la situation impose, que l'Isis de Maryna n'est pas exactement une compagne de tout repos.
Je compatis avec le brave Marc de ne pas être toujours à la hauteur des sentiments artistiques et amoureux hautement développés de sa bien-aimée. Je sais qu'il se montre parfois rustre, distant, évasif et même un peu fainéant, mais c'est surtout un bon bougre pour qui Isis est plus qu'une femme aimée... un vaste programme !

J'espère que mes conclusions, peut-être même erronées, n'entraineront pas la fin d'une amitié, par ailleurs, toute récente. Car maintenant que j'ai fait la connaissance de Maryna Uzun comme romancière, j'aimerais l'entendre derrière son piano, à Boulogne Billancourt par exemple.

Un mot sur le style, avant de conclure : le langage de l'auteure est précis et élégant. Ainsi, les considérations de l'Isis-pas-si-silencieuse-que-ça sur la vie et l'amour permettent d'inonder Babelio de citations ! J'ai dû faire un effort en me limitant qu'à une seule, hier.
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Deauville, un homme, une femme. Non ce n'est pas Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée de Claude Lelouch.
Marc et Isis, un couple comme tant d'autres, une balade à Deauville pour essayer de sauver ce qui reste de cet amour malmené. Marc et Isis c'est " Je t'aime, moi non plus". Isis étouffe, s'ennuie de cette vie sans lumière, artiste peintre elle voudrait vivre sa vie en couleur, " je peins mes rêves dit-elle".
Les désirs d'Isis ne semblent pas interpeller Marc qui manque d'entrain, est casanier et ne voit pas Isis se faner.
" Les silences d'Isis" de Maryna Uzun est un roman d'amour, une histoire de couple, un roman existentiel où la liberté de l'un peut vite devenir un carcan pour l'autre. Entre égoïsme de Marc et la lâcheté de Maximilien, Maryna nous interpelle nous les hommes sur nos travers. J'ai aimé ton récit Maryna , cette écriture pleine de poésie sur un thème si souvent abordé.
moralité: l'amour n'est jamais acquis.
Deauville, un homme, une femme, Raphaël, Isis, chabada bada bada, un coeur qui bat chabada bada.....
meci Maryna pour ce magnifique cadeau.
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Citations et extraits (121) Voir plus Ajouter une citation
Mais j’ai peur qu’on n’ait pas de quoi vivre et payer l’appartement… que je devienne clochard… Ici, on se gênerait à trois. Je ne quitterai pas Paris pour la banlieue ! Et puis toi qui parles toujours de liberté, c’en serait fini s’il y avait un enfant…
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Ce n’était pas pratique de courir main dans la main ! Dans un état d’exultation, elle lança d’une voix entrecoupée :
- Tu sais, la première fois que j’ai mis ma main dans la tienne, elle m’a parue tellement grande, chaude et rassurante…
Marc lui répondit juste par un baiser, parce qu’elle lui avait déjà dit cela. Pour lui, l’amour était comme une réaction chimique, tout était simple et immuable : on n’avait pas trente-six choix.
- Tu te souviens, la première semaine où on était ensemble ? reprit-elle quelques pas plus loin. On courait rue de Rivoli, comme maintenant… On courait beaucoup. Oui, j’ai le souvenir qu’on survolait les rues comme des chevaux ailés !
Marc répondit par une pression sur sa main et par un regard qui valait des millions.
Au retour, ils marchèrent tranquillement.
- Avant, prononça-t-elle avec mélancolie, tu m’embrassais tout le temps.
- Avant ! Avant quoi ?
Isis laissa une minute s’écouler.
- Quand tu vois les femmes, tu les regardes comment ?
- J’ai autre chose à penser, coupa-t-il.
- Moi, je fais quoi quand je parle à un homme ? Dois-je faire des appréciations dans ma tête ?… ou dois-je plutôt me mettre des œillères comme à un cheval ?
Marc fronça les sourcils. Mais Isis était insatisfaite.
- T’es obsédée !
- Avant, tu disais que c’était bien que je sois obsédée…, répliqua Isis en faisant la lippe. Pourquoi est-ce que je me méfie quand un homme commence à me parler dans la rue ?
- Justement, c’est parce que tu imagines tout de suite des choses qui n’ont pas lieu d’être ! Moi, personne ne m’aborde.
