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Jeff VanderMeer (Autre)
EAN : 9791030703665
480 pages
Au Diable Vauvert (08/10/2020)
3.95/5   49 notes
Résumé :
« J’ignorais quelle importance Borne aurait pour nous. Je ne pouvais pas savoir qu’il changerait tout. Y compris moi. »

Dans une ville en ruine, détruite par la sécheresse et les conflits, et où les hommes survivent comme des charognards, Rachel trouve Borne lors d’une mission de récupération. Elle le ramène chez elle. Borne est une masse verte vivante, plante ou animal, et dégage un étrange charisme. Mère refoulée, Rachel garde Borne et s’y attache c... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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Jeff Vandermeer est un génie.
Posons ça là, immédiatement, pour clarifier les choses.
Jeff Vandermeer est aussi l'un des auteurs américains les plus injustement méconnus en France une fois sorti du microcosme de l'imaginaire.
L'auteur du monumental La Cité des Saints et des Fous a pourtant connu une seconde chance dans l'Hexagone avec sa Trilogie du Rempart Sud publiée chez Au Diable Vauvert à l'occasion de son adaptation filmique par Alex Garland sous le titre d'Annihilation.
Mais de nombreuses oeuvres de l'américain restent encore indisponibles à ce jour dans la langue de Molière, cela malgré une popularité croissante Outre-Atlantique et un engouement critique qui ne se dément pas avec les années.
Si l'on attend toujours de façon désespérée la traduction de son Veniss Underground, c'est avec l'un de ses ouvrages les plus récents que revient Jeff Vandermeer sous nos latitudes : Borne.
Une occasion forcément immanquable pour le lecteur français de plonger dans l'univers weird et curieusement émouvant de cet auteur unique en son genre.

It's a strange world, after all
Tout commence par une découverte, celle faites par notre narratrice, Rachel, sur la fourrure de Mord, un ours géant qui vole.
Cette découverte ? Borne, un être bizarre, étrange, impossible à cataloguer, tantôt en forme de vase inversé tantôt tentaculaire et végétal.
Intriguée par cette chose, Rachel lui accorde le droit de vivre au sein des Falaises à Balcons où elle vit avec Wick, un scientifique sur le déclin.
Bien vite, Borne se met à bouger, à manger, à changer…à parler !
Mais… attendez une minute… un ours géant qui vole ?
Borne prend place dans une immense cité en ruines, sans nom, abandonnée, effrayante, dangereuse. Tout droit sortie d'un cauchemar Volodinien, la cité n'a pas vraiment de passé clairement défini. Les souvenirs dans Borne sont flous, pour les êtres vivants comme pour la pierre et les rivières toxiques. Jadis, l'univers de Rachel a connu des guerres, des massacres, des accalmies, une lente décrépitude… que s'est-il passé exactement ?
La seule chose que l'on sait avec certitude dans le monde inventé par Jeff Vandermeer, c'est que la cité a vu une mystérieuse Compagnie s'installer en son sein. Un édifice tentaculaire qui l'a drainé de sa substance vitale et l'a inondé de choses recréées, difformes, dangereuses, étranges.
C'est d'une des expériences de la Compagnie qu'est né Mord, un ours plus grand qu'un immeuble et qui a la faculté pour le moins inattendue… de voler !
Depuis, la situation a empiré. Mord fait régner la terreur, ses intermédiaires (de plus petits ours génétiquement modifiés et venimeux à souhait) surveillent son territoire et La Magicienne, une des survivantes de la Compagnie, transforme les enfants abandonnés de la cité pour en faire de parfaits petits soldats à ses ordres.
De loin, Wick et Rachel survivent dans un édifice en ruines, peut-être jadis un immeuble majestueux, aujourd'hui un labyrinthe parsemé de pièges où la biotech de Wick peut saisir l'intrus à n'importe quel tournant. Cette cohabitation fragile bien que profitable pour les deux partis, est mise en péril par l'arrivée de Borne, un nouveau rouage dans la machinerie qui risque de tout déstabiliser. Et si Wick ne lui fait pas confiance, Rachel, elle, se prend à aimer son nouveau compagnon comme une mère…

