AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782846260602
364 pages
Au Diable Vauvert (19/09/2003)
4.12/5   12 notes
Résumé :
Ami-camarade lecteur, réjouis-toi, car tu vas dévorer un roman bientôt culte, assurément inclassable, quelque part entre Desproges et Guy Debord, Vuillemin et la littérature, un roman d'action philosophique, d'aventures hystérico-historiques, audacieux et formel, drôle aussi, un roman qui "balance", résolument moderne, trash-intello pour ceux qui veulent vraiment une étiquette !
Que lire après Je gagne toujours à la finVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Depuis quelque temps, il m'arrive de faire ce que je ne faisais plus : prendre le temps de relire des livres appréciés des années plus tôt. Je viens ainsi de dépoussiérer l'une des lectures marquantes de ma lointaine jeunesse : "Je gagne toujours à la fin" (publié par le Diable Vauvert en 2003) qui a eu l'honneur de trôner parmi mes "Livres pour une île déserte" avant de céder la place à des découvertes plus récentes.

Impossible de présenter ce roman très particulier sans évoquer la personnalité de son auteur, puisque celui-ci en est finalement le sujet principal. Normalien, diplômé en physique, esprit assurément brillant, Vaquette (l'auteur, donc) a l'honnêteté de ne pas jouer les faux modestes : il est bien plus intelligent, plus cultivé, plus fort, plus courageux que toi, ami lecteur, et se fera un plaisir de te le rappeler tout au long de ces 357 pages. Conscient de sa valeur, il sait aussi, hélas ! que celle-ci ne pèse pas lourd dans un monde fait par, pour et avec des médiocres. Par essence, c'est un homme qui se retrouvera toujours en butte aux forces dominantes, qui ne sera jamais du côté de la multitude... D'où le fait que son avatar de 1940 (le colonel Vaquette, héros et narrateur du roman, donc) fasse partie des rares Français prêts à prendre les armes contre l'occupant, et qu'à la Libération, lorsque tout le pays est par miracle devenu résistant, il soit accusé d'être un odieux fasciste.

Résistance, occupation, libération... Ne nous y trompons pas : l'auteur n'a à aucun moment la prétention d'écrire un roman historique. "Je gagne toujours à la fin" en dit bien plus sur son époque de rédaction que sur la Seconde guerre mondiale. Les péripéties militaires du colonel Vaquette ne sont qu'un prétexte pour faire s'exprimer le véritable Vaquette, l'artiste. Les protagonistes eux-mêmes ne sont pas dupes, et ne se privent pas, dans leurs échanges censés avoir lieu en 40 ou 45, de faire référence aux réalités de 2003 ! L'un des principaux ressorts humoristiques employé par l'auteur est de constamment briser le quatrième mur, par exemple lorsque le narrateur évoque son roman, son éditeur ou ses lecteurs, qu'il annonce des événements qui se dérouleront dans tel ou tel chapitre à venir, ou qu'il nous prévient que l'on peut sauter certains passages "chiants".

Autant dire que Vaquette, en dépit des grands airs qu'il se donne, ne se prend pas trop au sérieux. Dans ses deux premiers tiers, le roman tient de la farce, avec un humour potache, un peu foutraque sur le fond comme sur la forme : en témoigne ces phrases à rallonge, à la manière d'un Desproges, où l'auteur cherche à nous perdre au gré de digressions, commentaires plus ou moins décalés et autres interludes drolatiques (digression : cela m'a rappelé l'influence que "Je gagne toujours à la fin" a eu sur mes propres écrits de jeunesse dont certains ont depuis été publiés, par exemple "Les feux de l'armure", pour les quelques-uns qui l'ont lu, fin de la digression) À l'occasion de cette relecture, outre l'indéniable plaisir nostalgique qu'elle m'a procuré, je me suis tout de même demandé si un lecteur découvrant le roman en 2020 le trouverait encore pertinent. Y abondent en effet les références directes à l'actualité et aux personnalités du tout début de ce siècle : le Loft et la Star Ac', Lagaf', Alain Bougrain-Dubourg, Bruno Mégret (je l'avais oublié, lui, et ce n'était pas plus mal !), les démêlés du président Chirac avec la justice, ou Roxana Maracineanu citée en sa qualité d'admirable championne de natation et non en celle de détestable politicarde... Ainsi certains traits d'humour m'ont paru tomber à plat, sans doute parce que déjà "datés". Mais la plupart, heureusement, continuent de fonctionner.

