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Sylvie Léger (Traducteur)Bernard Sesé (Traducteur)
EAN : 9782070284498
570 pages
Gallimard (05/04/1973)
4.38/5   50 notes
Résumé :
A la fourrière où il est allé chercher son chien, dans les faubourgs de Lima, Santiago Zavala rencontre le Noir Ambrosio, ancien chauffeur de son père, Don Fermin, et l'invite à boire un verre à La Cathédrale, taverne locale.
Ils restent ensemble quatre heures durant : Santiago veut faire parler Ambrosio sur un passé qui l'obsède. Il repartira, ivre, sans avoir rien appris. Mais cette conversation à La Cathédrale déclenche le processus selon lequel dix années... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ce chef d'oeuvre de Vargas Llosa, à l'écriture rythmée et polyphonique, tisse une soierie aux fils littéraires enchevêtrés : les écritures comme les personnages se multiplient, la linéarité du récit se disloque, tout se dédouble, se rejette et se croise dans une cathédrale qui n'en est pas une, mais un bistrot où Zavalita, le héros, palabre avec l'ancien chauffeur de son père, rencontré par hasard, balayant dix années de leur vie comme de l'histoire sociale et politique du Pérou à l'ère de la dictature.
Vargas Llosa empilent les ruptures temporelles et les perspectives en détraquant les dialogues, les pensées et les identités : ces changements discursifs peignent un puzzle de personnages dont les approches se multiplient, à la manière des cubistes. Ce procédé mené avec brio permet de démasquer les âmes comme les situations et les relations ; innocence, complicité, répression, médiocrité, corruption, manipulation et bonne conscience se percutent, les apparences trompeuses se retirent dans une constante quête de soi et du monde, avec une magistrale description du Pérou de l'inexcusable général Manuel Odría.
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“¿En qué momento se había jodido el Perú?"

Tuméfaction romanesque, Conversation à La Catedral, de par son ampleur et son ambition, est une oeuvre éminemment intimidante, toute à la fois étude politique, roman de la dictature, polar crapoteux, autobiographie désenchantée, chronique historique, satire amère, triste feuilleton sentimental...

Dans un caboulot poisseux d'un bidonville liménien, La Catedral, Santiago Zavala, éditorialiste insignifiant, ressasse ses illusions perdues face à Ambrosio, l'ancien chauffeur de son sénateur de père. A force de compromissions et autres pitoyables accommodements, les deux hommes se sont enlisés dans une médiocrité fangeuse tout comme leur pays rongé par la corruption et l'affairisme. Leurs logos se chevauchent, se complètent ou s'annihilent tout au long d'une soirée fortement alcoolisée. Magnifiques perdants, ils inoculent leur tristesse cafardeuse, leur mélancolie poisseuse au lecteur qu'ils émeuvent.

Vargas Llosa autopsie le Pérou des années 50 sous la férule de Manuel Odria et, ce faisant, dissèque coeur, estomac et gonades de ses concitoyens à travers quelques figures singulières et inoubliables.

Le poisson pourrit par la tête, là-bas comme ailleurs, hier comme aujourd'hui, et le romancier vitriolise avec jubilation ses portraits de puissants. Au premier chef, Don Cayo Bermúdez (dit Cayo Mierda), sbire gluant du ministre de l'Intérieur, patauge dans la fange de ses intrigues. Cet avorton aux fantasmes sadiques vampirise le récit de son abjecte autorité. C'est lui, fruit corrompu, qui mène le bal et entraîne dans sa chute les protagonistes de cette épopée du sordide. Don Hilario, potentat de poche et succédané provincial de Bermúdez, illustre la décrépitude morale dans laquelle s'enfonce le Pérou. Quant à Don Fermín, honnête homme dévoré par d'indicibles désirs, il flotte en eaux troubles : ses accommodements mous avec le pouvoir le feront vaciller.

Pour survivre les femmes n'ont que leur ventre ou leur sexe à offrir. Épouses -Ana ou Amalia- ou putains -Quetita ou Hortensia-, esclaves du joug qu'une société machiste leur impose, elles en sont réduites à subir sans regimber ou à manigancer secrètement, répliques imparables du régime dictatorial en place.

Mais la véritable héroïne de Conversation à La Catedral, c'est Lima, livide et proliférante, tel un carcinome malin sur la carte du Pérou. Se déployant en vaisseaux sanieux, gonflés et remplis de l'exsudat noir et épais du despotisme, la ville tentaculaire propage ses métastases provoquant tourments aigus et lancinants.