Weird, Weird…et Weird
Borne n'est pas un roman de Jeff Vandermeer pour rien. Comme toujours, on y retrouve un bestiaire aux confins d'une fantasy malsaine et d'une science-fiction organique en diable, avec des ours géants et des renards intelligents, des enfants-guêpe et des poissons à tête humain. Comme toujours aussi, des leitmotivs, des éléments entêtants qui viennent et reviennent au gré des pages et dans la tête du lecteur, si les ours remplacent les champignons d'Ambregris et si les suricates de Veniss laissent la place aux renards, le principe reste le même : créer un surréalisme horrifique par la répétition, l'omniprésence.
La ville, elle, n'est qu'un terrain apocalyptique de plus de prime abord mais trouve, petit à petit, un caractère propre. Comme le monde imaginaire de Peter Pan redessiné par un scientifique fou, avec des enfants perdus chirurgicalement défigurés et un Peter Pan qui rentre à la maison en bestiole biotech à la fois émouvante et dévastatrice.
Dans l'univers de Jeff Vandermeer, rien n'est ce qu'il semble être, tout cache un vilain secret. Entre les cendres d'une ville détruite et les dépouilles sinistres d'astronautes morts qui n'en sont pas vraiment, Rachel et Borne vont apprendre à s'apprivoiser, à se connaître et à s'aimer.
Mais surtout, à se redécouvrir.

Élever un enfant…différent
Ce grand roman weird, c'est avant tout un roman d'apprentissage, celui d'une créature aussi peu humaine qu'émouvante du nom de Borne. Rachel, pour une raison qui n'appartient qu'à elle (et que l'on comprendra à la toute fin de son récit), s'attache à cet enfant qu'elle a trouvé, un petit être qui ne sait ni parler ni marcher et qui, petit à petit, va grandir, apprendre, changer.
Jeff Vandermeer imagine l'éducation d'une créature non-humaine à l'aune de critères, de sentiments et de jugements humains. Forcément, Borne attendrit le lecteur, maladroit et comique, toujours bienveillant envers sa mère adoptive…mais Borne reste Borne, une créature différente avec une nature profonde qui diffère de l'humain, qui remonte à la surface de façon inévitable. Métaphore de l'adolescence, du passage à l'âge adulte, de l'amour que peut porter une mère à son enfant alors que celui-ci n'en est plus un depuis longtemps, Borne théorise le nouvel adulte sous le signe de l'étrange et de l'absurde, pousse le sentiment de changement à l'extrême, physiquement et psychiquement.
Tout ça pour arriver à une question essentielle : qu'est-ce qu'une personne… qu'est-ce qu'être une personne ? Notre capacité à se mentir ? À se penser personne ? Humain ? À connaître la mort ? le bien et le mal ?
Jeff Vandermeer, sous le soleil post-apocalyptique et le passage régulier d'un ours volant géant dans l'intervalle, brise les rêves imaginaires et confronte ses étranges personnages au réel.

Âmes brisées en quête de souvenirs
Un réel brisé, en miettes, détruit. Un monde cassé qu'il faudrait réparé, mais comment ? Chaque personnage ici incarne l'une des facettes de ce monde en morceaux.
Rachel, la récupératrice au passé couturé de cicatrices, aux recoins obscurs, en besoin d'amour, en besoin d'aimer.
Wick, le scientifique en perdition, rongé par le remord, méfiant de tout, de tous, perdu dans ses créations absurdes.
Borne, l'animal-chose qui voudrait être un « vrai p'tit garçon » , être gentil, être entier pour exister, tiraillé entre ses pulsions meurtrières et son amour étrangement humain.
Même La Magicienne, ennemie errante dont on ne sait rien ou presque, qui rêve de mettre à bas Mord, expérience ratée ou terreur ultime.
Dans le monde créé par Jeff Vandermeer, la vie semble cruelle mais pourtant délicieuse, intense, surprenante. La capacité de l'américain à changer les formes, à transformer de vieux équipements NBC en combinaisons d'astronautes morts, à imaginer des médicaments sous forme de pillules-nautiles, à dessiner des vers-diagnostics et des scarabées de combats, tout ça mène à une sorte de ré-enchantement glauque d'un réel en perdition, d'un réel qui, pourtant, recèle toujours une part de beauté et d'espoir.
L'espoir d'être un jour une personne, de savoir qui l'on est, d'accomplir quelque chose.
La terreur elle, guette toujours, Vandermeer ne déroge pas à ses passions premières. Dans les profondeurs du bâtiment de la Compagnie, sur un toit entouré d'ours venimeux, dans une chambre torturé par des enfants-mutants… la terreur reste mais l'amour aussi, jusqu'à la fin, au-delà du miroir, au-delà du sacrifice.

