Certains historiens prétendent que Cléopâtre mourut dans son mausolée. En réalité, la fin de Cléopâtre demeure mystérieuse car on n’a retrouvé sur elle aucune tache de poison pas plus qu’on ne retrouva à l’époque de serpent… Une petite piqûre au bras permit de suggérer que Cléopâtre avait peut-être été piquée par une aiguille empoisonnée ou par un aspic.
Sans doute Cléopâtre est-elle d’une petite taille mais elle est imposante par le charme et l’élégance. Sa présence, sa fantaisie et sa séduction irritent parfois son entourage. Mais on prend plaisir à la voir et à l’entendre. La douceur de sa voix transporte les cœurs les plus indociles et ceux que la vieillesse a fermés à l’amour.
La tradition égyptienne veut, en effet, que le frère et la sœur deviennent mari et femme pour perpétuer la pureté de la race d’origine divine.
Le seul serpent venimeux courant en Égypte qui ne laisse quasiment aucune trace de sa morsure est le serpent royal par excellence : le cobra, dont la morsure provoque une légère enflure.
Cléopâtre est pourtant encore très jeune. Âgée d’environ dix-huit ans, elle est moins belle que charmeuse. Nul ne résiste à l’harmonie de ses traits, à son intelligence et à l’agrément de sa conversation.
Dans la commission se trouvent des scribes, des échansons, un porte-parole. Je les connais. Certains sont corruptibles. Il sera facile de les acheter ou, plus simplement, de leur offrir quelque plaisir avec les femmes du harem.
La jeune femme remonte dans sa chambre et termine son envoûtement. Elle place devant elle le vase d’albâtre, qu’elle remplit d’une feuille de papyrus roulée sur laquelle elle a écrit un chant d’amour, et deux figurines représentant un homme et une femme qu’elle lie avec une fine cordelette. Elle recouvre le vase d’une autre feuille de papyrus en répétant :
— Que cet homme ne puisse plus s’émouvoir ni semer. Qu’il soit semblable à un cadavre, dépourvu de sensation. Qu’il n’ait plus de relations sexuelles. Qu’il ait le membre recousu et lié et que personne ne puisse rompre cette nouvelle virginité excepté Tyi !
Ôtez-lui toute boisson et toute nourriture jusqu’à ce qu’il vienne se jeter, fou d’amour, à mes pieds, moi, Tyi, la mère de Pentour. Qu’il ne connaisse plus aucune femme à l’exception de Tyi. Saisissez-le par les poignets, traînez-le jusqu’à ma chambre afin qu’il ne me quitte plus, moi, originaire de Libye, et qu’il me possède. Je serai soumise au fils de Seth jusqu’à la fin de ma vie et pour l’éternité. Il m’aimera, me désirera, me dira des mots tendres, me caressera et il n’aimera plus que Pentour. Si vous consentez à m’aider, je vous rendrai votre liberté. Sinon, vous serez brûlés ou piétinés comme une gazelle déchiquetée par un lion !
Son époux a beau être maladif, il n’en perd pas pour autant ses élans amoureux. Elle juge naturel qu’il lui préfère des femmes plus jeunes qu’elle. N’a-t-il pas été un bon mari ? Mais ses chairs sont flétries après lui avoir donné tant d’enfants.
Il juge ces femmes hittites, qui portent, dans le harem, des têtes de gazelle sur leur front, plus sensuelles et plus lascives que les Égyptiennes.
Jamais le pharaon ne se lasse d’être ainsi entouré de ces belles femmes aux voiles transparents, très peu vêtues, qui le couronnent de fleurs, lui font déguster des pâtisseries ou lui préparent des boissons qui éveillent les sens. Cette compagnie le change de celle de ses amis de chasse, plus austères et plus rustres.
Certaines épouses lui prédisent un avenir paisible et une très longue vie. Même s’il n’ajoute guère foi à ces prédictions, il plaît au pharaon d’être flatté et complimenté. Il ne sait pas résister aux caresses et aux belles paroles de ces femmes qui lui sont dévouées, même si la jalousie les fait parfois se heurter entre elles.