Et soudain, à l'amorce de son dernier tiers, le récit prend un virage bien plus sérieux, devenant ostensiblement philosophique et politique, tandis que se tient un procès qui va constituer le "plat de résistance" du roman. L'auteur ne s'en cache pas : toute cette partie est une transposition du procès contre Jean-Louis Costes, accusé (et condamné, me semble-t-il) à cause de textes de chansons prétendument racistes. Vaquette interroge alors la notion de liberté, et plus spécifiquement de liberté d'expression. Il délaisse alors pour de bon les artifices du roman d'aventures pour livrer au lecteur de longues tirades qui, pour être didactiques, n'en sont pas moins passionnantes et surtout d'une terrible justesse. J'ai alors pu me rendre compte à quel point "Je gagne toujours à la fin" avait, une quinzaine d'années plus tôt, contribué à façonner mon jeune esprit. Et si les deux premiers tiers du roman m'ont rappelé que je ne suis plus tout à fait le même aujourd'hui qu'à 23 ou 24 ans, en revanche mon point de vue sur la liberté d'expression n'a pas bougé d'un iota : c'est celui de Vaquette. Il revendique le droit de provoquer, de déplaire, de heurter les sensibilités, de malmener le lecteur / l'auditeur / le spectateur, c'est même l'un des devoirs de l'artiste. Sur cet aspect essentiel, le roman n'a rien perdu de sa pertinence, au contraire, il est plus que jamais d'actualité.

J'avoue n'avoir pas du tout suivi ce qu'a fait Vaquette durant ces quinze dernières années. Désormais quinquagénaire, je ne l'imagine pas pour autant être devenu un vieux con conformiste comme ceux qu'il dénonçait ; s'il est resté égal à lui-même, il doit quotidiennement s'étouffer de rage en voyant comment notre société a évolué sur ces questions de liberté d'expression et de pensée... J'appréhendais une possible déconvenue en relisant ce "roman culte" longtemps après, mais en fin de compte, autant pour ses qualités propres que pour l'influence qu'il a eu sur moi, il méritait bien sa place sur l'Île déserte. D'ailleurs il y retourne illico... ainsi que sur les étagères de ma bibliothèque, d'où je le ressortirai peut-être dans quinze ans s'il n'a pas péri dans un autodafé d'ici là.
Commenter  J’apprécie          240
Se déroulant dans le courant de la seconde guerre mondiale, au moment de l'occupation nazie, ce roman met en scène un héros résistant de la première heure, lui même dénommé Tristan-Edern Vaquette et narrateur de l'histoire. En suivant les aventures aussi rocambolesques qu'improbables de ce personnage volcanique et de ses 2 compères également bien déjantés, on navigue entre les nombreuses digressions de l'auteur qui saura bien prouver que, décidément, il gagne toujours à la fin.

Si j'ai commencé ma lecture plus amusée qu'interrogée, j'ai rapidement eu comme le pressentiment que les premiers chapitres n'étaient qu'un échauffement, et que quelque chose de plus grand allait bientôt me frapper. Si l'auteur prévient dès le début (et à raison) que l'action ne commence réellement qu'au chapitre 12 (p 48), c'est au chapitre 44 (p 205) que j'ai atteint un point de basculement particulièrement net.

Non pas que la première partie du roman soit légère, au contraire. Si le ton est potache et parfois emphatique, percent dès le début du roman, dans les aspirations de son narrateur, une ode à la l'évasion, un désir de grandeur, un combat contre toutes les formes d'abdication qui donnent tout son sens à la période historique choisie par l'auteur.

Cependant, ce chapitre 44 renferme un dialogue que j'ai trouvé des plus judicieux, brillant et qui m'a vraiment frappée. A ce moment là, le livre prend une autre dimension, gagne en profondeur, en noirceur, en revendication, également, quand dans le même temps son narrateur, jusqu'ici infaillible, expose enfin quelques fissures.

