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Du champagne, un cadavre et des ... tome 1 sur 2
EAN : 9782955237311
Du Poignon Production (16/12/2018)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Alice, jeune prostituée, est retrouvée morte dans son appartement. L'enquête de police qui en découle sert alors de prétexte pour retracer in extenso la vie de cette héroïne placée sous les signes du refus, de l'excentricité, la grâce, la résilience, la passion, l'agentivité ou l'empowerment. Récit initiatique inclassable qui s'ouvre sur un polar léger, bascule rapidement vers un genre de feuilleton social aussi noir qu'un puits de mine des Combrailles, devient, dès... >Voir plus
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Que lire après Du champagne, un cadavre et des putes, tome 1Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dans une des bandes-annonces originales du film Orange Mécanique, sur l'allegro vivace de l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini, orchestré et interprété au synthétiseur Moog par Wendy Carlos, un défilé épileptique d'images tirées du film était entrecoupé de très brefs intertitres aguicheurs, chacun ne contenant qu'un seul mot en lettres capitales blanches sur fond noir : WITTY. FUNNY. SATIRIC. MUSICAL. EXCITING. BIZARRE. POLITICAL. THRILLING. FRIGHTENING. METAPHORICAL. COMIC. SARDONIC. BEETHOVEN.

WITTY. FUNNY. COMIC.

Chez Vaquette, l'humour, cet humour intello-trash si spécifique, à la fois de très mauvais goût et très sophistiqué, est un contrepoids nécessaire à la gravité, à la noirceur et à la lucidité du texte. Une comparaison rapide avec les travaux plus anciens de l'auteur pourrait laisser croire que l'humour s'est un peu effacé, un peu mis en retrait dans ce nouveau roman, mais ce n'est pas ça : il est simplement mieux intégré ; pas nécessairement plus "subtil", au sens de poncé et élimé, mais plus en phase avec le ton noir d'une histoire qui se plonge dans la misère et la médiocrité humaine.

C'est un humour qui se loge dans les descriptions, les propos et les actes d'individus pathétiques et étriqués ; dans le plaisir à la fois sadique et moral que le commandant Lespalettes prend à briser, sans aucun tact, les masques et les mensonges de ces individus ; dans le décalage et le malaise de ces scènes de cul où l'homme et la femme n'ont pas du tout la même perception de ce qui est en train de se jouer ; dans toutes ces scènes et situations humaines et sociales qui pourraient tomber dans le burlesque tant elles semblent absurdes, mais qui sont pourtant tragiquement réelles ; dans la verve abrasive et brute d'Alice, notre héroïne posthume, comme dans celle nadsatienne et dessalée de sa collègue Shéhérazade — pour une fois qu'un auteur illustre le jobelin des banlieues autrement que pour s'en moquer avec mépris !

SATIRIC. SARDONIC.

Vaquette déroule méticuleusement sa critique effilée des micros-mondes de la société française, en contrastant les discours formatés et apologétiques qui cherchent à vendre tel ou tel mode d'organisation avec la réalité crue et violente qui se cache derrière, voire en nous jetant au visage d'autres discours complètement cyniques qui n'essayent même plus de dissimuler la nature des modes de domination qu'ils défendent.

Vaquette montre la colère, la rage, la frustration, le désenchantement, le dégoût qui naissent chez ceux qui se confrontent à ce jeu truqué où tout est fait d'avance pour broyer quiconque cherche à s'élever socialement autrement que par quelques chemins étroits et balisés à la destination prédéterminée et encore loin, très loin du sommet. Il nous fait entendre le son de la révolte, bien trop souvent vouée à l'échec mais parfois malgré tout superbe, contre toutes les saloperies, toutes les cruelles mesquineries que les forts font subir aux faibles.

MUSICAL. BEETHOVEN.

Les références musicales sont toujours à l'honneur chez Vaquette, et sans oeillères, pas d'époque ou de genre au delà de quoi il serait interdit de s'aventurer ; les citations de paroles de chansons viennent à point pour illustrer une scène, une situation, un ressenti. Et tout ça contraste avec le thème récurrent des bars et des restaurants où la musique est intentionnellement désagréable et trop forte, le sens de la fête imposé avec le flingue sur la tempe.