Roman du pardon et de l'amour, de la mémoire et du malaise, de l'être et du non-être, Borne trouve la beauté absolue au coeur de l'horreur organique et surréaliste dont raffole son auteur. Singulier jusqu'au bout de ses griffes et de ses tentacules, Borne réaffirme encore et encore que l'univers de Jeff Vandermeer reste l'un des plus originaux, des plus forts et des plus beaux de l'univers.
Lien : https://justaword.fr/borne-5..
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Rachel est récupératrice. Dans les décombres d'une ville ravagée, secouée d'une violence de chaque instant et surplombée par les ruines de la Compagnie, elle cherche tout ce qui se mange, tout ce qui peut être utile. « La ville gisait grande ouverte telle un trésor pour psychopathes. Des gens disparaissaient tout le temps. Des gens mouraient assez fréquemment. » (p. 292) C'est en accomplissant une tournée banale de récupération que Rachel trouve Borne, accroché à la fourrure nauséabonde de Mord, ours haut de trois étages et qui vole. Borne est-il une plante ? Un crustacé ? Ou un assemblage inédit de biotech doué de pensée ? « Rachel, Rachel... qu'est-ce que je suis ? » (p. 130) Être mouvant dont les capacités grandissent chaque jour, Borne est loin d'être inoffensif. Et sans tenir compte de l'amour qu'elle lui porte, Rachel devra accepter la véritable nature de son ami. « Borne m'apprenait continuellement comment le « lire », mais que voulait dire cette forme, à part que j'étais censée accepter l'impossible ? » (p. 137)

Vous qui ouvrez ce roman, ne cherchez pas à tout comprendre ou à comparer avec d'autres textes. Une fois encore, après Annihilation, autorité et Acceptation, Jeff Vandermeer propose une science-fiction qui bouscule tous les codes et refuse toutes les facilités. Tout est étrangement beau dans son monde cruel, et même poétiquement dégoûtant. Il faut sans aucun doute saluer le travail de traduction de Gilles Goulet, car la lecture est fluide en dépit des curieux concepts développés par l'auteur. Magie ou ultra-technologie, à vous de voir par quoi est animé Borne. Moi, j'ai plongé avec délectation dans le récit a posteriori du désastre personnel de Rachel. Jeff Vandermeer excelle dans la construction d'univers où rien n'est certain, où tout est ouvert à l'interprétation. Ainsi, il offre à ses lecteurs la chance d'exercer leur imagination, et c'est un don aussi beau que le texte lui-même.
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Une très bonne surprise que ce sympathique et étonnant roman SF pourtant passé à travers mon radar ! Je l'avais vu mentionné ça et là sur les réseaux, mais pas tellement souvent, ce qui m'étonne au vu de sa qualité. J'ai profité de sa sortie en poche pour le lire.

Ce que j'ai aimé :

- le personnage de Borne, vraiment attachant : un être indéfinissable, entre la plante, l'humain et l'animal, qui ressemble à un calmar géant, qui aime, pense et parle.
- le retour des « ours tueurs », l'obsession de l'auteur (je le comprends, les ours, ça fait vraiment peur, encore plus quand il est zombifié et augmenté) : pour moi, il n'y a pas de bonne dystopie sans un bon ours tueur. C'est la marque des meilleurs.
- la coloration « bio-horror » qui était déjà présente dans la trilogie du Rempart Sud. Il y a pas mal de similitudes avec cette saga qui m'avait déjà considérablement marquée (même si j'ai trouvé la lecture plus laborieuse que ce Borne), mais je ne vais pas les détailler pour ne pas spoiler. En tout cas, il y a des abominations eldritchiennes, de la violence, du macabre, du gore, du body-horror, comme dans Annihilation. L'auteur appartient à la mouvance du « new weird », successeur du « old weird » (Lovecraft), un mélange SF/fantasy qui intègre des éléments bizarres et non humains dans un cadre familier et cherche à transcender la barrière entre les genres littéraires.
- un petit côté « kaijû eiga » avec la ville livrée à la tyrannie destructrice de monstres géants exsudant des substances toxiques, fruits de la folie des hommes. On a même droit à un magnifique combat de monstres sur les ruines à la fin !
- le caractère « intimiste » de la narration : on est tourné vers l'humain, l'affect, le charnel, le ressenti et l'intuition, plutôt que vers la rationalité froide et désincarnée qu'on trouve souvent dans ce type de littérature. Cela est renforcé par la narration à la première personne : on suit les pensées de la protagoniste, une jeune femme experte en survie, mais qui n'est ni un parangon de morale ni une superhéroïne. Elle est guidée par son intuition et ses sentiments pour savoir ce qu'il faut faire ou non, à qui accorder sa confiance. Parfois, ses choix peuvent sembler déroutants aux lecteurs : pourquoi décide-t-elle de faire confiance à untel, d'exclure un tel, etc. ?
- le final « optimiste » de cette dystopie : OK c'est le monde après le grand effondrement, la vie ne vaut pas bien cher, tout est pollué et empoisonné, les ressources sont plus rares que les cadavres, des monstres abominables rôdent sur les ruines de la civilisation en quête de chair fraiche, mais malgré tout, il reste de l'espoir.

