On commence fort : pour moi, Ferenusia est clairement le meilleur tome de la série des Outrepasseurs et heureusement que
Cindy van Wilder l'a écrit, parce que cela en vaut carrément la peine et complète parfaitement l'histoire de base.
Ce tome se démarque des autres par l'histoire qu'il raconte : finis, les faux-semblants des Outrepasseurs qui donnaient à l'intrigue ce double-fond parfois un peu dérangeant. Les héros et le lecteur ne tâtonnent plus dans le noir à la recherche de la vérité, en exhumant autant d'indices que de contre-exemples… Désormais les faits sont clairs : bien que chaque camp ait ses torts et ses raisons, les méchants, ce sont les Outrepasseurs. A peine avais-je compris leur rôle dans l'histoire (il est assez ambigu tout de même) qu'on découvre son mal-fondé. Je redoutais un peu le tome 4 pour ça, cette atmosphère d'illusions qui mettaient régulièrement ma cervelle-premier-degré-de-lecture à rude épreuve, mais la vérité est tout autre : avec cet aspect de l'histoire qui se trouve réglé à la fin du tome 3, enfin nous abordons l'action avec une vision très claire et des objectifs plus précis pour les protagonistes – ce changement survient peut-être au cours du tome 3 et non à sa fin, mais je ne m'en souviens plus exactement et je n'ai pas ledit tome 3 sous la main pour vérifier –. Après trois livres avec cette ambiance, ça fait du bien d'enfin y voir clair. J'ignore si tous les lecteurs l'ont ressenti comme moi, mais personnellement par moments j'ai vraiment eu du mal, d'autant plus que l'écriture de Cindy van Wilder est très immersive et juge parfois inutile d'expliciter certaines spécificités de son univers. le fait que ces romans mêlent notre univers et une dimension fantastique dans une alchimie plus complexe que la normale, contrairement aux romans de fantasy, m'a posé problème pour en intégrer certaines normes. Mais ça va mieux, rassure-toi !
Auparavant, la lecture poussait simplement le lecteur à vouloir comprendre la vérité au sujet des Outrepasseurs à travers le personnage de Peter ; désormais, elle véhicule aussi et surtout des messages humanitaires d'une grande importance : l'acceptation de son prochain à travers l'histoire des Ferreux, la quête identitaire qui se poursuit pour Peter et Shirley, bien qu'à une échelle différente. Ferenusia se déroule réellement après le climax de la série et sert d'étape « situation finale » de longue haleine, avec quelques nouveaux enjeux comme les Ferreux. Notons que le premier tome servait également de complète introduction à la série ! On aime commencer et finir une histoire dans les grandes largeurs, Cindy ? Perso, j'aime beaucoup.
Comme dans les tomes précédents, les narrateurs changent au fil des chapitres et donnent une vision plus complète des différents plans d'action du roman. Anciennement, cela nous permettait surtout de découvrir la vision du monde des Outrepasseurs, pour accentuer ou nuancer le point de vue de Peter ; désormais que tous les personnages sont à peu près d'accord sur leurs objectifs, cela sera surtout à suivre les aventures des protagonistes à travers le monde, car ils sont dispersés entre Londres, la France, l'Australie… le lecteur voyage.
J'avais reproché aux trois premiers tomes d'avoir beaucoup de personnages et de perdre le lecteur. Ici, les rangs des Outrepasseurs se sont clairement clairsemés, et le nombre de Ferreux apparaissant reste raisonnable. Un souci de réglé, en somme.
Passons à l'aspect humain du roman. Parce qu'à ce stade, même moi je ne peux pas faire impasse dessus. Je vais essayer d'en parler sans trop spoiler, mais je ne garantis pas un mystère total quant aux petits couples qui vont se former dans Ferenusia…
C'est simple, presque tout le monde se maque. Si mignon. On en arrive au stade de l'histoire ou les différents personnages se retrouvent après les épreuves traversées, ou se découvrent sous de nouveaux aspects et finissent par se tomber dans les bras les uns des autres. J'aurais davantage gueulé après cette tendance si le couple que je shipais depuis… au moins le tome 2 n'avait pas ENFIN fini par se former. Mon petit coeur de granit a fondu comme neige au soleil quand ces deux-là ont enfin échangé leur premier baiser… Mais je ne dirai rien ! Va donc lire pour en savoir plus !
de manière plus générale, j'ai été très agréablement surprise par le nombre de couple LGBT+ du roman. On a tendance à parler de « minorité représentée » quand un couple gay ou lesbien apparaît dans une fiction et, malheureusement, c'est souvent le fond de pensée – inconscient – de l'auteur. Un couple homo ça va, deux faut pas abuser, ils sont pas si nombreux que ça quand même ?! J'ironise, évidemment, j'encourage la façon qu'a Cindy van Wilder d'autant banaliser la chose, c'est magnifique. Et ça change énormément d'autres romans ados qui font de l'homosexualité leur thème principal. Ici, nulle embrouille, c'est normal et jamais contesté. de plus, des « couples » déjà existants sont retravaillés, se séparent, découvrent des choses sur eux-mêmes et leur évolution. Je dois dire que l'un des personnages que je shipais était déjà en couple et que pour cela, je craignais de ne jamais voir mon rêve se réaliser. Mais au diable les conventions sentimentales dans le roman ado, on bouscule un peu pour gagner en crédibilité et en émotion ! (Tu aurais dû me voir quand je lisais ce fameux passage du baiser. Je me tordais de joie, on aurait dit une lectrice de Twilight.)
Pour finir sur les détails, je ne pouvais pas ne pas parler de S., un personnage non-binaire. Gros coup de coeur, la meilleure découverte, damn, que rajouter ? En découvrant l'utilisation du pronom neutre dans la narration, pronom neutre que moi-même j'utilise régulièrement et dont on a plusieurs fois voulu contester l'existence en ma présence, j'ai directement senti que j'allais adorer Ferenusia pour son côté engagé. Pourtant je dis « engagé », mais l'autrice n'essaie pas vraiment de faire passer un message au travers de son roman. Elle ne fait qu'utiliser l'extraordinaire diversité d'identités humaines pour nous proposer une palette de personnages plus variés, et c'est tout à son honneur. S. est confronté à du scepticisme de la part de son entourage, mais encore une fois ce n'est pas poussé jusqu'à devenir l'un des thèmes du roman. Subtilité et juste mesure sont les maîtres-mots.
Et comme mot de la fin, j'aimerais insister sur l'importance de la nouvelle qui se situe après la fin de Ferenusia, intitulée Tsimoka. Elle est facultative mais élucide certains points secondaires du roman, qui restaient en suspense. Une lecture fort utile, et je ne peux que remercier l'autrice et les éditeurs de l'avoir rajoutée au livre.
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