Et on trouve de la musique encore dans le rythme si particulier de cette histoire, dans ces aller-retours affranchis de tout ordre chronologique, entre une enquête dans le présent et une vie vécue dans le passé à travers un journal intime, séquences indépendantes mais dont l'accumulation finit par former une projection holographique d'où émerge une histoire narrativement et thématiquement complexe.

EXCITING. THRILLING. FRIGHTENING.

Chez Vaquette, on n'est pas dans une description froide et détachée de la misère — et ce malgré la convocation d'extraits de textes universitaires qui viennent contextualiser telle ou telle scène, y ajouter de la profondeur d'analyse et nous sortir de l'anecdotique et du pure cadre fictionnel — on est dans le viscéral, dans le sensible, dans le vécu, on ne se contente pas d'une reconstruction post-mortem de la vie de l'héroïne, on souffre avec elle de la cruauté et de l'indifférence des gens qui l'entourent.

Alors même que l'histoire d'Alice est doublement racontée au passé, à la fois par l'enquête de Lespalettes et par les pages du journal d'Alice, qui, si elles sont plus directement ancrées dans sa vie à elle, restent cependant dans une dimension rétrospective, le sentiment qui domine pour le lecteur est pourtant celui de l'anticipation, de l'attente nerveuse de ce qui va se passer ensuite — quand la conclusion est pourtant connue dès les premières pages.

BIZARRE. METAPHORICAL.

L'héritage littéraire du marquis de Sade s'incarne chez Vaquette, comme il s'incarnait jadis chez Rebatet, dans ce talent pour le foisonnement, pour la conciliation des extrêmes, sans pour autant que cela ne se neutralise — l'acide et l'alcalin côte à côte gardent leurs propriétés distinctes sans jamais se précipiter. Des scènes de cul côtoient des discussions philosophiques sur la résilience et l'estime de soi ; des phrases proustiennes répondent à des flots d'argot ; la misère la plus noire dialogue avec le grand luxe ostentatoire ; la bassesse humaine la plus cynique se confronte à la grandeur d'âme et de coeur.

Cette richesse tant dans le style que dans les thèmes reflète l'entièreté de l'expérience humaine et de celle de l'auteur. Il ne s'agit pas simplement de raconter une histoire policière, certes riche et complexe, mais bien de développer un véritable roman social, dans la lignée de Hugo, Balzac ou Zola, sur des thèmes personnels chers à l'auteur, où plusieurs visions du monde et systèmes moraux se confrontent dans leur tentative de façonner la société.

POLITICAL.

Si ce premier tome a été publié en décembre 2018, il faut savoir que le travail de l'auteur sur ce roman a commencé en 2010, et que la rédaction de ce qui constitue l'équivalent du premier volume été déjà achevée en novembre 2013. Cette chronologie a toute son importance parce qu'elle dévoile, malgré ce "décalage" dans les dates, tout le côté visionnaire de l'ouvrage. Il n'y a pas à chercher loin, par exemple, les raisons de la crise des gilets jaunes, tout est déjà là : les campagnes abandonnées à la misère, coupées des transports en commun, l'écologie punitive des citadins contre les ruraux, le logement en ville hors de prix, le déclassement des travailleurs, le sabotage du bien commun par les entreprises du CAC 40 menées par des traders sans aucune perspective à long terme — la colère et la désillusion qui se sont emparé d'une grande partie de la France, avec des cristallisations parfois très violentes, n'ont rien de mystérieux devant cet exposé de la situation juste quelques années auparavant. Et quand on voit à quel point 2019 a été une année brûlante, partout dans le monde, du même moule que 1848 ou 1968, on se dit même que ces considérations résonnent bien au delà de la France.

Au delà du polar, au delà même du roman social, on a donc un premier tome déjà d'une grande lucidité politique, un témoignage sociologique précieux sur la France des années 2010 — et ce n'est donc que le premier volume ; l'auteur nous a prévenu, il a encore bien plus à dire, ça n'est presque qu'un avant-goût ! On ne peut donc qu'attendre la suite avec impatience en se demandant à quel sommet l'ensemble s'élèvera une fois qu'on aura toutes les pièces !
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Si on m'avait dit un jour que je dévorerais en une semaine un livre de quasiment 400 pages dont le titre est "Du champagne, un cadavre et des putes", je ne l'aurais pas cru.

