Cet assassin, cet inverti, cette boue, cette loque, ce déchet, ce rebut dont vous, les hommes, ne voulez plus, qui ne veut même plus de lui-même, donnez-le-moi, dit l’Éternel. Donnez-le-moi ! Et qu'il accepte seulement, humblement, de connaître sa misère, de la porter et de lutter. Et j'affermirai ses pas, et mettrai un cantique nouveau dans sa bouche. Et cette poussière chantera ma louange. Et cette vie, de honte et d'ignominie aux yeux de tous, pour moi, elle se consumera comme un encens.
Il faut être comme moi. Il faut être à jamais privé de cette joie-là pour comprendre le cri d'Eponine, pour comprendre qu'avec l'amour vous avez tout, vous autres ! Que rien d'autre ne compte ! Que vous êtes, si vous le voulez, vous autres, prodigieusement riches ! Que les splendeurs de la terre ne comptent plus ! Les triomphes d'un empereur romain remplacent-ils la chaleur, contre votre poitrine, d'un cœur qui aime ? Imaginez-vous à jamais privé de cela ! Et mesurez à cela ma misère.
Ce doit être là tout l'homme, double, complexe. Inexplicable mélange de bien et de mal, de roueries et de sincérité. Détruisant ce qu'il voulait servir, rêvant de bien et faisant le mal, infiniment retors, compliqué et misérable, parce que conscient de sa duplicité.
La maison dans la dune (1988), extrait.