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Critique de michfred


Prenez un jeune garçon, Elie Elian, faites-le réduire devant une assiette fade, cuite sans amour. Laissez-le mastiquer, longuement. Il en fait une boulette, la crache. La cache sous la nappe. Pas d'appétit. Tout maigre.

Mettez –lui sous le nez une croûte de pâte feuilletée aux fraises, bien croustillante. Il l'avale, tout rond. Il quitte la famille sans saveur, la cuisine sans plaisir. Il va dans la rue. Il change de nom. Le voilà Audierne.

Laissez monter sa faim, émulsionnez son désir avec les reliefs jetés sur les quais: qu'il les dispute aux mouettes, aux chats, aux chiens. Qu'il fasse mijoter quelques légumes et quelques herbes pour ce petit peuple d'affamés : le voilà cuistot des laissés- pour-compte de tout poil et de toute plume. Rajoutez quelques clodos : voici ses premiers clients !

La table est mise pour le destin d'un grand chef !

Faites dorer les premiers morceaux de ce joli conte gustatif, laissez-vous chatouiller les narines par les parfums des premiers succès : voici qu'une femme, une restauratrice un peu mémère, frétille d'aise, toute émoustillée par les performances gastronomiques de notre Elie-Audierne et par son fameux son tour de main …

D'un fouet habile, donnez corps aux fumets, relevez les filets, épicez les chairs, laissez macérer dans leur jus, faites saliver : Audierne-Elie sait comment retourner habilement les femmes les plus rétives, il accommode leurs désirs à sa sauce.

Cuisiner et faire l'amour sont deux façons de se sentir vivant…et vivante !

Mais qu'est-ce donc, là, dans la bisque onctueuse, quelques arêtes ? Sont-ce des pierres qui croquent vilainement sous la dent, dans le délice caviardé des lentilles ? Est-ce déjà la fin du menu ? Serons-nous privés de dessert ? Faudra-t-il retourner sur les marchés, glaner quelques tristes trognons de chou ?

Une bonne fée un peu cuisinière prend quelques initiatives anonymes et gouleyantes…C'est reparti pour la grande bouffe !

Prenez un restaurant renommé mais un peu tradi', un peu réac', renouvelez sa carte, étonnez sa clientèle : faites sauter joyeusement dans une poêle bien agitée les anciens patrons, faites réduire, gardez la quintessence de ce jus-là, nappez-en votre notoriété nouvelle, montez, montez, devenez star..

Mais voici que le vin se brouille, que la crème se délite, que le roux est plein de grumeaux.. Deux trublions et une trublionne viennent à nouveau gâcher le festin…

Le gigot de neuf heures marinerait-il dans le bouillon d' onze heures ? Tout va-t-il se terminer en infecte ragougnasse ? Les étoiles du cuisinier clignotent comme de vulgaires bougies d'anniversaire…vont-elle s'éteindre au firmament de la gloire ?

Une fable savoureuse sur la virtuosité des grands cuisiniers et les délices du palais, un conte gourmand qui ne cesse de vous mettre l'eau à la bouche et vous fournit même, obligeamment, quelques savoureuses recettes au passage.

Un peu longuet parfois ( pourtant je suis gourmande et j'aime les plats longuement mijotés) : le gibier final est un peu faisandé , la note du dernier plat manque de subtilité, le service est un peu lent, le dessert n'est pas à la hauteur de l'entrée.. bref, la fin nous laisse un peu sur la nôtre…on en perd son orthographe!

François Vallejo est comme ces artistes qui reviennent saluer un peu trop souvent le public : il cabotine un peu, mais on lui pardonne : c'est troussé comme une poularde demi-deuil, relevé comme un faisan grand veneur, crémeux comme un risotto safrané, enlevé comme une poêlée de saint jacques au vin vert…

On se régale- même si on a un peu trop mangé et qu'on a les dents du fond qui baignent…
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