Sous ses airs assumés de pantalonnade, Je gagne toujours à la fin est en effet également un texte qui frappe fort et juste. Sur la société et les carcans qu'elle impose, sur les nombreuses lâchetés individuelles qui ont des conséquences sur le système. En questionnant le rapport au courage, au pouvoir ou à l'ambition, en consacrant la fin du roman à une défense pleine et entière de la liberté d'expression, l'auteur a de nouveau nourri mes interrogations sur ce sujet passionnant.

Si l'on peut être dérouté par la flamboyance grandiloquente et la théâtralité de l'ouvrage (qui reste également, et peut-être avant tout, une farce extrêmement drôle), je l'ai trouvé autant subtilement intelligent, quand il est à la fois aussi revendicatif que dénué de colère, aussi protestataire qu'implacable.
Lien : https://unspicilege.org/inde..
Commenter  J’apprécie          30
J'ai mis "philosophie" comme tag pour ce livre. Carrément. Parce qu'il y a là plus de matière à penser que dans beaucoup d'autres choses.
C'est certes aussi un roman, mais dont la trame n'a pour ainsi dire aucune importance. Par contre il y a du fond, et de la forme. Plein. Des réflexions puissantes dans un style au croisement de Desproges et Vian, avec de l'absurde, de l'acerbe, du caustique, de l'intelligence et du panache. Beaucoup de panache.
Bref du Vaquette, et s'il y a bien quelque chose auquel le monsieur s'attache, c'est de ne jamais laisser indifférent.
Commenter  J’apprécie          60
Dans les romans contemporains français je pense que c'est un des romans à lire. Ce que fait Vaquette dans ce roman est quand même très réussi. Mélanger la fiction qui se déroule pendant la seconde Guerre Mondiale à des éléments contemporains, un humour grinçant et une vision assez pertinente de la société.Il fait partie des livres importants à lire parce que ce n'est pas juste un divertissement, c'est un livre qui maltraite un peu le lecteur et l'invite aussi à s'interroger un peu. En ce qui me concerne un de ses passages sur l'école a été essentiel pour un des choix déterminants de ma vie actuelle. C'est pour moi un livre à mettre entre le plus de main possibles.
Commenter  J’apprécie          30
Grand gamin qui aime casser ses jouets (normalien, il a renoncé à une carrière scientifique prometteuse), anar se méfiant des étiquettes (il accepte quand même pour rire celle de "trash intello"), champion de natation, évoluant dans le milieu underground parisien, Tristan-Edern Vaquette est musicien, chanteur, écrivain, performer : ça c'est du C.V.!
http://lepandemoniumlitteraire.blogspot.com/2010/10/je-gagne-toujours-la-fin-de-tristan.html
Lien : http://lepandemoniumlitterai..
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Je crois que la liberté est le bien le plus précieux de l'homme, de l'humanité. Je crois que la liberté d'expression ne doit jamais souffrir d'aucune limite ni d'aucune restriction. Je crois même que, si les propos de Jasper l'IncroyablE étaient ouvertement racistes, la dignité de celui qui croit en la liberté, et en sa forme sociale, l'État de droit, est d'honnir toute censure, certain que la phrase de l'imposture – vous n'avez pas lu le début de ce roman, monsieur le président ? –, de tous les reniements, est celle-ci : la fin justifie les moyens – quelle hérésie ! Mettez donc un préfet Pipard, ou un militant antiraciste, catholique, féministe, d'extrême droite ou de n'importe quelle autre ligue de vertu moderne derrière chaque citoyen, et vous aurez gagné : le fascisme aura enfin vaincu. On sait, ou on devrait savoir, qui fait de l’autodafé et de la censure un mode de gouvernement. On sait, ou on devrait savoir, qui prône l'asservissement de tous à la pensée unique, et l'enfermement des déviants. On sait, ou on devrait savoir aussi, que c'est en provoquant, en semant le doute, mère de la réflexion, qu'on prépare le mieux les esprits à lutter contre la bêtise, mère du racisme, de l'intolérance, de tous les sectarismes.
Commenter  J’apprécie          50
L'acception commune du mot élite, c'est un gentil élève qui répète servilement sans jamais les remettre profondément en cause tous les fondamentaux sociaux que, pendant de longues années, on aura bien voulu lui apprendre, c'est-à-dire que d'autres élites lui auront répété ce que d'autres encore avant eux leur avaient répété, et cela sans fin, à quelques variations temporelles près qu'on appelle l’air du temps, ou, pour faire plus sérieux, la modernité. La fréquentation de cette élite est probablement moins affligeante que celle d'un prolétaire raciste, sexiste, inculte, mais tout aussi conformiste et réactionnaire. Avec une batte de base-ball à la main, il est même sans nul doute moins dangereux, et, quand il viole des petites filles, il les choisit plus loin, dans le tiers monde, et il les paye. Mis à part ces différences de style, de mise en forme, ce sont les mêmes.
Commenter  J’apprécie          70
Et puis, le nazisme était naturellement le système politique que j'abhorrais par excellence, dans les deux sens du mot. La négation de la liberté individuelle, et partant, de l'individu même, la classification des personnes, a priori, par la race, la culture ou l'orientation sexuelle, la haine de la différence dont j'avais déjà tant souffert, l'ultraviolence grégaire, la foi stupide en l'autorité, la vérité incontestable protégée par les pires, les plus bas, les plus bêtes, voilà ce qui ne pouvait que provoquer en moi un infini dégoût, bien plus, une légitime révolte. J'écris cela avec un peu de honte tant ces idées sont aujourd'hui politiquement correctes (comme il est culturellement correct de dire), peut-être même me vaudront-elles une bonne critique au Monde ou à Télérama, mais à l'époque, Dieu ne sait peut-être pas, mais moi je sais que nous étions très peu à les partager, et à voir tant de gens qui affichent à présent leurs convictions démocrates, on ne peut qu'être fasciné par l'évolution extraordinaire en soixante ans du génome humain – merci Darwin.
Commenter  J’apprécie          50
Digression

