Amour d’amour
VII
Déchirure de ce terme
Et nos regards qui se voudraient
Toujours amis mais déjà
Si loin si loin pourtant si proches
D’un verdict sans appel
Alors que fabuleuse
Une somme d’amour
Restait à investir
Au plus riche de nous
Or ce baiser autant
Refusé que donné
Demeurera sur mes lèvres
Quand une autre viendrait
M’apporter le beau leurre
D’une trêve apaisante
A cet instant où joie
Et chagrin se pénètrent
Confondus dans l’acmé
Silence de nos lèvres
Au joint de l’extase
Sentir en nous s’apaiser
Le ressac des mers et océans
Goûter sans dire
La trêve des gouffres
Le repos des volcans
À l’arrêt
Une comète nous fixe
Apaisée
…
// André Verdet (1913 - 2004)
Amour d’amour
V
Lointain pays de tes yeux
Où futur et passé se confondent
Où mers et ciels se conjuguent
Pour faire éclore des îles
Des archipels d’espace
Tout habillés d’appels
De signes et d’échos
Frangés de nostalgie
Lointain pays de tes yeux
Où l’énigme se révèle
De cette part égarée
Mais vierge de l’innocence
Et qui parfois affleure
Dans le regard triste des bêtes
Battues et solitaires
Aux approches de la mort
Lointain pays de tes yeux
Où ma patience se déroule
Par des voies hasardeuses
Lointain pays de tes yeux
Où mon histoire se réverbère
Sur des miroirs trompeurs
Et qu’il me faut assumer
Du seul fait que je t’aime
…
// André Verdet (1913 - 2004)
Amour d’amour
II
Nervurée de caresses
Incrustée de baisers
Rompue disjointe
Comme un miroir d’eau
Jonché de pétales
Ainsi je te voyais
Dormir dans la litière
De nos désirs comblés
En songeant au destin
Des roses du jardin
Sous les feux de l’été
Du matin finissant
…
// André Verdet (1913 - 2004)
Amour d’amour
VI
Silencieusement en foule
Vous crevez la toile de fond
Et la flamme de vos regards
Éclaire un sombre corridor
Je vous salue resplendissantes
Rosaces de l’altier vitrail
Immobiles en votre course
Aucune à nulle autre pareille
Et pourtant vous vous rassemblez
En un seul et même visage
Je vous retrouve et je vous perds
Je vous enserre et vous fuyez
Si je vous fuis vous revenez
Seul de vos ailes un duvet
Restait parfois entre mes doigts
Trop impalpable à mon toucher
Pour mon plaisir et pour le vôtre
J’ai parcouru mainte contrée
Géographie de votre corps
Je fus curieux naïf rusé
Vous m’appeliez et j’accourais
Après l’étreinte les baisers
Je ne trouvais qu’un souvenir
Très loin perdu dans ma mémoire
Où l’avenir et le passé
Se conjuraient pour qui trahir
Vous m’appeliez sur un bel air
De belle fête ou de tristesse
Or jamais dupe je ne fus
Ne voyiez-vous mon ironie
Etinceler sous mon sourire
Au vrai ce soir je me résigne
Et je vous dis Adieu Adieu
Si par hasard l’une de vous
Plus résolue poussait la porte
Je me tairai m’effacerai
Je deviendrai moi-même une ombre
Peut-être même je rirai
Sans savoir de joie ou de peine
À voir l’autre ombre déroutée
Or j’aurai dit vraiment Adieu
À majuscule et point final
…
// André Verdet (1913 - 2004)
Parce que leurs noms étaient trop larges pour leurs corps d'étrangers
ils se taillèrent des noms de voyage dans le tissu rêche des chemins
Des noms pliables sous la peau
pour les villes qui fument leurs hauts fourneaux pour oublier les prairies [asphaltées.
Sur les cils de la lune il y a de la poussière disent-ils
et ils frappent aux portes des femmes pour retrouver une patrie.
Vénus Khoury-Ghata