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EAN : 9782803105311
77 pages
ACADEMIE ROYALE DE BELGIQUE (06/06/2016)
4/5   2 notes
Résumé :
Un pied dans la tradition, l'autre dans la modernité, la France des Lumières développa de la Chine une vision particulière, parfois dérangeante, qui nous éclaire sur les conditions dans lesquelles l'Occident pense l'Autre, et l'ailleurs. Si le contexte a changé, les modalités selon lesquelles la Chine fut perçue au XVIIIe siècle n'en retiennent pas moins, à l'occasion, notre regard, comme le font les miroirs.Docteur en philosophie et lettres de l'Université libre de... >Voir plus
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Ce petit livre est écrit par mon ami Christophe van Staen, docteur en philosophie et lettres, chercheur à l'Université Jiao Tong de Shanghai, la ville la plus ouverte culturellement de la Chine. Il a beaucoup écrit sur le siècle des Lumières, notamment sur Gluck et J. J. Rousseau. Son livre bref et dense s'ouvre sur la Chine des missionnaires et la fameuse «question des rites». Profitant des ressemblances entre les valeurs chrétiennes de l'Evangile et la pensée de Confucius, les jésuites du Siècle des Lumières ont adapté les rites chrétiens (peu compréhensibles pour les Chinois), se sont ouverts au culte des ancêtres, et ont obtenu ainsi des conversions importantes, notamment chez les notables, et même la sympathie de l'empereur Kangxi. Ce fut compter sans la rivalité entre jésuites et dominicains, lesquels ont combattu cette adaptation comme hérétique. La suite est connue, résumée par René Étiemble, dans la formule «tolérance chinoise, intolérance chrétienne» («Les jésuites en Chine»). Une bulle de Clément XI (1715) interdit les rites chinois. Devant ces violentes querelles entre missionnaires, le père Gaubil écrit en 1726 «Tout cela a rendu aujourd'hui [en Chine] les missionnaires méprisables. Si nous sommes dans cet état trois ou quatre ans de suite, c'en est fait, la religion ici est perdue» («Correspondance de Pékin», p. 128). Un autre prêtre contre-attaque dans un brûlot sur les jésuites qui «ont permis l'idolâtrie en Chine» (1744). Tosquelles dira plus tard dans une formule lapidaire qu'il faut enseigner le christianisme aux catholiques.
«La mesquinerie de ces querelles contraste – dixit l'auteur – avec la magnanimité de l'empereur», et inspire à Voltaire sa «Relation du bannissement des jésuites en Chine» (1768) où il fait dire à l'empereur dégoûté, ce qui est réellement arrivé: «Je vous chasse, parce que, divisés entre vous, et vous détestant les uns les autres, vous êtes prêt d'infecter mon peuple du poison qui vous dévore» (p. 28). Ainsi finit cette «Querelle des rites». Je résume fort ce chapitre sur l'occasion manquée, qui est très bien documenté.
Un autre chapitre est consacré à la mode des chinoiseries («l'Autre» vu par l'oeil occidental), notamment dans la littérature française: Voltaire (L'orphelin de Chine), Montesquieu, Diderot et d'autres. Il y a aussi un passage sur le commerce.
L'européocentrisme a fait réfléchir d'autres auteurs comme Laurence Roulleau-Berger qui écrit dans «Désoccidentaliser la sociologie» (p. 164) que la pensée occidentale continue à se voir comme «médiation universelle de toutes les autres histoires, y compris de l'histoire et de la culture chinoise».
Quelques phrases du livre en exergue: «Les Européens ne comprennent jamais de la Chine que ce qui leur ressemble » (Malraux, La Condition humaine, 1933), «Quand quelque chose souffre du désir de quelque chose de nouveau... ce qu'elle veut est quelque chose d'ancien» (Fernando Pessoa, Erostrate, 1925, XI).
Quelques réflexions personnelles pour terminer. J'ai eu la chance d'aller plusieurs fois en Chine avec ma fille Isadora, d'être invité chez des Chinois, d'avoir à Pékin un ami correspondant de presse, Éric Meyer, qui m'a amené hors des sentiers pour touristes, (je vous recommande ses livres sur la Chine, référencés sur Babélio), et d'aller fréquemment voir des films chinois à l'Institut Confucius, où j'ai aussi fait une conférence sur l'orientalisme en musique. À chaque fois surgit la question d'un accent forcé mis sur les «différences», souvent anecdotiques, par exemple «Ils mangent avec des baguettes» (et cette surexposition des différences vaut pour tous les peuples «différents» au détriment de ce qu'il y a de commun, qui finit par être sous-estimé, voire ignoré). Pourtant, les espiègleries des enfants sont les mêmes, les poèmes d'amour aussi, tout comme les aspirations. le taux de croissance chinois permet au niveau de vie d'augmenter rapidement, surtout dans les grandes villes, et à défaut de démocratie, on aspire à sa voiture, son appartement, à voyager à l'étranger,... Toutes les grandes marques ont leurs boutiques à Pékin et à Shanghaï. La seule chose qui est restée du communisme, ce n'est ni la pensée de Marx, ni celle de Mao, mais le parti unique, le verrouillage du pouvoir et la répression de la pensée libre. Au Siècle des Lumières, le syncrétisme entre confucianisme et christianisme a échoué mais le syncrétisme se retrouve dans un mélange d'athéisme et de fréquentation des lieux de culte où l'on ne néglige pas d'aller brûler des cierges et de l'encens dans les temples qui ont survécu à la démolition des gardes rouges (en ajoutant les photos de Mao aux statures de Bouddha). On pourrait résumer la situation par la formule «consomme et tais-toi» qui n'est pas sans convergence avec ce que la publicité, chez nous, impose comme modèle à nos cerveaux.
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