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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
UNE BOUFFISSURE.

Publié en 1929, Monsieur teste de Paul Valéry comprend: "La soirée avec M. Teste" (1896), "Lettre d'un ami", "Lettre de Madame E. Teste", "Extraits du Log-book de M. Teste". Paul Valéry a écrit une préface à "La soirée" à l'occasion d'une traduction de cette oeuvre en Anglais. "La soirée avec M. Teste" se présente sous les aspects d'un conte philosophique, d'une note hypertrophiée qui aurait pu devenir un roman. Tout aussi bien une autobiographie intellectuelle.

Les premières pages sont traitées dans un style volontairement rèche, expéditif, avec, comme par défi, tout le matériel brut du genre: confessions. La vie sentimentale sociale, mentale, du narrateur y est exposée à la hâte et sur un rythme exemplaire: "La bêtise n'est pas mon fort. J'ai vu beaucoup d'individus; j'ai visité quelques nations; j'ai pris ma part d' entreprises diverses sans les aimer; j'ai mangé presque tous les jours; j'ai touché à des femmes. Je revois maintenant quelques centaines de visages, deux ou trois grands spectacles, et peut-être la substance de vingt livres. Je n'ai pas retenu le meilleur, ni le pire de ces choses: est resté ce qui l'a pu". Puis nous apprenons que l'auteur rêve "que les têtes les plus fortes, les inventeurs les plus sagaces, les connaisseurs le plus exactement de la pensée devaient être des inconnus, des avares, des hommes qui meurent sans avouer". A partir de là, il s'agit donc de se donner par coup d'Etat, par effet de dictature sur sa propre liberté, l'image possible d'un homme de cet ordre, d'un de ces "solitaires qui savent tout avant le monde". Cette gageure nous est présentée sous les traits familiers et quotidiennement relevés, d'un certain M. Teste, auquel Valéry prête le comportement le moins visible, le plus banal qui soit. Il nous donne quelques renseignements sur le physique de cette créature: "M. Teste avait peut-être quarante ans. Sa parole était extraordinairement rapide, et sa voix sourde. Tout s'effaçait en lui, les yeux, les mains. Il avait pourtant les épaules militaires, et le pas d'une régularité qui étonnait. Quand il parlait, il ne levait jamais un bras, ni un doigt: il avait "tué la marionnette". Il ne souriait pas, ne disait ni bonjour ni bonsoir; il semblait ne pas entendre le "comment allez-vous?" M. Teste opère tout ce qui se pense et se sent chez un homme, sans autre but que de résoudre la question: "Que peut un homme?". Il parle:"Il y a vingt ans que je n'ai plus de livres. J'ai brûlé mes papiers aussi. Je rature le vif... Je retiens ce que je veux. Mais le difficile n'est pas là. "Il est de retenir ce dont je voudrais demain"... J'ai cherché un crible machinal..." Nous le voyons à l'opéra, tournant le dos au spectacle, et seulement intéressé par les éléments contagieux qui composent la salle. Dans la rue, dans sa chambre, couché, aux prises avec "un dixième de seconde qui se montre". Avec son angoisse, et sa certitude: "Je suis étant, et me voyant. Me voyant me voir, et ainsi de suite." Enfin: "Il ronflait doucement. Un peu plus doucement je pris la bougie, je sortis à pas de loup".

M. Teste est une mécanique extraordinairement bien réglée, sans transcendance possible, puisqu'il est cette transcendance. Sa puissance est réduite à rien par l'absolu qu'elle implique. S'il voulait, il ferait sauter le monde. Mais que peut-il vouloir? Il a prévu tout acte, par l'opération systématique qui l'annule de lui-même. "Pourquoi M. Teste est-il impossible? -C'est son âme que cette question. Elle vous change en M. Teste", dit Valéry dans la préface. On peut se laisser aller à imaginer ce qu'eût fait l'âme allemande -ou Edgar Poe- de ce héros, de cette idole de l'esprit, placé chez Valéry sous le signe cartésien. Dans quelle nuit fantastique elle l'eût égaré pour en tirer les sons les plus inouïs!

Une fois achevée, que reste-t-il cependant de cette lecture ? On n'aura sans doute pas ajouté grand chose en rappelant, une fois de plus, que le surréaliste André Breton était capable de dire "La Soirée" par coeur, ou encore qu'André Gide y voyait une éthique, que des auteurs aussi importants que Jorge-Luis Borges y voyaient «la plus extraordinaire invention des lettres contemporaines», qu'un lecteur à la critique aussi acérée et judicieuse qu'un Georges Perros en faisait l'un de ses livres de chevet, etc.

Cette oeuvre est très certainement l'une des plus lue et appréciée des grands écrivains d'une large première moitié du XXème siècle. Pour autant, il est apparu plus sec et abrasif qu'un vent de sirocco, plus prétentieux qu'un vieux professeur polymathes dispensant son savoir universel du haut de sa chaire, plus aride et stérile que le désert d'Atacama, plus bouffi qu'un lupus mal soigné...

Nul doute que le créateur de "Le Cimetière marin" était un homme d'une intelligence en tout point supérieure au commun des mortel, qu'il créa une oeuvre singulière marquant son époque et les décennies qui suivirent, il n'en demeure pas moins que son Monsieur Teste, dans lequel d'aucuns auront cru reconnaître une sorte d'autoportrait de son démiurge, est d'un ennui total, d'une arrogance rare, d'une sécheresse pénible et d'une bouffissure insupportable. Une leçon à retenir, peut-être : que cet heureusement bref objet littéraire inclassable fut appelé à devenir un livre culte de bien des auteurs -et pourtant de très bon - de ce vingtième siècle révolu en dit sans doute long de ce qu'il fut dans ses aspects les plus intellectualisant et présomptueux.

Mais plus assurément votre serviteur sera-t-il passé totalement à côté de ces rivages inhospitalier des lettres moderne ? C'est bien possible, et sans le moindre regret !
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Par curiosité intellectuelle et pour ma culture personnelle j'ai voulu lire ce texte qui se trouvait dans ma Pile mais j'avoue n'avoir que survolé certaines des extensions au texte original.
J'estime avoir compris l'esprit du propos et du personnage mais il n'y a pas d'histoire alors je me suis vite lassée... trop abstrait pour moi^^
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