Il a raison Vaquette, un con, c'est un mot simple pour désigner celui qui ne pense pas comme vous, aussi celui dont le strict intérêt égoïste est en conflit avec le vôtre, quelle que soit la légitimité de sa pensée ou de son intérêt, quelle que soit la légitimité des vôtres. Prenez Didier Daeninckx, par exemple (je le cite lui – comme Dantec d'ailleurs au début de ce roman – parce qu'il n'est tout de même pas assez con pour me faire un procès pour injure, mais j'aurais pu citer n'importe quel autre vieux moraleur qui voit des cryptofascistes partout), pour peu que ce roman échappe à la stricte confidentialité de l'underground ("J'en ai marre de vendre cinquante disques à cinquante connards" – Costes), il y a fort à parier qu'il me traite de "facho" (c'est une variante politiquement correcte du mot con) parce que je cite Evil Skin ou vomis le pouvoir droit-de-l'hommien, en vrai, simplement parce que je ne pense pas comme lui, que je n'écris pas comme lui – j'écris mieux, tout de même.

Fin de la digression
Commenter  J’apprécie          50
« Fasciste », « ordure », « pourri », « enculé », « nazi », « ta mère elle suce des ours », tous hurlent, certains crachent, les plus lâches ou les plus courageux - nous ne parlerons que de cela - approchent pour me frapper, moi, je souris, serein : Dieu que la plèbe est orchidoclaste.
Digression Orchidoclaste. Du grec, « klaô », casser, et « orkidhion », couille. Fin de la digression.
Nous sommes en France au cœur de l’été 1944, les mains attachées dans le dos, je suis exhibé sur une estrade à la foule, et, tandis qu’ils s’approprient la fierté de ma victoire (« on est champions » - pourquoi ? t’as déjà joué au foot ? t’as déjà été t’entraîner tous les jours, pendant quinze ans, tendant tout ton être vers un but ?), j’attends patiemment le chapitre 43, « Ma Rangeo dans ta gueule », qui verra des militaires en armes disperser la foule pour me libérer - patience.
Je suis l'IndispensablE Tristan-Edern VAQUETTE, Dr ès Sciences, Vicomte de Gribeauval, Prince du Bon Goût, le plus grand héros que la résistance française ait connu. Voici mon histoire.
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (32) Voir plus



Quiz Voir plus

Compléter les titres

Orgueil et ..., de Jane Austen ?

Modestie
Vantardise
Innocence
Préjugé

10 questions
20189 lecteurs ont répondu
Thèmes : humourCréer un quiz sur ce livre

{* *}