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Critique de thedoc


thedoc
17 décembre 2018
Hillbilly, c'est le" péquenaud" américain. Dans le cinéma, on le trouve sous les traits de dégénérés pervers dans le film "Délivrance". Dans la littérature, on pourrait penser à sa version australienne de psychopathes illuminés dans "Cul de sac" de Douglas Kennedy.
Le livre de J.D. Vance, "Hillbilly élégie" nous offre lui la version la plus réaliste qui soit car il s'agit ici d'une autobiographie. Les Hillbillies dont il parle, c'est sa famille, sa communauté, des immigrés irlando-écossais installés depuis le 18e siècle dans les Appalaches. Ces Hillbillies ne se rattachent pas aux Blancs WASP du Nord-Est des Etats-Unis mais à cette classe ouvrière blanche, pauvre par tradition, rustre , installée dans la "Rust Belt", ancienne région industrielle dont l'économie reposait autrefois sur le charbon et l'acier mais qui est aujourd'hui dévastée par le chômage lié à la fermeture des mines.

Avec ce livre, JD Vance nous fait remonter aux racines de son enfance chaotique passée entre Jackson, Kentucky, terre d'accueil de ses ancêtres, et Middletown, Ohio, où un grand nombre de "petits" blancs ont émigré dans l'espoir d'y construire une vie meilleure. Un père biologique quasi inexistant, une mère droguée aux opiacés, fléau endémique parmi cette population, des pères de substitution qui défilent les uns après les autres, des tempéraments violents... JD Vance, comme des milliers d'autres jeunes dans sa situation , aurait pu végéter, ne rien faire de sa vie et attendre juste les aides sociales qui tombent chaque mois. Mais c'était sans compter une grand-mère exceptionnelle, Mamaw, qui l'a toujours poussé vers les études et l'a habitué à combattre ce défaitisme et ce déterminisme ambiants. Vance, lui, s'en est tiré : après un passage dans les Marines, il a quitté son patelin pour partir étudier, d'abord à l'université d'Etat de l'Ohio, puis à la très réputée Yale, dans le Connecticut. Et il a obtenu ce à quoi personne ne croit dans son milieu d'origine : changer de classe sociale en devenant avocat.

Devenu un battant grâce à sa grand-mère, il explique que les Marines lui ont apporté maturité, volontarisme et responsabilité, que la Religion permet également aux gens d'être plus optimiste dans la vie. Il n'hésite pas à qualifier les gens de sa communauté de fainéants qui feraient mieux de se bouger au lieu de toujours attendre que le travail vienne à eux. Ses idées sont parfois un peu simplistes et les raccourcis sont vite trouvés. S'il cite parfois des études et des enquêtes, JD Vance n'est en rien un sociologue et certains de ses arguments devraient être corroborés avec de vraies études socio-économiques. Il s'agit surtout pour moi ici d'une analyse et d'une réflexion basées sur des observations personnelles. Et en somme, il ne découvre rien de fondamental : oui, effectivement, même dans un milieu défavorisé on peut s'en sortir grâce à une personne qui nous maintient la tête hors de l'eau et nous botte le cul.

Pour autant, si la pensée de JD Vance n'est pas aussi claire que des critiques dithyrambiques voudraient nous le faire croire, elle est surtout liée au fait que son regard réaliste se mêle à un profond attachement à une population blanche que l'on dénigre trop souvent. JD Vance critique l'humour graveleux, les bagarres, l'alcoolisme, les divorces et la drogue mais loue la loyauté et l'honneur de la famille qui occupent une place primordiale dans la vie d'un Hillbilly.
Conservateur, tiraillé entre son vécu d'Hillbilly et sa nouvelle vie, il n'hésite pas à montrer clairement qu'un fossé énorme s'est installé entre les élites centrées sur elles-mêmes, et cette population qui se sent abandonnée. Une situation qui, par les temps qui courent, nous rappelle des événements français très actuels...

Un récit très instructif qui est un best-seller aux Etats-Unis et qui en France est passé inaperçu à sa sortie. Bizarre...
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