Vargas Llosa -disciple inspiré de Faulkner- complexifie son récit en le diluant dans l'espace et le temps. Les fils chronologiques s'emmêlent, les voix spectrales se superposent : combinant discours indirect, flux de conscience et dialogues mutilés, changeant abruptement de locuteurs, il nous empêtre dans les ramifications de son récit sans pour autant nous faire trébucher. La superbe traduction de Casès et Bensoussan respecte en cela les discrètes béquilles que le romancier a disséminées tout au long de son texte pour permettre au lecteur de ne jamais totalement s'égarer.

On pourra certes s'agacer de ce qui relève quelquefois du procédé (David Peace ou James Ellroy le reprendront), mais la prouesse stylistique et la richesse narrative sont indéniables et contribuent à la puissance de ce fabuleux roman.

Why do you hate Peru ? I don't hate it... I don't hate it... I don't hate it he thought (...) ; I don't. I don't ! I don't hate it ! I don't hate it !
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Je me souviens bien de la première fois que j'avais entendu parler Mario Vargas Llosa. C'était l'émission littéraire « Apostrophes » animée par Bernard Pivot et je la regardais sans doute avec mes grands-parents dans leur salon à Liège en juin 1990. J'étais impressionné par cet homme élégant, qui s'exprimait dans un français très clair et qui venait discuter de littérature sur un plateau de télévision français cinq jours après sa défaite à l'élection présidentielle péruvienne contre Alberto Fujimori. Il avait été longtemps le favori des sondages, lui qui n'était pas un politicien professionnel, mais un intellectuel qui voulait servir son pays en proie à la violence déclenchée par la guérilla maoïste du Sentier Lumineux. Lors de l'émission, il reconnaissait avec clairvoyance et sans amertume ses erreurs d'appréciation dans la conduite de sa campagne. Nul ne peut dire où une présidence Vargas Llosa aurait mené le Pérou, mais l'on sait que, malgré des débuts prometteurs, les années Fujimori se sont terminées en débâcle.
J'étais il y a quelques semaines à Lima et discutait de politique péruvienne avec un chauffeur de taxi. Ce dernier affirma que Vargas Llosa avait bien fait d'avoir échoué à la présidentielle, car sans cela il n'aurait jamais reçu le Prix Nobel de Littérature. Et plus que de leurs anciens présidents, parmi lesquels beaucoup ont fait de la prison ou pour le moins été condamnés pour corruption, les Péruviens sont très fiers de leur Nobel. Je me souviens de l'émotion de ma professeure d'espagnol qui, comme lui, était née à Arequipa, quand le Prix de Vargas Llosa fut annoncé en 2010.
Pour mon récent voyage à Lima, je choisis de lire « Conversation à La Catedral », le roman que, dans son oeuvre, l'écrivain préfère, mais dont il admet qu'il fut le plus difficile à écrire. Ce ne fut pas non plus une lecture d'abord facile, en tout cas au début. Un peu à l'image de Lima, la capitale péruvienne, dans laquelle se déroule l'essentiel de l'action.
Lima garde un très beau centre historique, autour de la Playa Mayor que borde la Cathédrale. Mais ce berceau ancien de la ville, avec ses riches couvents dominicains et franciscains, est entouré d'une couronne de quartiers qui ont perdu leur patine et semblent peu avenants. Ce n'est que loin du centre, le long de la corniche qui borde l'Océan Pacifique, dans les quartiers aisés de San Isidro et Miraflores, que l'on trouve les bars et les restaurants qui donnent envie de boire un pisco sour et de goûter à la somptueuse gastronomie péruvienne.
Le roman de Vargas Llosa joue aussi de ce contraste des quartiers. Malgré son titre, le roman n'a rien à voir avec la Cathédrale de Lima. « La Catedral » est le nom d'un bar minable, à côté de la fourrière pour chiens. le jeune Santiago Zavala, surnommé Zavalita, qui vient d'aller récupérer son chien avant qu'il ne soit tué, y entame autour d'une bière, une conversation avec Ambrosio, l'ancien chauffeur de son père, qui ramasse maintenant les chiens errants dans les rues pour le compte de la municipalité.
Le père de Santiago, Don Fermin, est un entrepreneur qui a pignon sur rue à Miraflores et est bien introduit dans les milieux politiques et militaires du gouvernement de la dictature du président Odria dans les années 50. Santiago se rebelle contre ce milieu étouffant et choisit d'étudier à l'Université San Marcos, que ses parents considèrent comme un nid de gauchistes. Il rejoint une cellule communiste clandestine et se fait arrêter. Mais les bonnes relations de son père le sortent vite de la prison. Dépité, il coupe les ponts avec sa famille, arrête ses études de droit et commence en bas de l'échelle comme journaliste,
Au fil des longues conversations entre Santiago, le fils de grand bourgeois qui a voulu comprendre la réalité sociale de son pays et Ambrosio, le chauffeur noir, né dans la pauvreté, mais qui a côtoyé les ministres, et a aussi prêté main forte aux coups bas du régime policier, le roman offre peu à peu une image captivante de la société péruvienne sous la dictature militaire.
Mais, ces souvenirs qu'ils échangent à « La Catedral » se font de plus en plus précis et soudain le sol se dérobe pour « Zavalita » : son père si digne, si respectable, est affublé du surnom de « Boule d'Or » par les filles d'un bar interlope. C'est comme ça qu'on appelle les homosexuels. le patriarche de la famille mène-t-il une double vie ? Et quid de cette prostituée toxicomane, ancienne maîtresse de Cayo Bermúdez, le chef de la Sécurité déchu, que l'on a retrouvée morte dans le caniveau d'un quartier mal famé. Quel a été le rôle de son père ? Et de son chauffeur, Ambrosio ?
La question qui ouvre « Conversation à La Catedral » est devenue célèbre : « A quel moment le Pérou avait-il été foutu ? (¿ En qué momento se había jodido el Perú ?) ». le roman de Vargas Llosa ne répond pas à cette question de l'origine de la débâcle. Mais il dresse un tableau qui confirme sans équivoque ce constat amer. Cet écrivain qui est revenu d'une défaite politique pour toucher à la gloire littéraire, qui a maintenant plus de 85 ans, mais en qui on reconnaît sans mal les traits idéalistes du jeune Santiago, cet écrivain, pense-t-il encore que « le Pérou est foutu » ?

