Nous avions fait connaissance avec le commissaire Soneri, "créature" du romancier italien
Valerio Varesi, .il y a déjà trois ans avec
le Fleuve des brumes un des tous premiers romans écrit par la maison d'édition AGULLO , instillant une ambiance très brumeuse, où le Pô révélait des secrets enfouis, et où notre cher Soneri développait une personnalité bien singulière, entre introspection et mélancolie latente.
Depuis, deux autres romans de
Valerio Varesi parus en France ( la collection complète des 10 enquêtes a été publié en Italie de 1998 à 2010) ont développé les enquêtes du commissaire Soneri , hélas nous sommes passés à côté de ceux ci,, et nous avons raccrochés les wagons de la saga Soneri, en ce printemps 2019 avec la sortie du 4e volet,
Les mains vides, dans lequel
Valerio Varesi nous plonge cette fois ci dans l'ambiance de la ville de Parme, dans une Parme aoûtienne et totalement étouffée par la canicule.
Dans cette ambiance entre Chandler et
Simenon, se dégage surtout celle d'une Parme en fin de règne, une ville qui tente tant bien que mal à se raccrocher à son flamboyant passé, mais qui ne parvient pas à juguler une nouvelle criminalité venue d'ailleurs, plus violente et aux yeux d'un Soneri plus que jamais désabusé, moins élégante que celle qu'il connaissait bien …
Dans ce Parme crépusculaire, un commerçant que l'on cherchait à intimider trouve la mort.
Mais ce qui semble le plus préoccuper le commissaire Soneri, c'est plus encore, que ce meurtre mystérieux, le vol de l'accordéon de Gondo, un musicien des rues qui joue devant le Teatro Regio, et qui pourrait bien cristalliser les symptômes du mal qui ronge la ville.
Varesi , journaliste d'investigation depuis 30 ans, n'a pas son pareil pour décrire formidablement bien ce Parme qu'il connait si bien, et son évolution au fil des décennies d'une ville prolétaire qui, certes ne connait pas la même criminalité que les villes du Sud de l'Italie - on est loin du Naples terrifiant de
Roberto Saviano mais qui doit faire face à cette criminalité financière qui voient des personnes pratiquer l'usure et piétiner allègrement le droit des pauvres gens serrés jusqu'à la corde et broyés par la précarité économique.
Au cours de son l'enquête, Soneri va être très vite confronté au problème du blanchiment de l'argent, oeuvres de grands groupes criminels venus du sud de l'Italie qui vont ternir les entreprises et le marché immobilier du Nord, entrainant dans son sillage, son cortège de corruption et de violence..
A travers cette peinture d'une Parme en pleine mutation économique, c'est tout le libéralisme économique que semble fustiger Soneri ( et Varesi avec lui sans aucun doute) : les coupables que recherche Soneri à travers son enquête, sont les prototypes de l'avidité et de l'égoïsme inhérent à la mondialisation actuelle et nul doute que le Parme de 2005 ( année à laquelle Varesi a écrit ce livre) portait en elle les prémisses du Parme de 2019."
Soneri, face à cette peinture cruelle et terrifiante de la société actuelle, sait plus que jamais, que son rôle a des limites et qu'il ne peut pas grand chose pour contrecarrer cet état de fait.
Anticonformiste idéaliste, observateur à l'oeil bienveillant, résigné, introspectif, Soneri le moraliste donne constamment l'impression d'aller contre le vent, et continue d'intriguer le lecteur dans ce roman dont le titre "
les mains vides", renvoie totalement à ce sentiment d'impuissance, de fatalisme, voire d'échec....
En ce sens le dénouement, particulièrement pessimiste mais hélas lucide va a contre courant des romans policiers traditionnels où le mal est brisé et pourrait dérouter ceux qui s'attendent à un représentant des forces de l'ordre infaillible et déductif..
Ceux qui en revanche aimeront les personnages qui ne vont pas dans le moule et également et surtout, une plume élégante et délicate, seront ravis de faire ce voyage mélancolique et profond en compagnie du formidable commissaire Soneri..
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