Chez Vallejo ce qui me subjugue sont ses sujets originaux ( mais vraiment originaux, difficile de dire ça me rappelle ce livre-ci, ou ce livre-là) et son style d'écriture sec où il détaille tout au scalpel, à l'aide de mots et expressions d'une froideur et d'une minutie chirurgicale, « enveloppe charnelle , mode opératoire ....». Son dernier opus ne déroge pas à la règle.
“Le cas le Go, à la suite des cas Hui et Glenn, a déclenché les interrogations, puis l'inquiétude, enfin la panique d'un nombre croissant d'entre vous, à tel point que vous vous êtes associés pour réclamer l'analyse comparative d'un expert tel que moi”.....Le moi est notre narrateur, personnage Vallejoien typique, froid, distant, cynique, expert en Art Contemporain. le Go, Hui et Glenn , trois hommes d'affaires riches et puissants , tour à tour, français, chinois de Hongkong, et américain, retrouvés brûlé, noyé, dissolu à l'acide, leur seul point commun étant leur appartenance au monde des collectionneurs d'Art Contemporain, et plus précisément à l'Art Urbain dont les artistes se cachent sous des pseudos.....L'affaire se corse avec une quatrième victime liée au marché de l'art, un Helvétique « exécuté » dans le même mode opératoire brutale......
Non, non ce n'est pas un thriller, c'est un Vallejo, ovni littéraire français 😀 , une réflexion assez original et partiellement ironique sur l'Art Contemporain, devenu un business international, où l'on collectionne non pour le plaisir mais pour l'appât du gain, une arène souvent infestée d'objets d'art non identifiés, sujette à de gros enjeux financiers. L'astuce de Vallejo est justement de nous faire réfléchir sur la place et le rôle de cet Art qui part un peu dans tous les sens dans notre monde actuel à travers le prisme de l'énigme de quatre meurtres et plus. Réflexion suscitée par le biais de questions soulevées par des faits concrets, bien qu' ici fictifs pas si loin que ça de la réalité. Une galerie a-t-elle le droit de privilégier le potentiel économique si l'artistique fait défaut ? Donnant l'exemple d'un artiste qui vend une oeuvre authentique volée à un musée d'un grand maître avec 11 de ses copies dont certaines affectées cependant d'une transformation plus ou moins importante, un découpage, un détournement , un ajout ,accompagnées d'un grattoir et un solvant , à charge pour l'acquéreur d'en enduire le tableau et de le saborder le plus rapidement possible après l'achat...l'acquéreur ou le collectionneur prend ainsi le risque de faire disparaître à jamais une oeuvre authentique du patrimoine mondiale. Un jeu vrai et périlleux pour l'histoire de l'art, un coup médiatique et financier pour la galerie, et un enthousiasme étrange de la part des collectionneurs ......Là j'ai cité que l'idée de départ, c'est la suite, agrémentée de détails croustillants qui devient vraiment intéressante.....
Pour ne pas faire plus long je vous laisse découvrir ce dernier Vallejo que j'ai autant apprécié que les précédents et même un peu plus. de nombreuses références aux grands et petits noms de l'Art Contemporain, dont vous pouvez retrouver les oeuvres sur internet, ajouteront encore plus de piment si vous vous y référez durant votre lecture, à moins que vous les connaissez déjà. Celles ou ceux qui s'intéressent un tant soit peu à l'Art Contemporain se délecteront aussi des associations allusives, visuelles autant que citationnelles difficile à prendre au sérieux auxquelles a recours L'Expert (Vallejo ne manque pas de se moquer aussi du « métier ») pour interpréter « les oeuvres d'Art contemporaines » du récit.
Un livre doté d'une structure sophistiquée et hurluberlue à l'image de l'Art Contemporain et de son chef-d'oeuvre protagoniste «
Efface toute trace », dont la lecture altérera à jamais votre vision dans ce domaine là !
Vallejo est unique dans son genre dans la littérature française contemporaine ( mon avis), et si vous ne le connaissez pas encore vous pouvez y aller sans hésiter avec ce dernier livre diabolique et génial de la rentrée littéraire 2020.
“La subtilité des artistes contemporains nous apparaît souvent sans limites, mais parfois aussi trop sybilline.”