Citations sur La toile du monde (40)
Face au prérequis, au préconçu, au préempté, au prémédité et au prédit, les êtres libres inventent encore leur voie.
Ce que nous croyons intime et unique est en fait toujours d'une grande banalité. Tout le monde a le mêmes secrets, nos vies ne laissent que peu de possibilités aux vraies différences.
Attacher des corps pour les libérer. Comme le ballon captif retenu par un treuil. Une réponse symétrique aux lois sociales, qui enchaînent la liberté des individus pour garantir la liberté du groupe.
Son père blanc lui avait appris que ceux de sa race utilisaient les mots non pour dire les choses, mais pour les cacher : "Ils en ont tant qu'il est impossible de savoir ce qui est une histoire inventée, un mensonge ou une vérité dans les discours. Ils écrivent même des livres qui sont des histoires fausses, des romans, pour raconter autrement la réalité. Dedans, des personnages imitent les vrais hommes, que les lecteurs aiment croire à leur tour, pour se faire peur, se réjouir ou se prendre pour des héros. Ce sont des mots qui cachent d'autres mots, des mots-mensonges."
Aileen avait été accueillie à la table des hommes d'affaires, comme une putain à un repas de famille, tolérée parce qu'elle était journaliste.
Son père blanc lui avait appris que ceux de sa race utilisaient les mots non pour dire les choses, mais pour les cacher.
Le jour se lève sur les derniers préparatifs de la grande Exposition. Je les vois s'agiter à mes pieds et je ne me sens bien qu'au sommet de la tour, loin du sol et d'eux. Je regarde passer ma soeur la Seine et je suis frustrée de ne pouvoir filer comme elle loin d'ici. Je les vois venir de toutes les directions, avec leurs panaches noirs et leurs sifflets, les trains chargés de machines et de travailleurs qui convergent vers moi. Ils sont partis de Marseille; d'Espagne, d'Italie, d'Allemagne, de Hongrie et de Russie. Le temps est clair et je vois dans les ports de la Manche les paquebots que l'on décharge. Je suis des yeux les méandres argentés de ma soeur qui coule à l'Ouest à travers la Normandie verte. Elle me parle tout le temps de notre petite cousine, Honfleur, et de son estuaire où le sang lavé de l'Histoire se dilue dans l'argent de la mer.
Depuis que Gustave m'a offert cette vue sur moi-même, je suis devenue nostalgique. Je détourne les yeux, envahie par la tristesse de l'altitude : la solitude.
Je ne sais plus, moi non plus, si je suis une femme ou une catin. Ne m'a-t-on pas collé à tous les coins de rue des guichets ? Je ne suis plus à conquérir ces derniers temps - temps de paix -, mais à vendre.
Le monde animal, à l'odorat surpuissant, est sans solitude, partout rempli de messages d'amour, de menace, d'indices sur les routes à suivre vers la nourriture et les frontières à ne pas franchir.
- [...] Ma conviction est que les créations, ou les créatures échappent toujours à leur créateur.[...]Le rassemblement de tant d'inventions humaines est une fête, mais tout l'acier des machines, dont est aussi fait mon moteur, contient une menace. Quand le moteur tourne, le métal est chaud. Quand il s'arrête, le voir et le sentir se refroidir me fait toujours une étrange impression. Comme s'il retrouvait sa vraie nature, insensible, et préparait un mauvais coup dans son sommeil.
- Vous ne croyez pas comme Saint-Simon, que les ingénieurs seront les grands hommes de ce nouveau siècle . Que la technologie apportera la paix et la prospérité ?[...]
- Je suis un pacifiste, madame Bowman, mais je sais que ce ne sont pas les ouvriers ni la masse des pauvres qui lancent les nations dans des guerres. Il faut avoir le pouvoir des politiciens pour le faire. Et les politiciens ne se lanceraient pas dans des conflits armés s'ils n'avaient pas le soutien des scientifiques, qui garantissent les chances de victoire grâce à leurs découvertes et leurs inventions. Non, je ne partage pas l'optimisme du comte de Saint-Simon.
Arthur lui donnait des conseils sur la façon d’affronter le monde : savoir se taire, garder sa poudre au sec, être toujours prête. Et peut-être aussi être belle. À la façon dont Arthur Bowman appréciait la beauté : quand elle naissait d’une harmonie entre un objet et son utilité, une personne et la place qu’elle occupait dans le monde.