Nous refusons à chaque instant d'écouter l'ingénu que nous portons en nous. Nous réprimons l'enfant qui nous demeure et qui veut toujours voir pour la première fois. S'il interroge, nous éconduisons sa curiosité que nous traitons de puérile parce qu'elle est sans bornes, sous le prétexte que nous avons été à l'école, où nous avons appris qu'il existe une science de toute chose, que nous pourrons la consulter ; mais que ce serait perdre notre temps que de penser selon nous-mêmes et nous seuls, à tel objet qui nous arrête tout à coup, et nous sollicite d'une réponse (...) Je pose donc ma question toute naïve. J'imagine facilement que je ne sache des coquilles que ce que j'en vois quand j'en ramasse quelqu'une ; et rien sur son origine, sur sa fonction, sur ses rapports avec ce que je n'observe pas dans le moment même. Je m'autorise de celui qui fit, un jour, table rase. Je regarde pour la première fois cette chose trouvée ; j'y relève ce que j'ai dit, touchant sa forme, je m'en embarrasse. C'est alors que je m'interroge : Qui donc à fait ceci ?
A l'abri du rempart solide que bâtit le bord du manteau, le reste de cet admirable organe élabore les délicatesses de la paroi interne, le suave lambris de la demeure de la bête. Pour les songes d'une vie souvent intérieure, rien de trop doux et de trop précieux : des couches successives de mucus viennent tapisser de lames aussi minces qu'une bulle de savon, la cavité profonde et torse où se rétracte et se concentre le solitaire. Mais il ignorera toujours toute la beauté de son œuvre et de sa retraite. Après sa mort, la substance exquise qu'il a formée en déposant alternativement sur la paroi le produit organique de ses cellules à nacre, verra le jour, séparera la lumière en ses longueurs d'onde, et nous enchantera les yeux par la tendre richesse de ses plages irisées.
peut-être, ce que nous appelons la perfection dans l'art (et que tous ne recherchent pas, et que plus d'un dédaigne), n'est-elle que le sentiment de désirer ou de trouver, dans une œuvre humaine, cette certitude dans l'exécution, cette nécessité d'origine intérieure, et cette liaison indissoluble et réciproque de la figure avec la matière que le moindre coquillage me fait voir ?
S'il y eût une poésie des merveilles et des émotions de l'intellect,(à quoi j'ai songé toute ma vie), il n'y aurait point pour elle de sujet plus délicieusement excitant à choisir que la peinture d'un espritsollicité par quelqu'une de ces formations naturelles remarquablesqui s'observent çà et là, (ou plutôt qui se font observer), parmi tantde choses de figure indifférente et accidentelle qui nous entourent.
La philosophie ne consiste-t-elle pas, après tout, à faire semblant d'ignorer ce que l'on sait et de savoir ce que l'on ignore ?
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Les Jeux olympiques de littérature
Louis Chevaillier
Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. »
Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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