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Critique de AgatheDumaurier


Par où commencer ?
La précocité, c'est ce qui me vient en premier. A l'âge d'être en troisième, Valérie Valère a déjà si bien compris le monde, ses mensonges et ses masques, qu'elle en est devenue "folle". Elle se l'est pris en pleine face, mais comme elle est une enfant, elle n'a pas encore développé de barrières psychiques, de protection. Elle est sans filet devant l'abîme, comme Rimbaud, sans compromis ni concession, et elle se brûle les ailes. Elle ne peut pas supporter ce qu'elle voit, ce qu'elle ressent, et elle devient un immense cri de rage et de désespoir.
L'anorexie. Valérie veut mourir. En tout cas, elle ne veut pas vivre, pas dans ce monde. Je n'ai jamais lu un tel dégoût authentique, un corps que se noue entièrement, jusqu'à le ressentir physiquement en moi-même. Et ça c'est fort. le rejet de l'existence, de soi, des autres, du mensonge et de l'hypocrisie, qui se traduit dans le corps par une incapacité quasi mécanique d'avaler. Incroyable. La nourriture devient l'abject contrat que l'on passe avec la vie, son refus l'ultime forme de résistance. Malaise ? Valérie dirait que c'est que nous sommes aveugles. C'est dur pour la lectrice d'être confrontée à quelqu'une qui refuse de vivre.
Parole de jeune fille. Encore cette jeune fille dure, farouche, courageuse comme une Romaine, inébranlable, endurante à une douleur insoutenable, ultra-intelligente, ultra-sensible, qui ne s'est pas exprimée pendant des millénaires, et dont on est heureuse d'entendre enfin la voix solide et fière, fût-elle d'outre-tombe.
Horribles conditions dans les hôpitaux psychiatriques en cette fin de XXème siècle. On va jusqu'à la forcer à manger en lui ouvrant la bouche à la main. Valérie Valère est sortie détruite de cet internement.
Réflexion sur la folie. On traite Valérie de "folle". Elle se sent plus lucide que tous les autres, elle ne délire pas. Elle finit par plier devant la violence des soignants, qui la déclare "guérie" quand elle a pris quelques kilos. Qui est fou ?
Un texte qui n'est que colère, douleur, désespoir complet et réel, absolument authentique, effrayant de franchise, matière brute de l'esprit. Les enfants "fous" (Rimbaud, Valérie...) font de puissants écrivains, et ils le paient très cher, car eux ne jouent pas, ne rient pas, n'ont aucune ironie, aucune garde ni défense, aucun masque. Leur coeur mis à nu l'est réellement, et fragile comme du cristal.
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