Ce que j'ai moins aimé :

- l'écriture parfois dure à suivre, mais qui ne m'a pas empêché de tourner les pages à toute vitesse.
- le format un peu court : cette histoire aurait gagné à avoir un développement, surtout pour les questions laissées en suspens à la fin. Heureusement, il y a un tome 2, pas encore traduit en français ! J'espère qu'il va l'être bientôt.

Ça ressemble à :

Les tentacules, de Rita Indiana, en plus accessible, pour le foisonnement de l'écriture à la première personne féminine, le décor exotique et la vision d'un monde qui fait le pont entre le nôtre et celui d'après.
Au début du manga Gunnm et à certaines parties de Last Order, pour toute la réflexion humaniste et la critique de la science sans éthique.
À l'arc Tsumugi du manga Knight of Sidonia (Tsutomu Nihei), pour la relation fusionnelle entre un être étrange et un humain.
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Un roman post-apo cyberbiopunk décapant et bien barré.
Rachel est une survivante dans une immense ville en ruine dont on a oublié le nom. La guerre, la misère et la pollution avait déjà dévasté la mégalopole avant qu'apparaisse Mord, un ours de 100métres de haut qui vole et est constamment en rogne quand il ne dort pas. Rachel est ce qu'on appelle une "récupératrice"(classique du genre); elle sort de sa planque pour ramasser de quoi manger, boire, se défendre bref: survivre. Elle est tellement expérimentée et intrépide qu'elle se permet même de fouiller la fourrure de Mord quand il dort. C'est là qu'elle découvre Borne, une biotech étrange qui ressemble à un poulpe à l'envers vert et violet. Elle le ramasse sans même savoir si c'est une plante, un objet, un animal ou un champignon. Petit à petit borne grossi, se met à parler, à éprouver des émotions et Rachel développe un lien maternel à son égard.
Rachel est cachée dans "les falaises à balcons" (on en déduit que c'est un énorme immeuble à moitié en ruine) avec Wick un autre survivant paranoïde qui troc des robots scarabées que les survivants mettent dans leurs oreilles pour lire les souvenirs qui y sont enregistrés (oui, c'est perché). Ce qui fait de Wick un genre de dealer puisque pouvoir échapper à une réalité si dure en consommant les souvenirs des scarabées devient vital pour beaucoup.
La solitude et la menace mortelle sont constante, Rachel parle très peu des autres humains ayant survécu, la plupart sont des enfants mutants sauvages avec des membres bioniques ou des familles faméliques. Il y a malgré tout des rapports de force et de territorialité qui étoffent encore la complexité des ruines, la "Magicienne" semble être un genre de parrain de mafia qui possède des technologies suffisantes pour asservir ses ouailles, certaine zone sont "sous le contrôle" de Wick et donc de Rachel. le reste est à Mord, qui dévore et détruit tout sur son passage. On entend également souvent parler de "la Compagnie" une entreprise de biotechnologie qui aurait fait la prospérité de la ville avant d'en faire la ruine, pour finalement laisser s'échapper Mord... Personne ne sait vraiment ce qu'il se passe encore dans le bâtiment de la firme mais une chose est sûr; ils ont complétement vrillé...