Premièrement, je n'aime pas l'alcool et je n'échangerais pas une bouteille du meilleur champagne au monde contre une barquette de myrtilles. Deuxièmement, je ne suis pas du tout polar. Cette idée de devoir découvrir qui est l'assassin ne m'intéresse pas trop, comme le monde des flics, des truands etc. Récemment j'ai découvert la série Columbo (à quarante ans, tout arrive) et j'aime mieux l'idée de voir comment l'inspecteur va coincer le coupable, que l'on connait dès le début de l'épisode. Troisièmement, tout ce qui touche à la prostitution, aux escorts ou au "monde de la nuit" ne m'a jamais attiré, fasciné ou excité.

Ces trois postulats font qu'en principe je n'aurais jamais lu ce livre. Sauf que je connais le travail de l'auteur, Tristan-Edern Vaquette, depuis presque vingt ans. Les plus curieux et curieuses iront sur Wikipédia pour connaitre ses oeuvres antérieures, mais pour faire court, disons que c'est un artiste performer, musicien et écrivain. Je suis son oeuvre depuis une vingtaine d'années, j'avais adoré son roman précédent ("Je gagne toujours à la fin") et j'étais très curieux de découvrir son dernier livre.

De quoi s'agit-il ? D'un roman policier prévu pour s'étaler sur 4, 5 ou 6 volumes (si j'ai bien compris). le premier tome est paru fin 2018. Si au départ on peut être rebuté par un polar faisant 400 pages - avec en plus un "à suivre..." à la fin - j'encourage tout le monde à au contraire plonger dedans, car ce livre, c'est bien plus que ça ! le polar n'est que la surface de l'oeuvre, le contenant, un prétexte qu'utilise Vaquette pour décrire différents univers, ceux où évoluent Alice (l'héroïne assassinée) au fil de sa vie, que l'on découvre via son journal intime, et les mêmes univers/lieux, mais revisités au présent quelques années plus tard par le commandant Lespalettes (chargé de l'enquête), et au fil des pages on se rend compte qu'on est en fait en train de lire un roman social, bien plus profond qu'un simple "Qui a tué Alice ?"

Tout ou presque est prétexte à aborder différents sujets : les familles qui n'encouragent pas leurs gosses, les marchands de sommeil, les agences de mannequins, les vieux porcs des bars à hôtesses, les galères, la justice... Y compris des choses plutôt lumineuses comme le moment où Alice travaille dans une boite avec un patron "cool". Et c'est un vrai délice de voir le commandant Lespalettes recadrer à peu près toutes les ordures qu'ils rencontre (et aussi être bienveillant avec les autres, car l'ambiance est pas mal "men are trash" dans ce livre, et tant mieux, mais y'a aussi de la lumière).

Autre chose intéressante : le livre n'est pas juste un aller et retour entre le passé et le présent. Il y a également des passages que l'on pourrait apparenter à des documents qu'un policier collerait au mur dans une série, les reliant avec des fils à d'autres éléments. Ainsi, quand Alice rencontre un mec qui a eu des soucis de justice, on lit la plaidoirie touchante de son avocat, comme un flashback dans un flashback. de même, quand Alice monte à Paris et bosse dans un bar à hôtesses, on lit le post d'un membre de ce bar faisant sa description sur un forum internet. Tout est vraiment fouillé, détaillé, y'a un côté "Je me presse le citron pour que tout soit le plus vrai possible" qui est fantastique. Un peu comme si Tolkien, au lieu de passer 10 pages à nous décrire la cité Minas Tirith, utilisait ces 10 pages pour nous faire lire le journal intime d'Aragorn, ses états d'âmes, ses questionnements etc.

L'oeuvre de Vaquette étant jusqu'ici plutôt "masculine", j'ai été très agréablement surpris de le voir écrire (en grande majorité) du point de vue d'une jeune fille. Lire l'histoire d'Alice en sachant qu'elle finit plus tard assassinée donne un parfum tragique à l'ensemble, comme un compte à rebours macabre. Un compte à rebours d'autant plus macabre qu'au fil de la lecture on sent une immense envie de liberté de la part d'Alice, et c'est un vrai calvaire que de la voir naviguer de Charybde en Scylla, même si par moments des rayons de lumière pointent au travers des nuages obscurs. Un calvaire, certes, mais on a aussi envie qu'elle s'en sorte, et cette empathie avec le personnage est brillamment construite.

