Le terme « nouveaux Russes » dans cet ouvrage de 1989 n'est pas à prendre dans le sens qu'il prendra plus tard dans la période post-soviétique. Il s'agit simplement des Russes du temps de la Perestroïka et d'une vision de la société russe à un instant donné. Dépeindre la société soviétique de ces années-là étaient une tâche complexe et il en résulte un tableau impressionniste très coloré et plein de contrastes. Une époque où les médias ont commencé à parler des accidents et faits divers, ce qui terrorisa les Russes, où sont apparus les spots publicitaires (vantant à la télé Mercedes et diamants), où l'approvisionnement est devenu encore plus mystérieux qu'avant, avec des pénuries quasi inexplicables par moment, une époque où guérisseurs et diseuses de bonne aventure tentent de suppléer à une médecine devenue très aléatoire, où les sectes, religions et autres croyances irrationnelles se sont réconciliées avec le pouvoir et à faire preuve du pire conservatisme. Une époque où le rock russe est enfin sorti de la clandestinité, où le cinéma, le théâtre et la littérature ont connu un court âge d'or. Une époque où des revendications nationales ont ressurgi (pays baltes, Géorgie et Arménie essentiellement, ce que confirmera le référendum de 1991 où toutes les Républiques sauf celles-là et la Moldavie souhaitaient maintenir l'Union). Une époque de balbutiement du capitalisme à commencer par un capitalisme des plus sauvages (mais là,
Claude Marie Vadrot et les Russes n'ont pas vu le pire, ce sera juste après). Bref, une époque riche, complexe, et épouvantable pour les Russes qui ont copieusement détesté
Gorbatchev.
Claude Marie Vadrot décrit le quotidien des Russes, leur enthousiasme pour certaines choses, leur exaspération pour d'autres, son livre fourmille de détails concrets qui mis bout à bout dressent un panorama assez complet de la société soviétique de ces années-là. C'est un ouvrage intéressant car écrit par un auteur qui connaît bien le sujet dans une écriture lisible. Il explique ce qu'un touriste ordinaire pourrait voir sans comprendre, parce que pour comprendre il faut pouvoir comparer à avant. Comme il le dit en exergue du livre il s'agit d'une « visite guidée, visite pour regarder de tous côtés, visite pour tenter de comprendre comment ce pays existe et tente de changer. »