Les livres de Vandermeer sont très dépaysants, les mondes qu'il créé débordent de bizarreries. Tout y est coloré et bruissant de vie, à la fois menaçant et fascinant, quasi psychédélique. La nature et la technologie se sont hybridées en un carnaval foisonnant et foutraque. Ce future n'est clairement pas désirable mais qu'est ce qu'il peut être beau. L'odorat y est aussi omniprésent, Rachel décrit des odeurs quasi-inconcevables ce qui accentue l'étrangeté et la poésie de son monde. Les émotions et la psychologie des personnages sont très détaillés ce qui nous entraine au coeur de leur relations, de leurs défiance, de leurs espoirs. Vous l'aurez compris le récit de Rachel est un récit intime et viscéralement terrestre, Borne devient son enfant, elle l'aime mais tous ignorent ce qu'il est. Ce roman m'a fait passer par plein d'humeurs, c'est triste, enjouant, parfois révoltant. Je recommande chaudement, son écriture est riche et son imagination sans limite, c'est Jérôme Bosch qui rentre d'un voyage dans le futur sous LSD.
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Comme dans la Trilogie du rempart Sud, Jeff Vandermeer nous plonge dans un univers cauchemardesque et étrangement beau, qui soulève de nombreuses questions et garde une grande part de mystère jusqu'aux dernières pages. On a ici affaire à une ville ravagée par la pollution, peuplée de créatures biotech fabriquées par la Compagnie, dont le métamorphe Borne, qui donne son nom au roman. L'évolution de cette créature et sa relation avec la récupératrice Rachel (sa « mère » adoptive peut-on dire) est le point que j'ai préféré dans le roman. J'ai été fasciné de voir Borne grandir et évoluer, apprendre à parler, changer son apparence, exprimer son besoin d'autonomie, influencé par l'éducation de Rachel et sa nature profonde (car, contrairement aux êtres humains, Borne a, semble t-il, été conçu dans un but précis, que je ne dévoilerai pas). Jeff Vandermeer en fait un personnage complexe et ambivalent, à la fois très proche (par son utilisation du langage, son éducation) et très éloigné du fonctionnement humain, attachant et dangereux. Cela se ressent d'ailleurs dans les sentiments de Rachel à son égard, qui naviguent de l'amour maternel à la prise de conscience du danger représenté par Borne, avec la tentation de le « sauver » de sa nature profonde. J'ai beaucoup aimé aussi la poésie des descriptions, des couleurs qui apparaissent à la surface de Borne pour exprimer des émotions, au surréalisme des créations biotechnologiques.
Avec toutes ces qualités, j'ai eu cependant du mal à avancer dans ce roman et à le terminer. La faute peut-être à une narration que j'ai trouvée trop statique et linéaire : malgré la beauté de l'univers, une grande part du roman se déroule aux Falaises à balcons (le domicile de Rachel, Wick et Borne). J'ai été frustré du manque d'exploration et de développement des personnages secondaires, notamment la Magicienne, ou de ne pas en apprendre plus sur l'ours géant Mord et ses intermédiaires, restés pour moi à l'état d'esquisse. J'ai aussi trouvé que cet univers n'avait pas la profondeur et le pouvoir de fascination de la zone X dans la Trilogie du rempart Sud. Ça reste malgré tout un roman unique, et un exemple pour moi des possibilités offertes par la littérature en terme de construction d'univers hors-normes, qui s'affranchissent des règles du réel pour offrir des expériences complémentent folles au lecteur.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Autrefois, c’était différent. Autrefois, les gens avaient des foyers et des parents et ils allaient à l’école. Les villes faisaient partie de pays et ces pays avaient des dirigeants. On voyageait par loisir ou en quête d’aventures, pas pour survivre. Mais à mon arrivée à l’âge adulte, la situation générale était une plaisanterie de mauvais goût. C’est incroyable comme un faux pas a pu se transformer en chute libre et une chute libre en un enfer au sein duquel nous avons continué à vivre tels des fantômes dans un monde hanté.
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Vient un moment, quand on assiste à des événements des plus spectaculaires, où on ne sait ni quelle place leur donner dans le cosmos ni comment les relier au fonctionnement normal d'une journée. C'est pire quand ils se reproduisent, à plus grande ampleur encore, dans un effet domino de ce que vous n'avez encore jamais vu et ne savez pas dans quelle catégorie ranger. C'est perturbant parce que chaque fois que vous en prenez l'habitude, vous poursuivez votre chemin et, à force, il y a une certaine grandeur ordinaire à l'échelle qui place certains événements hors de portée de la réprimande ou du jugement, de l'horreur ou de l'émerveillement, ou même de l'emprise de l'histoire.
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C’est le problème, avec les gens qui ne sont pas humains. Impossible de savoir à quel point ils sont blessés, ou ont besoin de votre aide, et tant que vous ne le leur demandez pas, ils ne savent pas trop comment vous le dire.
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J'ai aussitôt regretté mes paroles, par lesquelles je venais de reconnaître que nous ne vivions pas dans le monde réel, mais dans une bulle, une bulle d'espace et de temps qui ne pouvait pas durer et ne durerait pas. (p.83)
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Partout où nous arrivions pour recommencer à zéro, mon père construisait des choses : des tentes, des enclos, des jardins potagers. Ma mère donnait un coup de main pour soigner les malades, même si le pays dans lequel nous vivons ne reconnaissait pas son diplôme de médecine. Le faisaient-ils par altruisme ? Ils se battaient pour leurs vies, pour leurs identités. Donc, non, il ne s'agissait pas là d'altruisme, mais cela aidait les gens. (p.62)
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