Lien : https://www.lecturesdevoyage..
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CONVERSATION À LA CATHÉDRALE de MARIO VARGAS LLOSA
La cathédrale est un bistrot pas cher dans lequel Santiago va retrouver Ambrosio, l'ex chauffeur noir de son père. Retrouvailles fortuites car Santiago était allé chercher son chien emmené à la fourrière où Ambrosio travaille désormais. Ils ne s'étaient pas vus depuis des années et Santiago va profiter de l'occasion pour questionner Ambrosio sur son père, homme bien mystérieux. Il sortira du bistrot ivre mort, sans réponse à ses questions mais cette rencontre va le remettre sur le chemin de son père dont finalement il ne sait rien sauf qu'il est riche. Or Santiago a rompu les ponts avec sa famille pour ne pas profiter de cette aisance, il vit simplement avec sa femme, il travaille comme petit journaliste dans un quotidien et s'occupe des faits divers. Il va tirer les fils de son histoire depuis son enfance, ses relations avec sa mère, son frère et sa soeur et ce père qui curieusement lui est viscéralement attaché. Certaines découvertes au cours de sa recherche seront bien douloureuses pour lui.
Un des plus beaux Llosa, qui nous fait parcourir Lima avec ses ouvriers, ses étudiants, ses prostituées, tout ce monde interlope et évidemment la politique avec la dictature d'Odria et les tentatives pour le renverser. Un livre d'une grande richesse par son contenu mais également passionnant par sa structure narrative qui mêle le présent au passé par le truchement des dialogues imbriqués les uns dans les autres et au bout duquel on va découvrir Don Fermin, le père de Santiago.
Llosa était un grand admirateur de Faulkner, c'est évident dans ce livre qu'il lui a beaucoup emprunté sur la forme.
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Je n'est pas aimé cette écriture si volontairement alambiqué qui donne à la lecture l'aspect d'un déchiffrage.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Lui-même, Zavalita, était comme le Pérou, il s'était foutu en l'air à un moment ou un autre.
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Avril 2011 Mario Vargas Llosa parle de Pedro Camacho - "La tante Julia et le scribouillard"
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