Le passage qui m'a le plus touché du livre est probablement le moment où elle trouve (enfin) un boulot stable avec un patron cool, et même un mec sympa, sauf que... Sauf que quand on bosse 35 heures par semaines, on a presque plus le temps de lire, de faire des projets personnels, quand on rentre le soir on est crevé. On a l'assurance d'avoir un CDI, oui, mais et le frisson de l'aventure ? Où est l'aventure a avoir un poste stable où il ne se passe rien ? Où est l'adrénaline quand on a de grands projets dans sa tête, une gigantesque envie de liberté, d'indépendance, des rêves fous, mais que toute notre vie est finalement réglée par un emploi du temps bien millimétré ? Je pense aux paroles de la chanson d'Alain Souchon "Le Bagad de Lann-Bihoué" : Tu la voyais pas comme ça ta vie. Pas d'attaché-case quand t'étais p'tit. Ton corps enfermé, costume crétin. T'imaginais pas, j'sais bien. Moi aussi j'en ai rêvé des rêves, tant pis. Tu la voyais grande et c'est une toute petite vie. Tu la voyais pas comme ça, l'histoire. Toi, t'étais tempête et rocher noir. Mais qui t'a cassé ta boule de cristal. Cassé tes envies, rendu banal? (...) Doucement ta vie t'as mis K.O..."

Ce premier tome se termine par un beau suspense (que je ne dévoilerais pas ici) qui donne très envie de lire la suite, car même si on sait qu'Alice va finir assassinée, même si l'on se doute (un peu) que le commandant Lespalettes coincera le tueur (ou la tueuse ?), j'ai vraiment envie de découvrir la suite de son parcours, une suite d'autant plus alléchante que les titres des prochains chapitres sont annoncés à la fin de ce premier tome...

J'en ai peut-être trop dit dans cette critique, mais de toute façon le temps que vous commandiez le livre sur le site de Vaquette (http://www.crevez-tous.com/vpc/) le temps qu'il arrive et le temps que vous le lisiez, vous aurez oublié ce que j'ai écrit. Merci de m'avoir lu jusqu'au bout, et bonne lecture !
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Il s'agit du premier tome d'une oeuvre aux dimensions colossales, prévue en 4 tomes.

Cet opus a pour point de départ la mort d'Alice, une jeune femme dont on apprend dès les premières lignes qu'elle était prostituée. Chargé de l'enquête, le commandant Lespalettes met rapidement la main sur son journal intime, et décide alors de retracer la vie de cette écorchée vive, afin de comprendre ce qui a pu la mener à sa perte.

Du champagne, un cadavre et des putes commence comme un polar classique, voir assez léger, rempli de personnages grossiers, pour s'épaissir au fil des pages et virer au roman social noir. On comprend alors qu'ici se dressent les véritables enjeux du récit.

Rien n'est doux dans ce livre, ni l'histoire d'Alice, ni les multiples protagonistes issus de ses errances. Son parcours permet de dresser un portrait sans concession du déterminisme social, et seront abordés tour à tour de multiples moyens d'oppression systémiques cachés sous les beaux discours d'infinis ordures, parfois étouffés de cynisme et souvent instruments ignorants d'une entreprise plus vaste.

Souvent pamphlétaire, parfaitement argumenté, ce roman ne fait aucun compromis, et l'auteur y dresse avec l'absolue finesse de son éloquence l'un des plus beaux portraits de femme que j'aie lus. A travers son journal, on découvrira la rage d'Alice de vivre autre chose. Son refus d'accepter ce dont bien d'autres se contenteraient, son envie d'absolue liberté, sa volonté de faire fi des concessions pour se forger un destin. Avec toute la maladresse des grands passionnés, pour le meilleur et surtout pour le pire, au fil de son histoire, on sentira poindre l'éveil de ses convictions.

Certains paragraphes cueillent comme un coup de poing dans le bide, faisant remonter l'amertume de la bile dans la bouche. C'est une histoire violente comme la vie, tragique comme le monde, et elle donne envie d'embrasser désespérément l'existence avec rage et passion.
Lien : https://atraverslamarelle.or..
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"Franchement, quel Talent!
Vraiment.
C'est intelligent, documenté, prenant, surprenant, philosophique, sociologique… un peu comme si Gérard de Villiers et Frédéric Dard côtoyaient Foucault (Michel, pas Jean-Pierre), Bourdieu et de Gaulejac dans une boîte à touze de province.
Brillant, très brillant."
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