Guillaume décide de raconter à sa fille l'histoire de cette étrange amitié qu'il a entretenue avec un vieux monsieur, alors qu'il n'était encore lui-même qu'un enfant. Il prend la plume et couche sur le papier ses souvenirs.
Guillaume Lambert est un enfant issu d'un milieu modeste. Il vit seul avec sa mère et sillonne la campagne à vélo. Un beau jour, après un vol plané, le voilà dans un étang d'où le repêche un original à cheval, le baron de Four de Bucquentois Lithurgue.
Que peuvent bien avoir en commun un aristocrate affublé d'un nom à tiroirs et un enfant turbulent au vocabulaire assez limité, modeste, frondeur et ignorant ?
Il s'agit d'un roman d'apprentissage où Guillaume va découvrir, par l'entremise
D Hubert, de belles valeurs de la vie : amour du travail bien fait, respect des choses anciennes, approche de la nature. Ainsi, par exemple, en apercevant des biches et des cerfs, Guillaume les nomme « gibier », comme le font les gens qui l'entourent. Au contraire, Hubert lui permet d'approcher les secrets de leur vie dans la forêt, leur beauté, leur noblesse. Ce sont des êtres vivants, dignes de respect, et non des proies pour les chasseurs. C'est une idée qui m'enthousiasme et que je partage tout à fait. Quel bonheur pour moi d'observer un faisan qui vient picorer les graines que je dépose au fond du jardin pour mes amis à plumes.
Au fil des pages, je me suis sentie tellement proche des personnages. Nous avions tant en commun : comme pour Hubert enfant, nos chambres n'étaient pas chauffées. Quand il gelait, je découvrais le matin, ma fenêtre couverte de fleurs de givre.
Les parents de Guillaume doivent surveiller leurs dépenses. « C'est trop cher, les temps sont durs, on n'a pas les moyens, il faudra économiser, se serrer la ceinture, faire attention, c'est pas avec ce qu'on gagne pour le moment que... » Je croyais entendre mes propres parents qui nous ont servi les mêmes litanies tout au long de notre jeunesse !
Quand Guillaume borde son père, il repense à tous ces soirs où l'inverse se produisait. Son papa coinçait bien les draps autour de son corps. Ce passage m'a tiré une larme, car mon papa faisait exactement la même chose. Aujourd'hui encore, pas moyen de m'endormir si je ne suis pas serrée de toutes parts dans mes couvertures.
La promenade à cheval au cours de laquelle Hubert et Guillaume peuvent approcher le peuple de la forêt, mis en confiance par la monture, m'a renvoyée à nos chevauchées dans les bois de Néthen. Tôt le matin, il n'était pas rare de côtoyer une biche qui ne fuyait pas.
Guillaume cherche la définition de certains mots, mais par l'entremise de l'ordinateur, il repousse le dictionnaire que lui propose sa mère, « l'idée de tourner les pages de ce gros bouquin, rempli de mots [le] fatiguait d'avance » et il se demande « à quoi ça (...) sert tout ça, de savoir qu'un oiseau est un torchepot plutôt qu'un moineau ou un pigeon, ou qu'un arbre est un bouleau plutôt qu'un chêne ? » Je croyais entendre des jeunes autour de moi ! Hubert, lui, trouvera des moyens très originaux et amusants pour lui en montrer l'utilité, alors que moi, hélas, je n'y aurais jamais pensé !
J'ai donc beaucoup aimé ce roman que j'ai trouvé touchant et juste, plein de sagesse et de tendresse. Il fait tomber les barrières sociales et celles de l'âge, il réveille des souvenirs, il fait découvrir des merveilles. Je vous le recommande chaudement.