On n'avait pas cédé aux sirènes de
Sukkwan Island, le précédent roman de
David Vann : trop d'engouement, trop de ferveur sur les blogs, l'effet de mode nous avait paru suspect.
Mais on ne pouvait pas bouder trop longtemps et le pitch de son second roman,
Désolations, semblait prometteur.
Au fin de fond de l'Alaska, Gary et Irene sont à la retraite, leurs gosses élevés et devenus adultes.
Gary n'a plus qu'une obsession : construire sa cabane sur Caribou Island (c'est le titre en VO), l'île perdue au milieu du lac en face de chez eux.
Irene est prête à la suivre, tout, même la folie de Gary, plutôt que d'être abandonnée à nouveau (elle ne s'est jamais remise de la fuite de son père et de la pendaison de sa mère).
Dès les premières pages tout est dit : on sait qu'on va accompagner ce vieux couple finissant dans une lente mais certaine descente aux enfers, jusqu'à un dénouement qui ne pourra être que tragique.
Bientôt Irene sera prise de maux de tête terribles, qu'on devine psychosomatiques. Tous deux s'entêtent, chacun de son côté, Gary à bâtir sa cabane de travers, Irene à ne pas le lâcher pour ne pas lui laisser l'occasion de la planter sur la rive.
Et pour être sûr que cette histoire soit vraiment terrible,
David Vann va nous emmener chez lui en Alaska.
Un pays de désolation. Pluies, neiges, vents et moustiques. Un pays de pêcheurs : à la ligne ou au chalut, mais
David Vann ne nous donne certainement pas envie d'aller pêcher le saumon avec eux ! Rien à voir, par exemple, avec la pêche de la truite à la mouche dans le Maine où nous conviait
William G. Tapply (dans la même collection). le Maine c'est quand tu veux, mais l'Alaska sûrement pas !
Autour de Gary et Irene, leurs deux enfants qui sont restés à proximité : le fils Mark plante de la marie-jeanne dans son jardin, Rhoda quant à elle rêve d'un mariage avec un riche dentiste qui court le jupon. On se dit qu'ils ont des excuses, ils vivent en Alaska.
Voilà pour l'histoire et son décor.
Reste le bouquin de
David Vann : passées les premières pages, c'est terrible. On dévore ce bouquin à vive allure, impossible de le reposer, c'est pire qu'un polar. L'obsession de Gary, pourchassé par les muets reproches de sa sorcière de femme, est devenue la notre. On partage les affres d'Irene qui s'obstine à sauver son couple et à suivre son abruti de mari. Tous les personnages, couple, enfants, conjoints, sont attachants, épais et vrais. On croit prendre parti pour l'un ou l'autre, on aimerait bien s'identifier à quelqu'un, ne serait-ce qu'un demi-héros, mais le chapitre suivant le dépeint sous un jour encore plus sombre et plus désolant. Même Rhoda la fille qui nous paraissait longtemps bien sympathique.
David Vann écrit là où ça fait mal. Et il écrit bien. Vraiment très bien.
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