- Et moi, à chaque fois, dès que je suis dehors. De toute façon, je veux être belle pour moi-même, belle ou plutôt raffinée. Je ne cherche pas à être sexy. Je ne cherche pas non plus à me cacher… C’est un peu comme une geisha ; elle doit être une œuvre d’art en mouvement… Alors ?
- Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Je suis en train de penser à un truc et tu me parles, tu me parles, tu me parles…, répondit Marc, agacé.
Elle s’éloigna de quelques pas et se mit à sauter ou tourner sur place, dansant, avant de reprendre sa marche, le regard vide, muselant ses pensées. Elle sanglotait intérieurement : je me promène mieux quand je suis toute seule…
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Isis se souvenait encore d’un Noël triste où, grippée, elle ne pouvait même pas avaler sa salive. Elle tremblait, et la maison n’était pas chauffée… Son mari détestait Noël, il ne voulait jamais qu’elle installât de sapin. Le 24 au soir il prenait toujours des somnifères. Tous les ans, leurs voisins faisaient une grosse fête. Sur leur terrasse, il y avait des bougies allumées, les verres s’entrechoquaient, tout le monde riait. Et Isis les regardait, seule. Ils étaient tellement nombreux et bruyants, qu’on aurait pu croire que c’était un bistrot. Ça sentait le saumon fumé, les oranges. Les bouteilles vides se multipliaient. Leur musique ressemblait à des clous qu’on enfonce dans un mur. La fumée de leurs cigarettes envahissait tout. Leur chien, un berger allemand, grondait au milieu de ses gamelles en fer, et, depuis la terrasse, saluait les invités dès qu’il les voyait arriver. Isis entendait leur sonnerie comme s’ils sonnaient à sa porte…
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Il disait aussi qu’Isis avait l’air du Pierrot de Watteau, tellement elle était fragile et inexpérimentée. […] Il voulait la sauver pour l’art, car elle était destinée, selon lui, « à pondre des gosses et à rester à la maison à les élever, ou à devenir un vulgaire professeur ». […] Peut-être était-il réellement amoureux d’elle, mais il affirmait que le vagin servait juste à se reproduire, que c’était bon pour les primaires, et que les gens évolués atteignaient la jouissance autrement. Il prétendait qu’elle ne réagissait pas comme les autres femmes qu’il avait connues, et qu’elle n’était peut-être pas faite pour « baiser comme les bêtes ». […]
« Avec toi, on peut penser qu’on est avec un petit pédé ! plaisantait-il, tellement la poitrine d’Isis était plate. Les hommes ne te regardent pas, ou il faut vraiment être une brute… » C’était cru, comme tout ce qu’il exprimait. Cela contredisait une autre de ses phrases : « Tous ceux qui viennent ici veulent te baiser. Ne les fixe pas dans les yeux, ils vont le prendre pour un encouragement ! »
Enfin, il disait : « Tu peux me croire, toutes les femmes, c’est la même chose, il y a trois trous. S’il n’y a pas de poésie dans le sexe, il n’y a rien… »
Ça la mettait en colère : « T’en as peut-être fait le tour, mais laisse-moi le droit de le découvrir par moi-même !
— T’as juste besoin d’un marteau-piqueur !… Cosi fan tutte ! »
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Isis se souvint d’un soir où Marc avait mis le morceau Clair de lune de Debussy. Ils étaient dans cette chambre, éclairés uniquement par le réverbère de la rue. C’était un réverbère énorme, juste en face de leur fenêtre. Isis croyait que c’était la lune, jusqu’à ce qu’elle remarquât qu’il y en avait deux… La musique était si enivrante, ils étaient assis par terre, dans les bras l’un de l’autre.
À présent, elle était envahie d’un sentiment de joie et elle voulut lui téléphoner, sans aucun prétexte, juste pour lui dire qu’elle l’aimait très fort. Mais à l’autre bout du fil, Marc avait une voix inquiète, comme s’il avait peur qu’elle lui annonçât une mauvaise nouvelle. Elle lui dit seulement :
- Nous sommes invités à l’anniversaire de Tatiana, ce samedi.
Elle était seule avec son bonheur débordant, qu’elle ne pouvait pas épancher.
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