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Critique de HundredDreams


Des fois, il ne faut pas grand chose pour se décider à lire un roman plutôt qu'un autre. Une superbe couverture, un titre accrocheur, un résumé qui capte l'attention ou qui intrigue, et puis on se lance en espérant tenir dans ses mains une petite pépite.
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Evie attend avec inquiétude le retour de son fiancé Liam, parti en mer alors qu'une tempête s'est levée. Comme un mauvais présage, la houle a ramené le corps d'une baleine en décomposition dans la baie. L'incipit donne le ton, l'odeur de la mort nous submerge, comme une immense vague. Elle charrie avec elle des sentiments d'inquiétude, de solitude. A cela s'ajoute la réapparition de sa mère venue pour son mariage qui va cristalliser les tensions et les rancoeurs.
Tout le roman s'articule autour de cette attente.
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A partir de là, ses souvenirs se mélangent, son attrait pour l'océan, l'attirance pour cette île malgré sa rudesse, sa famille, sa vie de couple. Evie revient sur son enfance à Winter Island où elle a grandi dans la solitude, entre deux parents défaillants et irresponsables. Une mère frivole, absente, incapable de l'aimer. Un père négligent, irresponsable et totalement immature. Evie souffre en silence et éprouve pour eux des sentiments contradictoires et coupables, entre amour, rancoeur et haine.
Malgré ses nombreux défauts, son père est bien intentionné et aimant. Mais est-ce suffisant pour créer un environnement sûr et propice au bon développent de son enfant ? Est-ce suffisant pour voir son enfant s'épanouir, grandir et devenir un adulte équilibré et épanoui ?
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A cette intrigue très intimiste, l'auteure crée un cadre mystérieux, oppressant où l'île ajoute au sentiment d'isolement et où l'océan, sa faune et ses tempêtes prennent une large place, comme des protagonistes à part entière.
L'océan et ses habitants, ligne directrice qui amène, comme le sac et le ressac, des souvenirs, bons et mauvais. Nous voguons entre désirs, blessures, attentes, silences, rancoeurs et chagrins.
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La couverture est magnifique. Elle représente une reproduction d'une planche du biologiste allemand Ernst Haeckel (1904) montrant plusieurs variétés d'anémones de mer.
Je me suis interrogée sur la pertinence de ce choix de couverture, car l'histoire se passe sur l'île de Winter Island au large de Los Angeles, et non sous l'océan. Je pense que ce sont dans les particularités de ces animaux marins qu'il faut y trouver une réponse à ce choix.
Les anémones de mer, le plus souvent fixés à la roche, ont des cellules urticantes et des capacités étonnantes de régénération.
L'autrice joue beaucoup avec les métaphores marines lorsqu'il s'agit de décrire les sentiments humains. Les personnages de ce roman sont comme ces animaux marins qui vivent sur une île dont ils n'arrivent pas à se détacher, comme s'ils ne pouvaient pas vivre en dehors de leur biotope.
Malgré les privations, les trahisons et les nombreuses blessures, Evie apprend à se relever à chaque coup dur, un peu comme l'anémone qui peut se reconstituer à partir d'une cellule souche.
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Le récit, totalement déstructuré, les nombreuses métaphores marines peuvent perturber au départ.
Cette lecture a été déconcertante pour moi car elle n'emprunte pas de repères temporels chronologiques. La construction du roman amène une tension au récit qui se met en place pièce par pièce, comme un puzzle.
En effet, « Créatures » fait des sauts dans le temps, naviguant dans le passé d'Evie, mais aussi en explorant des morceaux de vie se déroulant dans son futur, après son mariage avec Liam.
A cela s'ajoute une alternance avec des chapitres sur les animaux marins permettant à l'auteure de faire le parallèle entre Evie et le monde marin, miroir de ses sentiments.
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Un premier roman ambitieux et réussi sur les fractures familiales où l'océan, en perpétuel mouvement, sonde la complexité, la contradiction des sentiments et révèle les désirs, les fragilités, la solitude et le besoin de recevoir de la tendresse et de l'amour.
Avec cette question qui résume le roman : peut-on rattraper tous ces moments que l'on ne vit pas, toutes ces relations que l'on ne crée pas ?
Si ce roman dissèque les complexités des sentiments d'abandon, d'amour trahi, de culpabilité, il est aussi un roman de résilience. Une belle surprise.
Un grand merci à Babelio et aux éditions « La Croisée » pour m'avoir proposé cette lecture.
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